Un tapis synthétique qui prend sa source dans les années 80, réchauffé par la voix sensuelle et grave de Sandor. Trois ans après avoir entendu ses premiers titres, la chanteuse valaisanne sort son premier album, petits bouts de vie à l’écriture frontale, se bornant à l’essentiel. Une lumière au pays des ombres, dont les mélodies finissent par se ficher obstinément dans un coin de votre tête. Sandor revient sur la genèse de la création de cet univers sonore et visuel très personnel.

Ton premier album vient de sortir, quel est le sentiment qui t’anime aujourd’hui ?
Je suis hyper heureuse. Il a mis long à se faire, mais il y a plusieurs raisons à cela. J’étais hyper pressée de le sortir, mais maintenant que je me suis entourée d’une équipe pro qui gère tout ce qui est de la diffusion, je pense que j’ai eu raison. Il m’ont dit d’attendre d’avoir un public. Moi je l’aurais sorti comme ça et je pense qu’ils ont bien fait de me le dire, d’avoir des gens qui attendaient cet album et là, c’est le cas donc j’ai vraiment un accueil magnifique, aussi bien de la presse que du public. J’ai de super beaux retours. Et je suis très heureuse car je suis allée au bout de ce que je voulais faire et j’en suis fière car c’est vraiment des années et des années de travail, d’engagement et il y a beaucoup de gens qui ont bossé dur à mes côtés pour ça. C’est une fierté. Il n’y a pas un truc que j’aurais fait différemment. Tout est comme je le voulais. Il y aura peut-être des gens à qui ça ne plaira pas c’est normal, mais à moi, il me plaît et j’espère qu’il plaira aux gens qui aimaient déjà ce que je proposais.

Pourquoi avoir choisi le format 4 titres en 2017 puis l’album maintenant en 2019 avec les mêmes titres?
Il y avait cet aspect égoïste de faire mon album. Et j’ai pressé quelques vinyles car pour moi, faire un disque c’est ça, c’est un vinyle. Tout ce truc qui est un peu du mythe là-autour, c’était hyper important et du coup, j’avais envie que tout ce que j’ai fait de mieux y soit. J’ai hésité à mettre les morceaux du EP. J’aurais pu mettre des morceaux que j’avais jamais sorti, j’ai hésité. Mais je me suis dit que l’album aurait certainement une plus grande portée. Il y aura de nouveaux auditeurs et il y a plein de gens qui n’auraient jamais connu les chansons de l’EP si je ne les avais pas mises sur l’album. C’était aussi l’envie que ce soit un recueil.

À l’heure d’internet, on peut se demander si l’album est encore nécessaire. Pour toi c’était une nostalgie de ce que tu as connu quand tu étais jeune ?
Oui  clairement. J’aurais même fait que des vinyles , mais on m’a conseillé de faire aussi des CD ce que je trouvais complètement désuet. Plus personne n’écoute de CD. Et en fait, oui les gens écoutent encore pas mal de CD et surtout tout le réseau promo en France, les radios, les journalistes. Pour eux, s’il n’y a pas de CD, ça n’existe pas. C’était donc important d’en faire. En réalité faire un album c’est faire une proposition. Les ventes de disques, ce n’est pas mon objectif. J’en n’ai pas fait des milliards (rires) car on sait comment ça fonctionne aujourd’hui. Il n’y a plus cette possibilité de vendre aussi facilement qu’à l’époque, mais c’est une bonne indication pour les gens qui viennent me voir en live. Moi j’adore aller voir des live où je connais déjà un peu la musique et les paroles.

Sur cet album, il y a des chanson qu’on entend depuis le tout début et d’autres qui semblent plus récentes ou, en tout cas, moins familières ; comment as-tu fait exister ces deux périodes ?
Oui, il y a des inédites. C’est marrant parce que les gens me parlent de ‘nouveaux morceaux’ et parmi les nouveau morceaux, il y en a qui sont antérieurs aux autres.  Il y a quand même ma voix, les effets que je mets dessus qui donnent une ligne directrice et une cohésion à tout ça, même s’il y a plusieurs arrangeurs sur le coup, des styles différents. Il y a une unicité.

