C’est un retour au bercail pour le quartet suisse ! L’Usine est un lieu chargé de souvenirs pour le groupe, qui montre sa joie et son plaisir à rejouer ici. Jeu de lumières bleu sous-marin, batterie brute de Matt Baumann, voix ensorcelante d’Alex Muller, guitare incisive de Ludovic Lacroix, claviers vibrants maniés par Léa Martinez : bienvenue dans un paysage anthracite et vaporeux. Le temps n’a plus de prise, et les pensées se taisent, obéissant à la magie noire des sorciers de la cold wave. Distillant des mélodies aux rythmes tribaux et des nappes synthétiques, ponctuées par le timbre grave et magnétique d’Alex Muller, la transe ne tarde pas à gagner l’auditoire, qui se masse au plus près de la scène comme pour absorber quelques doses supplémentaires de l’élixir dont le groupe a le secret.
L’atmosphère hypnotique s’étend comme une traînée de poudre – ou plutôt se disperse comme un nuage d’opium. Le quartet est habité par ses mélodies et on sent l’extase d’être sur scène monter en eux. On est cueilli, saisi par des titres, notamment issus de ‘Memoria’, tels que le ténébreux ‘Ask the grim’, ou le très sensuel et enivrant ‘I Kiedys Ja’ (pour ne citer qu’eux!), interprété par Léa Martinez. Cette dernière excelle aux claviers et prend la commande de la basse l’espace de deux morceaux. Avec le featuring de Delia Meshlir, le concert prend un tournant plus dansant, qui a bien fait bouger le public. Le groupe nous a régalé d’un set puissant, extrêmement planant.
Après cette introduction sous le signe de la transe, And Also The Trees fait son entrée en scène. Le monde devient compact et se presse contre la scène, bien décidé à ne pas perdre une miette du concert si bien que j’ai souvent du mal à me frayer un chemin pour voler quelques photos. Le style du groupe mêle guitare électrique aux sonorités proches de la mandoline, paroles évocatrices et rythmes sombres. L’ambiance change à présent de visage. Place à des paysages brumeux dans la campagne britannique. Le groupe a présenté des titres de leur nouvel album Mother-of-pearl Moon, donnant un voyage sonore depuis les profondeurs d’horizons à la fois verdoyants et désolés.
Depuis leurs débuts en 1979, And Also The Trees se sont imposés comme l’un des groupes les plus singuliers du paysage post-punk britannique. Leur musique marquée par une mélancolie gothique qui semble jaillir des landes anglaises et une poésie intime qui évoque des paysages à la fois réels et fantasmés. Si leur nom peut rappeler une image bucolique, leur son est tout sauf apaisant. Évoluant lentement entre les époques, ils cultivent un romantisme noir qui va bien au-delà du gothisme classique.
Le premier atout du groupe réside dans son esthétique post-punk à la fois éthérée et enveloppante. Avec des guitares cristallines, des effets de reverb et des arrangements aériens, leur musique instaure une ambiance en clair-obscur comme une brume persistante sur un paysage de ruines. La guitare de Justin Jones, parfois comparée à une mandoline amplifiée, joue un rôle clé dans cette alchimie sonore. Mais ce qui marque véritablement, c’est la voix de Simon Huw Jones, qui balance entre récitation poétique et chant éthéré, d’une gravité théâtrale. Chaque mot semble porter un poids historique, chaque phrase résonne comme un morceau d’histoire antique.
Cette soirée a été une célébration de la cold wave et du post-punk, réunissant deux générations d’artistes partageant une même passion pour les atmosphères sombres et poétiques mais exprimée de manière très différente. Une expérience musicale dont on restera longtemps imprégné.
Delia Meshlir 😉