Après une seconde journée chargée en décibels et en découvertes, le dimanche de ce Sylak 2025 nous réserve son lot de surprises. Le temps est idéal. Ni trop chaud, ni trop froid. On sent la fatigue du côté des festivaliers, mais pas question de faiblir avant la ligne d’arrivée. Il reste encore du beau monde à l’affiche : Knuckle Head, Melvins, Suffocation… Il est 11h30 lorsque démarrent les festivités. Le stade Régis Perrin de Saint-Maurice-de-Gourdans s’apprête à trembler une dernière fois et nous avec.
WITCHORIOUS
Witchorious ouvre le bal. Le trio francilien, « from Paris » comme l’indique son compte Instagram, est porté par Lucie Gaget (basse, chant, thérémine), son frère Paul à la batterie et Antoine Auclair à la guitare/voix. D’entrée, une atmosphère sombre et envoûtante se crée grâce à leur univers doom psychédélique. Ils enchaînent des riffs lourds et hypnotiques, soutenus par des vocaux habités qui captent l’attention d’un public déjà bien présent en cette fin de matinée. La formation avait déjà sévi un peu plus tôt cette année au Hellfest, dans la chaleur extrême de la Purple House. Sur la grande scène du Sylak, la cohésion du groupe se ressent pleinement et les fans du genre, pleinement satisfaits, ne se font pas attendre au stand de merch. Après un set salué par des applaudissements nourris, les membres de Witchorious ont prolongé le moment en allant à la rencontre de leur fanbase, signant les vinyles de leur album éponyme (Argonauta Records) à la chaîne. Une belle entrée en matière pour cette dernière journée avce un groupe dont on a pas fini d’entendre parler.
LAST ADDICTION
Il est 12h30 : l’apéro est déjà bien entamé sur le site, les hot-dogs (végans ou pas) sortent en masse des cuisines et la foule se fait de plus en plus dense devant la MainStage. Aujourd’hui, les festivaliers ne sont pas là pour enfiler des perles. Last Addiction, formation active depuis 2018 et originaire de Lyon, s’apprête à proposer un post-hardcore bien ficelé. Tout de noir vêtus, les cinq membres entrent en scène. Dylan Fournet (chant), Thomas Chaverondier (batterie), William Guinet (basse) Vincent Delphin (guitare) et Gaël Augier (guitare) se connaissent depuis le lycée et puisent leurs influence dans le post-black, punk-rock ou encore metal-core. Un bien beau mélange dont résulte un set propice aux circle pits. Du côté de la foule, ça mange la poussière, tandis que sur scène, l’énergie doublée d’une extrême concentration, sont croissantes. ‘Terror’ et ‘Last Sunset’, morceaux issus de ‘Downfall’, leur dernier album, sont joués. L’heure de passage est idéale pour mettre en jambes. On ne voit pas les trente minutes passer, on en aurait bien repris une couche, mais c’est le jeu. Pour une session de rattrapage, sache que le groupe se produira aux Abattoirs de Bourgoin-Jallieu (38, France) le 12 décembre.
KNUCKLE HEAD
Enfin nous les voyons en live ! Jock et Jack, duo alsacien, forment Knuckle Head. La formule est audacieuse : une guitare voix, et une batterie. Rien d’autre, si ce n’est un univers musical bien à eux et une identité visuelle bien marquée. De la « dark country » diront-ils. Une définition qui colle plutôt bien à ce qu’ils font. Derrière son pied de micro en chaîne, surmonté d’un crâne de bête à cornes, Jack se tient prêt à enchaîner les morceaux. Jock, imperturbable derrière ses fûts, tape (très) fort et juste. À mi-parcours, il entame une bouteille de rouge, la clope au bec. Le chant et le jeu de Jack sont précis. ‘Ritual’, ‘Brand New Life’ puis ‘Gazoline’, morceau extrêmement puissant en live, finit de conquérir les cœurs. On n’aura malheureusement pas droit à leur dernière pépite ‘In The End’ pour coup-ci. Le duo nous confiera plus tard en backstage qu’il faudra attendre la sortie de leur prochain opus.
En somme, Knuckle Head convainc par sa sincérité, sa musicalité et sa technicité. Le public, absolument ravi de ce set aux accent de blues rock et stoner, est à ce stade très chaud pour la suite du festival.
À noter que Knuckle Head sera à l’Alhambra de Genève le 29 novembre 2025 aux côtés d’Ultra Vomit pour le Recluses.

