Nick Cave nous avait subjugué l’an dernier – une fois de plus – avec ses Bad Seeds lors de la tournée européenne (puis mondiale) de ‘The Wild God Tour’. Grand écran, nombreux et talentueux musiciens, choristes, scène avec passerelle latérale qu’arpentait l’homme en noir comme une panthère, touchant les mains de ses fans et se laissant littéralement porter par eux en une inoubliable et intense communion. Cet été, comme il le dit lors de ses prestations actuelles, Nick Cave voulait revenir à l’essence-même de quelques-unes de ses chansons en les revisitant d’une manière dépouillée, seul au chant et au piano, simplement accompagné à la basse par Colin Greenwood, le discret mais efficace bassiste de Radiohead.

C’est le Theater 11 à Zurich, face à son grand frère le Hallenstadion, que Nick a choisi pour lancer sa tournée. Deux dates agendées, dont les places se sont arrachées en moins d’une heure et une troisième ajoutée dans la foulée, du (presque) jamais vu. Nous avons eu la chance de pouvoir assister aux deux premiers concerts, intenses et émouvants, dont les setlists étaient quasiment identiques mais captivantes.
Un artiste classieux dans son costume, cravate et chaussures noirs, chemise …et chaussettes blanches. L’élégance même, Dorian Gray de la musique sur lequel le temps et les épreuves de la vie ne semblent pas avoir de prise. Léger sourire aux lèvres, Nick salue discrètement le public et s’assied devant le Yamaha noir avant d’égrener les premières notes de ‘Girl in Amber’, Colin Greenwood le rejoindra sur la droite de la scène. Chaque titre a droit à une courte introduction, anecdote ou trait d’humour décalé du maître. C’est ainsi qu’il a un malin plaisir à relever que la chanson suivante, ‘Higgs Boson Blues’, a été écrite et se passe en Suisse (‘Can’t remember anything at all – Flame trees line the streets – Can’t remember anything at all – But I’m driving my car down to Geneva…’).
Dès l’écoute des premiers titres, on entre dans la beauté sombre de l’univers souvent torturé et halluciné, mais aussi résilient et apaisé après de cruelles épreuves (Nick a notamment perdu deux fils dans des circonstances dramatiques, l’un adolescent et l’autre jeune adulte). Les chansons de l’artiste, épurées et sans atours emphatiques, sont d’autant plus touchantes. On frissonne d’émotion et les larmes perlent à nos yeux sur l’intense ‘O Children’, le poignant ‘I Need You’ ou ‘Skeleton Tree’, premières paroles écrites dans le processus de reconstruction après le décès de son fils Arthur, titre qu’il nous présente avec une émotion à peine retenue.
Nous aurons droit aussi à des moments plus légers (‘Balcony Man’, où Nick joue avec le public du balcon et demande sa participation tout en enjoignant au parterre ‘shut your fucking mouth up’ en rigolant), plus féroces et enjoués également (‘Papa Won’t Leave You Henry’, ‘Jubilee Street’), et des classiques intemporels (‘The Mercy Seat’, ‘The Ship Song’, ‘The Weeping Song’).
A relever dans les rappels une sublime reprise de Leonard Cohen, ‘Avalanche’ et ‘Cosmic Dancer’ de T.Rex, deux artistes auxquels Nick rendra hommage. Le concert s’achève à la perfection avec ‘Into My Arms’, l’artiste seul au piano avec le public qui fredonne en douceur le refrain de la chanson. L’état de grâce.
Photos : © Sarah Dunn