BASEMENT SAINTS – Mélodies en sous-sol

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Le trio de Soleure, ambassadeur d’un boogie décapant, n’a de cesse d’écumer les clubs et possède déjà sa propre empreinte sonore, comme le prouve ʿBohemian boogieʿ. Une batterie, deux guitares : mille possibilités. La preuve qu’on peut se passer de basse.


Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Tobias Arn (guitare) : Je me trouvais au concert de Black Box Revelation en 2012 au Bad Bonn à Düdingen. J’avais remarqué qu’il y avait un autre gars avec de longs cheveux comme moi, qui s’intéressait au matériel qui se trouvait sur scène. C’était Anton Delen. Nous avons commencé à converser et avons bu quelques bières. Depuis ce jour-là, nous avons passé tous nos week-ends ensemble à faire de la musique.
Samuel Jaussi (batterie) : Tobias et moi nous connaissons depuis l’enfance, tout comme nos parents. Nous avons grandi ensemble et avons joué dans un groupe avant de former Basement Saints avec Anton, qui lui aussi était membre d’un autre groupe.

Sont-ce vos racines musicales qui vous ont alors réunis ?
SJ : Effectivement, nous avons le même arrière-plan musical. J’ai grandi dans un environnement musical, entouré par les vinyles de mon père, qui avait tout de Led Zeppelin et des Beatles. Mon père jouait également de la batterie.
TA : Mon père a également joué un grand rôle au niveau musical. Il jouait de la guitare et avait beaucoup de disques. Quand mon frère et moi avions de la peine à nous endormir, il nous jouait quelque chose.
Anton Delen (guitare, chant) : Pour ma part, ce fut exactement le contraire. J’ai été élevé dans la musique classique et mes parents m’ont obligé à me mettre au piano. Mais après une année, j’ai bâché. Mon père pensait que le rock était la musique du diable. En écouter m’était alors interdit. Cette interdiction a attisé ma curiosité et je me suis mis à chercher ce qu’était le rock. C’est alors que je suis tombé sur Black Sabbath et Deep Purple. Je me suis mis à la guitare il y a onze ans, quand je suis arrivé en Suisse après avoir grandi en Afrique du Sud. À présent, mes parents sont très fiers et se sont détendus vis-à-vis du rock.

Comment définiriez-vous votre style à des auditeurs qui ne vous connaissent pas du tout ?
TA : Certains journalistes nous décrivent en faisant référence à des groupes comme Led Zeppelin, les Doors et Black Sabbath. Mais si ceux-ci font indéniablement partie de nos influences, nous ne faisons pas du copier-coller. C’est beaucoup trop réducteur.
AD : Nous préférons parler de rock psychédélique, axé sur les guitares. 

Dans quelles conditions composez-vous vos morceaux ?
SJ : La plupart du temps, nos morceaux naissent à partir de jams. Souvent, cela part d’un riff que nous enregistrons et emmenons à la maison, pour tenter de le faire évoluer. Une fois que nous avons trouvé une structure, nous passons au texte.
AD : Puis, au moment d’enregistrer en studio, nos titres évoluent encore de manière conséquente. Nous sommes sans conteste un ʿjam bandʾ, mais pour que nos auditeurs aient du plaisir à écouter nos morceaux, nous ramenons ceux-ci à un format qui ne dépasse pas les quatre minutes. 

Venant de Soleure, est-ce que marcher dans les pas de Krokus a été une motivation pour vous ?
SJ : Nous n’avons pas été influencés d’une quelconque manière par Krokus. Un de nos amis est un de leurs roadies et nous avons quelques contacts avec Freddy Steady (ndlr: le batteur originel de Krokus), mais cela s’arrête là.
AD : Quand nous avons ouvert pour Mark Fox, Chris von Rohr est venu nous voir en backstage après le concert, qu’il a d’ailleurs manqué. Il nous a dit que notre premier CD était pas mal, mais que nous aurions dû faire quelque chose de plus ʿsaleʾ, de moins conventionnel.

Le fait de ne pas avoir de bassiste est très rare pour une formation rock. Est-ce le fruit du hasard ou d’un choix ?
AD : Au départ, c’était une solution temporaire. Avec le temps, nous avons remarqué que quelque chose nous manquait. Alors j’ai pris l’habitude de diviser le signal de ma guitare rythmique : un signal part sur mon ampli à guitare, et l’autre, réglé une octave plus bas, est envoyé sur un ampli de basse. On dirait en fait qu’une basse joue toujours parallèlement à moi.
TA : Nous avons pris cette habitude et ne pensons pas changer. Notre trio fonctionne très bien et il serait très difficile pour un nouveau musicien de s’y intégrer.

Cherchez-vous à découvrir des groupes de la scène actuelle ?
SJ : Je n’écoute pas que des vieux trucs des années 60 et 70. J’aime bien découvrir et écouter de jeunes groupes suisses comme nous qui sont en devenir.