Et est-ce que toi tu vois une différence ? Comment appréhendes-tu la Sandor de maintenant et celle d’avant ?
On a fait un nouveau travail que j’avais jamais fait avant parce que je m’étais concentrée que sur la musique. Maintenant, je commence à prêter attention aux visuels, on est en train de travailler en résidence sur la scénographie pour qu’il y ait un univers visuel qui colle à la musique. Donc j’élargis un petit peu le champ des possibles. Je me suis aussi entourée d’une équipe dont Lara Défayes qui fait la scénographie et la direction artistique visuelle, tout ce qui est en lien avec l’image.

En parlant d’image, comment appréhendes-tu ton image, par exemple sur la pochette où tu es le personnage principale dans une esthétique très 80’s qui est très cool ?
Ce qui a été décisif, c’est de me présenter. C’est le premier album aussi, je lui ai pas donné de titre, je l’ai appelé ‘Sandor’ car pour moi, son utilité était de présenter ma musique et moi par ma musique. C’était important qu’il y ait mon nom, ma tête et mes chansons. Et je me suis dit que plus on mettait d’informations, plus on noyait les informations essentielles. La photo a été une sacrée paire de manches. C’est assez difficile. Tout le monde te le dira, tout ceux qui bossent avec moi (rires). Parmi le panel de photographes que Lara m’a proposé, j’ai vraiment eu un flash sur une photographe, Calypso Mahieu. On a dû batailler pour qu’elle soit disponible parce qu’elle avait beaucoup de job. On l’a eue pour une journée de travail. On est allé faire des photos au No Name. Elle a proposé le lieu. Il y avait maquilleuse, coiffeuse, la totale. J’avais l’impression d’être une star (rires). C’était pas forcément mon délire de me mettre moi en avant, mais plutôt ma musique, mais j’ai assez vite compris que dans le milieu… je suis pas une bombe de 17 ans (rires). Au final, mon image colle à ma musique et un peu à ma personnalité.

Un truc qui revient souvent lorsqu’on parle de Sandor, c’est ‘univers très personnel’. Qu’est-ce que ça t’inspire ?
Avant Sandor, je suis tombée dans le piège de faire de la musique pour plaire ou ressembler à tel tel artiste qui me plaît et on perd son essence, sa vraie personnalité. Et à un moment, je me suis dit que j’allais faire de la musique pour moi seule et finalement, c’est un peu un hasard que ce soit arrivé aux oreilles de mes proches qui m’ont dit de faire quelque chose avec ça parce que c’était vraiment intéressant. Et comme à la base, ça n’avait pas été créé pour le public, je m’en foutais de ce que les gens allaient penser, j’avais aucune influence de ce type-là et cela m’a permis de faire un truc qui me ressemble.

Parle-moi un peu de Jérémie Duciel avec qui tu collabores depuis un certain temps. Il y a quelque chose qui s’est installé entre vous. Comment travaillez-vous ensemble ?
C’est une collaboration, une amitié, à force de tourner ensemble, on est presque des frères et sœurs, on se connaît sous toutes les coutures, on s’engueule, on s’adore. On a une super entente aussi bien humaine que musicale. Il fait les arrangements. Moi je compose, j’écris les textes, la musique. Je lui propose une musique avec un premier arrangement. Il y a des choses qu’il va garder, d’autres qu’il va élaguer. Il va ensuite embellir les sons et surtout, il va donner l’ampleur parce que moi je sais composer mais je sais pas faire en sorte qu’un morceau… il y a une monotonie dans l’intensité. En rajoutant des couches, en créant des contrastes, il va donner de l’ampleur et faire en sorte que ça se diffuse dans l’espace. De temps en temps, il place une mélodie. On est assez enthousiaste. Quand je lui propose un morceau, il est assez excité de commencer et quand il me montre ce qu’il a fait dessus, c’est toujours un plaisir parce qu’il fait une grande mise en valeur de mes compos.

Il y a des arrangements certes, mais la chanson n’est pas noyée dedans.
Oui, toutes mes chansons peuvent être jouées en acoustique. Pour l’instant, c’est un choix de ma part de ne pas le faire, mais pour ma manager, c’est un peu son rêve. J’ai beaucoup écouté de rock et pour l’instant, j’ai besoin de ces couches et de cette puissance.

