Parce qu’il n’y a pas que les groupes dans le metal et au Hellfest, nous avons choisi de mettre en lumière des acteurs un peu plus méconnus du grand public, et pourtant, au combien essentiels. Aujourd’hui, rencontre avec Pascal Gueugue de la Fédération des musiques Metalliques.

Peux-tu nous expliquer ce qu’est la Fédération des Musiques Metalliques ?

C’est une association qui a été montée pour défendre la filière metal, pour porter d’une seule voix, dans la mesure du possible, tous les sujets liés à la professionnalisation, à l’accompagnement professionnel, à la visibilité médiatique, à la défense de la filière auprès des institutionnels, donc vraiment créer une structure dédiée à porter la parole de la filière. Le but c’est d’apporter un maximum de crédibilité à la filière, d’accompagner un peu mieux les groupes et leur donner un peu plus de place dans l’écosystème de la musique actuelle. Le problème du metal, c’est que pendant longtemps il s’est mis un peu à la marge, soit volontairement, soit involontairement, et du coup il y est resté, mais aujourd’hui on trouve dommage de ne pas aider ce genre-là qui est un genre important, qui amène du monde comme on le voit ici au Hellfest. On constate paradoxalement qu’il n’est pas tant programmé que ça, donc l’idée c’est de faire bouger tout ça. Il se trouve aussi que les institutionnels sont aussi revenus vers moi car j’étais un peu identifié comme un interlocuteur sur les musiques en général et plus particulièrement le metal, et ils ont commencé à voir qu’il y avait des enjeux. Il y a des gros évènements comme le Hellfest, il y a l’effet Gojira, il y a donc une scène qui bouge, y’a des dates qui marchent. Le Covid a été un peu un révélateur de tout ça car il y a pas mal de monde qui ont continué à faire des choses, et il y a d’autres scènes qui sont apparues comme moins actives du coup. Ça a été un peu un révélateur en fait, et ça a aussi permis de montrer les limites du truc c’est-à-dire que ça a été une période où les artistes ont beaucoup soufferts, plus de revenus, plus de live etc. ça a donc été une synchronisation des choses et de comment on défend cette filière, comment on la valorise à un moment où elle est forte. Nous on le sait qu’il y a du public, de la demande, une vraie communauté, mais je pense qu’il y a encore pas mal d’institutionnels qui ne le savent pas ou de personnes qui ne s’en rendent pas compte. Mon enjeu c’était donc d’augmenter cette visibilité et de servir de haut-parleur pour la filière.

Est-ce que tu as senti qu’il y avait vraiment un manque dans ce milieu ou ce sont plutôt les acteurs du milieu qui se sont dit il faut faire quelque-chose ?

Je crois que les acteurs se bougent depuis toujours, et ils continuent de le faire. Moi je ne viens pas du tout faire ce qu’ils ne font pas, mais par contre, je trouve qu’il y a un manque d’unité. C’est très éclaté, il y a beaucoup d’initiatives partout, mais finalement personne ne parle d’une seule voix. On le voit bien, par exemple, le Hellfest aurait pu centraliser cette parole, mais ils sont dans leur truc à eux et c’est normal. Il manquait donc une structure qui fédère tout le monde, sans remplacer les activités de chacun mais en parlant au nom de l’ensemble de la communauté, et des acteurs, pour dire qu’on a tel ou tel sujet, telle ou telle problématique. Vraiment porter cette parole de manière plus uniforme, et d’une seule voix.

Ton champ d’action c’est donc ?

Mon champ d’action est très large. Aujourd’hui, on a vocation à réunir les acteurs de la musique : labels, tourneurs, producteurs, tout l’écosystème de la musique studio, mais aussi les institutionnels. L’idée c’est d’être le plus large possible pour avoir un maximum de représentant de chaque métier, et pouvoir créer des verticales sur ces sujets-là, parler des problématiques qu’il peut y avoir dans chaque secteur. Pareil, en termes de genres, on est sur du metal au sens très large car on sait que dans le metal il y vraiment toutes les composantes. L’idée c’est d’aller d’un Pogo Car Cash Control à un Celeste, vraiment une grande ouverture musicale. Moi-même j’écoute plein de choses, je travaille dans la musique au sens large pas que metal, donc c’était important de porter ce message-là. Au niveau des institutionnels c’est aussi important car la diversité fait partie de leur mission et c’était compliqué d’aller que dans une niche très extrême qui n’aurait même pas été représentative de la filière. Bien sûr quand on parle du death metal, du trash, ou du rock, les problématiques sont différentes, les intérêts sont différents. Par exemple les gens du death metal n’ont pas forcément très envie ni besoin d’être reconnus sur une scène très mainstream, ou ne ce soucie pas des enjeux de subventions, mais par contre il peut y avoir des intérêts à être mis en connexion avec d’autres productions, d’autres tourneurs etc. Chaque entité a ses prérogatives et ses besoins, et c’est là qu’il faut trouver et entendre les besoins.

Cette envie d’unifier est-elle née de ces nouveaux enjeux dans le monde de la musique ?

Pour ma part, ça fait longtemps que j’avance avec l’envie de faire les choses dans l’intérêt général. C’est assez propre à moi-même et à mon passé professionnel. Il s’avère que la passion du metal est là depuis longtemps et ça s’est matérialisé il y a environ deux ans où je me suis dit qu’il y avait peut-être un truc à faire. J’ai commencé à faire des choses à droite à gauche, j’ai essayé de connecter des gens qui me le demandait, c’est vraiment instinctif chez moi, et donc je voulais faire un truc un peu plus concret et la meilleure chose à faire était de créer cette fédération qui unit les forces et les acteurs. Un outil pour porter la parole de plein de gens. Et puis ça s’est aussi matérialisé avec ces changements dans l’écosystème de la musique, des difficultés liées au Covid, mais aussi avant avec les attentats et les difficultés qu’ont rencontré les salles de concerts, la digitalisation qui a bougé les lignes, et puis ce truc, que je trouve toujours aussi injuste c’est qu’une esthétique comme le metal ne soit pas ou peu représenté dans les festivals, dans les évènements, dans les conventions, à la Sacem etc…  Je trouve qu’il y avait vraiment un manque, même si bien sûr, il y en a qui savent où aller chercher les contacts, mais il y a une majorité qui ne savent pas. Je suis toujours bluffé de constater qu’il y a plein de groupes qui ne savent pas que la Sacem ça sert à déposer ses œuvres, à les protéger, à récupérer des droits, et qui pensent plutôt que c’est de l’arnaque. Il y a donc un vrai boulot de pédagogie à faire auprès des acteurs du metal, qui ne sont pas des gens qui vont naturellement se renseigner pour savoir à quoi sert telle ou telle institution. Les éclairer sur ces sujets-là c’est donc important, et le faire avec quelqu’un ou une structure qui a une légitimité à le faire. Pour l’instant il n’y en avait pas. Il y a des choses qui existaient mais elles n’incarnaient pas assez cette parole au nom du metal.

Est-ce que tu penses que la Fédération va aussi servir à unifier des groupes en leur faisant prendre conscience de l’importance de tout ça : protéger ses œuvres par exemple ?

C’est sûr et certain. Rien que pendant le Covid il y a eu un énorme manque à gagner pour certains sur des droits qui auraient pu être générés. J’ai eu des discussions avec des groupes confirmés qui ont découvert qu’ils avaient droit de récupérer des sous sur des prods, d’avoir du matériel etc. Déposer les œuvres c’est hyper important. Ce que les gens ne savent pas, c’est que si tu ne protèges pas tes œuvres tu ne peux pas récupérer d’argent. Les concerts génèrent des droits et donc de l’argent. Si tu ne déposes pas tes œuvres, tu peux faire autant de concerts que tu veux tu n’auras jamais d’argent. Alors je ne suis pas maqué avec la Sacem, mais on a un système de protections des œuvres parmi les meilleurs au monde, c’est dommage de ne pas s’en servir. C’est con de ne pas savoir que ça existe et c’est vrai aussi pour de nombreux autres dispositifs d’accompagnements. Après, beaucoup pensent que c’est trop compliqué mais après faut savoir aller à la pêche aux informations, et nous on sera là pour tout ça.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur tes principaux adhérents ?

Aujourd’hui on a 64 adhérents. Ça monte bien en ce moment. On a le Bataclan qui a adhéré récemment, une forte symbolique, et on se connait bien pour avoir monté des opérations ensemble comme le ‘Wall Of Clan’. J’ai aussi eu récemment le syndical des éditeurs indépendants, le Furios etc. Plus de 60 adhérents avec du label, du management, des salles etc. Après on a un Internet où les gens échangent entre eux, posent des questions, donnent ou reçoivent des conseils, qui passent souvent par nous car on peut les orienter via nos connexions. C’est un réseau interne pour que chacun puisse échanger. A terme l’idée c’est d’avoir la plus grosse communauté possible où chaque secteur est représenté et chacun peut alimenter les besoins des autres. Moi je vais jouer un peu le chef d’orchestre et coordonner les gens qui peuvent avoir des difficultés à se parler entre eux. Dès que tu as un entremetteur c’est beaucoup plus facile. Je suis un facilitateur de contacts.

Quels sont donc pour toi les points faibles du milieu du metal ?