Vous avez sorti vos deux albums en format vinyle. Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans ce support ?
TA : Mettre un vinyle sur la platine, c’est une cérémonie. Il faut rester présent près de la platine quand il s’agit de tourner le disque, ce qui fait qu’on écoute la musique de manière plus consciente. Je trouve que notre album ʿGet readyʾ sonne mieux en vinyle que sur CD.
SJ : J’aime bien examiner attentivement la pochette d’un vinyle, l’objet en lui-même est bien plus intéressant qu’un simple téléchargement sur un téléphone mobile. C’est une sorte de rituel.
TA : Par contre, le Record Store Day ne représente pas grand-chose pour nous. Nous ne voyons pas l’utilité de sortir un format particulier ce jour-là. Nous faisons de la musique par passion et sortons des albums, mais ne sommes pas fixés sur ce genre d’événements.

Vous parlez de musique en termes de ʿcérémonieʾ, de ʿrituelʾ. Cela rejoint ce que chantait Lemmy : ʿLe rock’n’roll est la vraie religionʾ, non ?
AD : Le terme de religion est certainement trop fort en ce qui nous concerne, mais le style de vie rock’n’roll a quelque chose à voir avec la spiritualité, c’est certain. Parfois, les textes des chansons peuvent s’apparenter à des prédications. Notre slogan, c’est : ʿDu rock’n’roll pour l’âme libreʾ.

De quoi parle la chanson ʿRooftop riddlesʾ exactement ?
AD : J’y raconte quelque chose qui m’est vraiment arrivé. Après une soirée très arrosée au Jack Daniel’s, je suis rentré chez moi vers six heures du matin. Comme j’habite dans un appartement mansardé au quatrième étage, je suis sorti par la fenêtre et me suis allongé sur le toit. Les gens du quartier qui partaient au travail se sont inquiétés, ils ont cru que je voulais me suicider et ont appelé les secours. La police a bouclé le quartier et les pompiers ont sorti un grand matelas. Un pompier est venu me chercher du haut de sa grue. J’ai ensuite été emmené au poste, puis brièvement interné dans une unité psychiatrique (rires). J’y ai fait la connaissance de personnes qui étaient très atteintes psychiquement et cela m’a fait beaucoup réfléchir.

Vous considérez-vous comme faisant partie de la vague de rock rétro, initiée par des groupes comme Rival Sons, Blues Pills, Graveyard ou The Temperance Movement ?
TA : Il est indéniable que nous avons été influencés par ce mouvement, notamment par Rival Sons.
AD : Nous étions présents à Zurich lors du premier passage en Suisse des Rival Sons. Après le concert, nous avons pu parler avec eux. Ils nous ont grandement inspirés et motivés pour nous lancer. D’autres groupes, comme The Black Keys ou Greta Van Fleet, nous inspirent aussi. Après avoir entendu les Blues Pills, nous nous sommes dit : ʿSi eux peuvent y arriver, peut-être que nous aussi.ʾ

Avez-vous déjà joué en Romandie ?
SJ : Une seule fois, au Bleu Lézard à Lausanne. Il n’y avait que dix personnes (rires) ! Et puis le Montreux Jazz Festival nous a invités dans le cadre du festival off, au coucher du soleil. Une journée inoubliable !

Que faites-vous en-dehors de la musique ?
SJ : Je travaille à 100% et m’occupe comme maître d’apprentissage de six apprentis. Cela demande pas mal de patience (rires).
TA : Je travaille à 90%. J’ai congé le vendredi après-midi, ce qui me permet de me préparer pour les concerts que nous donnons le week-end.
AD : J’ai descendu mon temps d’activité à 60% comme ingénieur en sécurité. Parallèlement, j’ai ouvert un bar à Granges (SO), le Feelgood Music Bistro, où nous accueillons des groupes en live. Il faut également s’occuper de toute la partie administrative et logistique du groupe, c’est beaucoup de travail. Travailler moins, c’est gagner moins d’argent. Mais c’est le prix à payer pour faire de la musique.

Lors du vernissage de ʿBohemian boogieʾ le 24 novembre, plus de six cents personnes se sont présentées au Kofmehl à Soleure. Comment expliquez-vous ce chiffre incroyable ?
SJ : C’est vrai qu’en comptant nos familles et nos amis, il est impossible d’arriver à ce chiffre. Beaucoup de gens nous ont dit qu’ils étaient venus parce qu’ils avaient constatés qu’on faisait de la musique très sérieusement et qu’ils tenaient à nous soutenir.
AD : Le nombre de gens a surpris tout le monde. Au départ, nous avions réservé un bar pouvant accueillir quelques dizaines de personnes. Mais comme tous les billets sont partis rapidement sans que nos amis aient pu en acheter, nous nous sommes mis à la recherche d’une salle un peu plus grande. Les gens du Kofmehl ont alors parié sur nous, mais sans penser attirer six-cents personnes.

Des dates sont-elles prévues cet été ?
AD : Oui, nous nous produirons dans plusieurs festivals d’été. Et le 8 décembre, nous partagerons la scène du Z7 de Pratteln avec un autre groupe suisse qui fait partie de la mouvance du rock rétro, