Les vétérans du punk rock anglaise The Buzzcock reviennent après huit ans de silence avec l’album ‘’Sonic In The Soul’’. Steve Diggle, le seul member d’origine, revient sur la pandémie, H.G. Wells, Pete Shelley, la mort et les inspirations.

‘’The Way’’ date de 2014. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour sortir un nouvel album?

Steve Diggle : Après avoir sorti ‘’The Way’’, nous avons tourné pendant deux ans autour du monde. Je crois que Pete Shelley (décédé en 2018) ne voulait plus faire d’albums. Donc on n’a fait que de tourner. Mais nous voici avec un nouvel opus. Je réalise que c’est très important pour moi de continuer à faire de nouveaux morceaux

Vous avez enregistré pendant la longue pause pandémie.
J’ai écrit cet album pendant cette période oui, mais nous l’avons enregistré après. Il y a quelques influences de ce qu’on a vécu, car après tout tu parles de ce que tu vis. Il y a des moments où on parle du monde, de la façon dont je me sentais, tout ça… Le morceau ‘’Don’t Mess With My Brain’’ en est peut-être un bon représentant. Le monde était tellement chaotique. Tout était si pessimiste. Mais j’essaie de faire quelque chose d’optimiste avec un nouvel album des Buzzcocks.

Comment tu l’as vécu ?
Pas trop mal. En tant que musicien et compositeur, tu es constamment isolé de toute façon. J’ai eu plus de temps pour composer et écrire des morceaux. En fait, cela nous a fait réaliser beaucoup de choses. C’était très introspectif. Lorsque tu écris des chansons, tu t’observes vraiment, toi et le monde. Donc la pandémie, c’était vraiment ça. Rien de neuf pour moi, sauf que le monde s’est arrêté.

Quel est ton morceau préféré ?
Tous ! L’album entier est un voyage. Je voulais faire un album classique. Tu commences par le premier morceau, et tu pars dans un voyage. Il pourrait y avoir beaucoup de singles sur cet album, tu pourrais les sélectionner individuellement. C’était mon but, un peu comme ‘’Diamond Dog’’ de David Bowie. Mais il te faut écouter l’album en entier pour le comprendre vraiment. Comme à l’époque des bons vieux albums ! C’est un peu comme lire un livre, tu dois le lire jusqu’à la fin pour comprendre ce qui se passe.

Pour moi, ce sont ‘’Bad Dreams’’ et ‘’Just To Let It Go’’ qui sortent vraiment du lot.

Je les adore aussi. ‘’Bad Dreams’’ est très classique et hypnotique. C’est assez universel au fond, tout le monde a de mauvais rêves. Le morceau a été très bien reçu lorsque nous l’avons joué en live. Pareil avec ‘’Just To Let It Go’’. Les gens ont adoré, c’est bon signe !

‘’Experimental Farm’’ sonne assez punkadélique!
J’étais en Grèce pendant la pandémie, et je lisais H.G.Wells : ‘’L’Homme Invisible’’ et ‘’Place aux Géants’’. Je trouvais que cela ressemblait assez à la pandémie : un homme invisible avec un masque… Un scientifique qui va dans une ferme et dit aux fermiers de nourrir les poulets avec quelque chose de spécial pour qu’ils grossissent. Les choses tournent mal et tout devient plus gros, les rats, les papillons… Nous ne savons pas ce que nous mangeons. On en oublie les produits naturels, et on se retrouve avec du diabète et d’autres maladies. ‘’Experimental Farm’’ parle de cela. On ne sait pas ce qu’on fait avec notre nourriture. C’est un morceau engagé.

J’ai lu sur Wikipédia que vous avez indiqué que l’époque post-Shelley est le début d’une nouvelle ère. Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
Ce nouvel album marque une nouvelle aire, une nouvelle direction. On ne peut qu’aller de l’avant, plus rien ne sera pareil. Rien dans la vie n’est pareil, chaque jour est un nouveau jour. Et c’est l’album de la transition, comme nous prenons des éléments qui font que Buzzcocks est ce qu’il est, tout en allant de l’avant. ‘’Sonics In The Soul’’ est un album qui tire des liens vers le futur. En tant que compositeur, tu dois toujours te mettre de nouveaux objectifs.

Il faut avouer que Buzzcocks a influencé beaucoup de groupes et inspiré des gens à créer leurs labels. Tu ne trouves pas que tu inspires toujours les gens ?
Nous avons toujours eu de bons morceaux avec des excellents riffs, que les gens peuvent reprendre en chœur. J’imagine que nous essayons de laisser un héritage. Avec ce nouvel album, ce sont les Buzzcocks, mais en 2022. C’était pareil avec ‘’The Way’’. On ne peut pas faire toujours la même chose, il faut expérimenter. Comme Picasso qui a fait du cubisme, avant de passer à sa période bleue. Lorsque tu suis un groupe, tu dois partir dans une espèce de voyage avec eux. Comme les Beatles, Bowie ou Bob Dylan n’ont jamais fait deux fois le même album. C’est cela, la créativité.

Tu as vécu des choses intenses dans ta carrière ?
Oui forcément, comme écrire de supers morceaux ou faire de supers concerts. Le public est très réceptif, c’est vraiment quelque chose. Lorsqu’il te rend ce que tu leur offre, c’est génial. Mais j’aime l’idée de sortir ce nouvel album, j’espère qu’il va inspirer beaucoup de gens. Les moments les plus pessimistes… Peut-être ceux où j’étais en gueule de bois ? (rires) La vie n’est qu’une suite de hauts et de bas tu sais, il faut apprendre des bonnes choses comme des mauvaises.

Et ton meilleur concert ?
Tous ! Madison Square Garden à New York ou Coachella dans le désert de San Bernardino en 2012. Ces moments étaient incroyables. Nous avions une excellente connections avec le public. Le rock’n’roll t’offre des choses incroyables, où tu te connectes avec Dieu, le Diable, tout.

Vous avez trouvé un remplacement pour Pete Shelley ?
Pete est irremplaçable. Nous avons Mani Perazzoli avec nous en concert depuis quelques années. Il faut aussi les chœurs. Il nous a rejoint avant la pandémie et fait vraiment partie de l’équipe maintenant.

En quoi la mort de Pete Shelley t’a affecté ?
J’étais dévasté. Pete et moi nous connaissions depuis que nous avions vingt ans (Steve en a 67). C’était une longue aventure, j’ai passé tellement de temps avec lui, il était mon ami, presque mon frère. Ce n’était pas qu’une question de musique, mais aussi quelque chose de personnel. Après, il faut faire avec. J’ai vécu beaucoup de morts dans ma vie. Nous avons joué avec Joy Division, Ian Curtis se suicide. Nous avons rejoint Nirvana pour leur dernière tournée, Kurt se suicide. Je suis habitué maintenant. Mon père est mort il y a longtemps. À 17 ans, j’ai été dans un accident de voiture dans lequel mon ami est mort. J’ai survécu. Il faut juste aller de l’avant, car tu fais partie du monde des vivants.

Tu ne t’es jamais dit que tu étais trop vieux pour le monde du punk ?
(rires), oui, quand j’avais peut-être 26 ans ! Le punk rock te fait rester jeune. On ne grandit jamais vraiment, j’adore toujours cela. C’est important tu sais, comme de faire de nouveaux albums qui seront bien reçus. C’est réjouissant, car nous ne faisons pas que des vieux morceaux lorsque nous jouons en live. Ce n’est pas une question d’âge de faire de bons morceaux (rires).

Il y a des morceaux qui te font honte ?
Non, je les accepte tous, même s’il y en a certains que j’aimerais améliorer peut-être.

Comme ?
‘’Running Free’’ par exemple. Un DJ américan m’a dit un jour que c’était son morceau préféré. Mais quand je l’ai enregistré en studio, il était 6 heures du matin et on avait pris pas mal de drogues, et j’ai posé une ligne de voix très crue. Nous étions aussi sur le point de nous séparer, donc je n’avais pas envie de refaire mes voix. Le morceau a son charme à cause de ça, j’imagine.

Quels sont tes plans avec Buzzcocks ?
Nous allons partir en tournée, et j’espère partir autour du monde. Nous avons une tournée américaine à reprogrammer ! Et j’écris un nouvel album aussi…