IMPERIAL TRIUMPHANT & THE BRAINS
Malheureusement, travailler au cœur d’un festival, c’est aussi devoir faire des concessions. Lors de ces deux concerts, le devoir nous appelle au coin presse pour enchaîner les interviews de The Chisel et Knuckle Head. C’est donc avec grands regrets que nous ne pourrons vous conter leur passage. Retrouvez très bientôt en ligne nos interviews.

THE CHISEL
Aussitôt les interviews terminées, nous voici en train de cavaler pour arriver juste à temps aux abords de la scène, située de l’autre côté du site. The Chisel a déjà entamé son set. Les Londoniens, dignes héritiers du punk britannique, sont en grande forme. Arrivés avec quelques heures de retard sur le site du festival à cause d’imprévus dans les transports, ils n’ont pas le temps de respirer que les voici déjà en train de semer le chaos sur la grande scène. Callum Graham est un frontman charismatique aux allures de Frank Carter. Même énergie et parfois, même timbre de voix. Mêlant punk Oi et hardcore, le groupe n’aide pas à faire redescendre la température du côté de la foule. L’un des guitaristes échange quelques mots en français. Le concert passe un claquement de doigts mais on est pas peu fiers de les avoirs enfin vus. En été, en festival : un moment idéal pour apprécier les morceaux de ‘What a Fucking Nightmare’, leur album sorti en 2024 chez Pure Noise Records. La prochaine fois que vous voyez leur nom à l’affiche d’un event : n’hésitez pas et allez-y.
MELVINS
Oui. Tu as bien lu. Les Melvins étaient à l’affiche du Sylak 2025. Les légendes du punk expérimental new-yorkais nous font l’honneur de jouer 45 minutes en fin d’après-midi. Pour la petite histoire, ils sont l’une des plus grandes influences de Kurt Cobain. C’est d’ailleurs grâce à Buzz Osborne, leader aux cheveux ébouriffés, que le membre du triste Club des 27 avait rencontré Butch Vig, producteur de ‘Nevermind’.
En ce dimanche 3 août 2025, le public est donc remonté à bloc pour accueillir les pionniers. Sur scène, l’effet visuel est immédiat : deux batteurs, placés en miroir, dont la synchronisation bluffante marquera tout le set. Buzz Osborne, cheveux au vent, drapé d’une toge noire ornée d’yeux brodés, est armé de sa guitare dorée. À ses côtés, Steven Shane McDonald brille dans son costume blanc éclatant, toujours souriant et complice avec le public comme avec les photographes. La formation avance avec un mélange de puissance et de maîtrise, portée par ses deux frontmen. Le public est abasourdi par tant de maîtrise. La fin de set approchant, les batteurs grimpent sur leurs chaises pour saluer la foule, sous une ovation grandement méritée. Au-delà de son étrangeté et de sa précision, ce set restera surtout gravé comme une expérience culte, rendue possible par cette proximité unique qu’offre le Sylak.

SUFFOCATION
Il est un peu plus de 19h30, et malgré l’heure qui avance, la chaleur reste écrasante. Changement radical d’ambiance avec Suffocation : on monte d’un cran, à la fois dans les décibels et dans les BPM. Les riffs tranchants, presque sanglants, frappent sans relâche et nous arrachent la nuque à force de headbanging. Ricky Myers, nouveau chanteur officiel de la formation américaine depuis 2019, assure un chant sans fausse note. Il bat la mesure avec sa main et ne bronche pas.
Le groupe n’en est pas à son coup d’essai : ils nous avaient déjà scotchés l’an dernier sous la Altar au Hellfest, et bien sûr ici même au Sylak en 2023, dans ce set mémorable où la poussière avait forcé tout le monde à dégainer bandeaux et foulards pour survivre à la tempête. Ce soir encore, Suffocation rappelle pourquoi il reste une machine de guerre incontournable du death metal.