Comme je le disais, un manque de structuration, et ce côté un peu méfiant, défiant, qui est caractéristique du milieu, certes, mais ce que j’essaye d’expliquer c’est que ce n’est pas parce que tu vas déposer tes œuvres à la Sacem que tu vas vendre ton âme au diable. Tu peux rester très subversif et en même temps avoir des aides ; ça fait partie de ton métier de musicien c’est tout. Il y a encore beaucoup de musiciens dans le metal qui ne sont pas professionnels de la musique, qui ne sont pas intermittents, donc qui ne vivent pas de ce métier-là. Alors il y en a qui s’en sortent très bien, mais a contrario, il y a encore beaucoup de gens qui sont encore obligés de bosser à côté, des boulots alimentaires et qui aimeraient bien faire de la musique leur métier. Et ça, ça ne fonctionne que si tu arrives à te structurer.

Est-ce que tu penses que tous ces besoins, ces conseils, ces aides, ces aiguillages, c’est vraiment propre à ce style musical 

Non alors y’a des fédérations dans pas mal d’autres styles musicaux : jazz, chanson. Moi j’ai monté celle du metal car je connais bien l’écosystème de la musique depuis 20 ans, que je sais très bien qu’il y a des structures qui existent qui font du lobby, et que je pense que dans le metal tout est réuni pour crée un outil super intéressant parce que les gens ont envie de travailler ensemble. Y’a un vrai truc de communauté, hyper fort et y’a un lien fort. Ce que je trouve intéressant dans la communauté du metal c’est ce truc de reconnaissance, on se comprend, on sait de quoi on parle etc… ce qui est propre à notre communauté. Et ben moi je veux leur donner des outils pour que ça se professionnalise à l’instar d’autres styles, que ça devienne encore plus visible, encore plus costaud, pour qu’on soit programmé à Bourges, aux Transmusicales, pour être naturellement représentés. C’est un peu comme les logiques de parités. A un moment, sur les esthétiques, tu parles de diversité alors il faut qu’il y ait tous les genres.

Après toutes ces années penses-tu qu’il y a encore des a priori sur la musique metal ?

Aujourd’hui tu vas voir les programmateurs, et on te dit : pas de metal, ben c’est qu’ils ne font pas correctement leur taf. C’est leur boulot de programmer de tout. Ça doit être une représentation de tous les genres. Si tu ne le fais pas c’est que tu ne fais pas ton boulot en fait. Y’a encore souvent cette confusion, mais les gars ils ne devraient pas avoir le choix. Y’a aussi le levier économique à prendre en compte. Clairement le Hellfest a montré qu’il y avait des enjeux économiques très importants, ce qui a changé un peu la donne. Maintenant on a des chefs d’entreprises qui sont là, et d’après des études le niveau d’études et souvent le niveau de vie a aussi monté dans la communauté metal. Cela nivelle un peu le truc, sans faire de sociologie, mais ça casse un peu l’image du metalleux des années 80 beaucoup plus prolétaire, qui était beaucoup plus Homme du peuple, veste à patchs. Ce n’est clairement plus la réalité d’aujourd’hui. Je suis toujours abasourdi d’entendre les gens dirent que les metalleux sont des teubés.

Si quelqu’un veut adhérer ou juste vous soutenir, comment fait-on ?

Alors nous, aujourd’hui, on a besoin d’entités qui nous font confiance, car on est encore en structuration de projet, on a plein de supers envies, on va matérialiser les choses au fur et à mesure. J’ai déjà mis les pieds dans la porte à plein d’endroits donc y’a pas de problème là-dessus juste concrétiser cela. On va avoir besoin de relais sur les régions, les territoires, d’associations qui se mobilisent, d’acteurs de terrain. C’est une structure qui est décentralisée et qui n’a pas du tout vocation à être à Paris. L’objectif est vraiment de travailler sur les territoires. Pour l’instant on se focalise sur l’Hexagone, mais pourquoi pas passer les frontières. Ce qui serait vraiment cool, c’est que le modèle fédération donne des idées à des copains européens. Il y a vraiment des passerelles à construire avec des pays à forte identité metal. On est ouverts à tout et à tous, j’ai un pote qui a un cabinet comptable à Lyon qui a adhéré de suite. Toute aide est la bienvenue. Je pars du principe que toutes les aides et tous les savoir-faire sont importants. Il y a toujours des connexions à faire avec pleins de gens différents, c’est même un principe de vie pour moi. C’est cela qui crée une richesse de relationnel et de mise en ligne derrière. Je peux même te conseiller un coiffeur qui kiffe le metal si tu veux.

Alors si tu es une association, une région, une salle de concert ou autre, n’hésites pas à mettre ton savoir-faire au service de la Féderation des Musiques Metalliques. Se fédérer pour mieux exister, un crédo qui peut vite devenir une force dans ce milieu où le partage de la passion est très présent, comme nous avons encore une fois pu le constater au Hellfest cette année.

[Marjorie D.]

Photos @CFK Photographies

http://federationdesmusiquesmetalliques.com/

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