Justement, pour la guitariste que tu es, ton instrument est finalement assez discret, au service du morceau on pourrait dire.
Oui j’aurai quelques petits solos pendant le live, mais oui on peut dire qu’elle est au service de la musique.

La chanson en français est revenue en force ces dernières années avec Angèle, Clara Luciani, Juliette Armanet, alors que pendant un temps, ce n’était pas vu comme très sexy. Comment l’expliques-tu ?
Et ça réduit aussi le territoire ! Il y a beaucoup de gens qui font de la musique en anglais parce qu’ils savent qu’ils ont une plus large audience. Quand on fait le choix de chanter en français, on est conscient de cela. Moi, il n’était pas question que je chante dans une autre langue que le français. C’est une histoire d’authenticité, c’est ma langue et comme une grande partie de mes textes sont autobiographiques, ça raconte mon vécu et je crois qu’on peut pas tricher sur la langue quand on raconte sa propre vie, ses propres émotions.

Tu parles de ta propre histoire, te verrais-tu un jour aborder des causes qui te tiennent à cœur, avoir des paroles plus engagées ?
En fait, mes paroles sont souvent en ‘je’, mais c’est un ‘je’ impersonnel. Je pense qu’en lisant entre les lignes, on trouve quand même pas mal de thématiques importantes. Je pense qu’il y a déjà un petit engagement de ce côté-là qui est en train de se dessiner, mais oui je pense que ça ira de plus en plus dans ce sens-là. Après, c’est aussi important d’avoir un soutien. Quand on a la presse, un public, c’est à ce moment-là qu’il faut lâcher les chiens.

On sait que tu as des influences des 80’s, mais quels sont les artistes d’aujourd’hui qui inspirent ?
J’aime beaucoup Clara Luciani dont on a parlé avant, Fischbach, Juliette Armanet et Jeanne Added qui a un talent de fou et dont j’ai eu la chance de faire la première partie. Ce sont des artistes complètes. Elles écrivent, composent, ont mené leur bateau, construit une équipe. Je sais ce que ça demande car je suis en train de le faire. Je suis admirative de tout ça.

Tu as fait pas mal de concerts jusqu’à maintenant, comment vois-tu ton évolution sur scène ?
Le trac est le même malheureusement (rires). On aimerait bien qu’avec le temps, ça se tasse, mais non, je pense que c’est inscrit dans ma nature. C’est comme ça, j’ai accepté cette idée. Chaque fois que je monte sur scène, je me dis ‘Pourquoi je m’inflige ça ?’ (rires). C’est un engagement, l’envie de faire bien, que ce soit beau et de ne pas avoir l’air con. Tous les regards posés sur toi, ça fout les jetons. Après le deuxième morceau, je commence à me détendre et après, c’est le bonheur, surtout si le public réagit bien. J’aime bien faire passer le message au public en le regardant pendant que je chante, plutôt que de parler entre les chansons. Je préfère ma voix chantée plutôt que ma voix parlée qui me réduit à… moi mais pas le moi que j’ai envie de montrer. Il y a pas mal de gens qui me disent que c’est dommage que j’aie pas parlé plus car ils auraient aimé avoir cet échange. C’est affreux parce que ce que je pense avoir échangé avec le public de tellement fort n’est pas forcément ressenti car je ne l’ai pas dit. C’est pour ça que j’ai fait la chanson ‘Je ne sais pas parler’, pour le dire car pour moi les rencontres avec le public, ce sont les moments les plus forts de ma… vie ! C’est d’une puissance inouïe et j’avais envie qu’il le sache.

Qu’est-ce qui t’attend en cette année 2019 ?
Il y a quelques dates déjà bookées et j’ai envie d’en faire le plus possible. Et d’élargir le territoire. J’espère retourner jouer en France, en Belgique, au Québec car c’était une magnifique expérience. On a eu un public qui a fait un bel accueil à ma musique.

Fiche CD :
‘Sandor’
Ouragan Records
www.sandormusic.com
Note : 4/5

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