ORANGE GOBLIN
Petit détour par l’American Socks pour un DJ set survolté, puis direction la MainStage pour accueillir Orange Goblin. Le jour décline doucement, la foule s’épaissit, et les slameurs s’en donnent à cœur joie. Mais ce soir n’est pas un concert comme les autres : il marque la tournée d’adieu d’un groupe qui tire sa révérence après trente ans de carrière.
Sur scène, l’intensité est double : d’un côté, une performance solide, puissante, d’une qualité irréprochable ; de l’autre, une émotion palpable, celle de dire au revoir à un monument du stoner/doom anglais. Le public le ressent et renvoie une énergie immense, comme pour graver ce dernier passage dans la mémoire collective du festival. Cependant, il faut noter que le son étouffé en déçoit quelques uns dans l’assemblée.
Après une série de festivals européens destinés à saluer leurs fans une ultime fois, Orange Goblin terminera son aventure par une mini-tournée au Royaume-Uni et en Irlande en décembre. Une fin à la hauteur d’un groupe qui a marqué son époque.

MASS HYSTERIA
La nuit est tombée. La fatigue pèse dans les jambes, mais on garde des forces pour l’un des derniers rendez-vous de cette deuxième journée : Mass Hysteria. Le groupe se fait un peu attendre, et l’impatience monte dans le public, chacun scrutant la scène, prêt à exploser.
Quand enfin les premières notes retentissent, c’est la déflagration attendue. Leur fusion rap metal frappe de plein fouet, libérant une puissance phénoménale. Le décor de scène est magnifique, renforcé par des jeux de lumière intenses et des gerbes de fumée qui transforment l’espace en véritable rituel sonore et visuel.
La brutalité est totale, mais parfaitement maîtrisée : impossible de rester immobile, chaque riff et chaque refrain secouent la foule. Le temps file à une vitesse folle, et avant même qu’on s’en rende compte, le set est terminé. Mais l’intensité de ce moment reste imprimée en nous, comme un coup de tonnerre qui continue de résonner bien après la fin du concert.
DIMMU BORGIR
Le dernier concert du festival se fait attendre. Dimmu Borgir accuse près d’une heure de retard, laissant au public le temps d’aller manger et de souffler un peu. Mais au fil des minutes, l’impatience grandit, et avec elle le mécontentement : les discussions vont bon train, certains finissent même par quitter la plaine, résignés face à l’heure tardive. Les techniciens s’agitent, opérant des allers-retours incessants pour régler les problèmes.
Puis enfin, le rideau de lumière se lève. La foule restante, compacte et surchauffée, explose d’enthousiasme : les Norvégiens sont là pour clore le Sylak. Les premières flammes jaillissent et les lumières chaudes installent immédiatement une atmosphère profonde et mystique, parfaitement en accord avec l’univers du groupe.

Et là, tout est oublié. Le retard s’efface sous la puissance scénique et la noirceur grandiose de leur black symphonique. Les riffs, les orchestrations et la mise en scène transforment la nuit en véritable cérémonie. Dimmu Borgir rappelle qu’il reste un géant du genre, capable de captiver et de subjuguer en quelques instants.
Actuellement en plein travail sur leur prochain album, les Norvégiens offrent ici une piqûre de rappel magistrale : une démonstration de force qui donne furieusement envie d’en découvrir plus, et qui clôture le festival avec éclat.
Il est maintenant temps de faire un ultime tour du camping, histoire de saluer tous les nouveaux copains du week-end et de partager encore quelques verres avant de quitter Saint-Maurice-de-Gourdans. L’ambiance reste festive, entre rires, accolades et promesses de se revoir l’an prochain.C’est le cœur gros que l’on franchit finalement les portes du site, mais une chose est certaine : Sylak, on te retrouve l’année prochaine. Un immense bravo à toute l’équipe d’organisation et aux bénévoles qui, une fois encore, nous ont offert un festival chaleureux, humain et rempli d’aventures inoubliables.
Texte : Floriane Piermay & Hiromi Berridge
Photos : Floriane Piermay
















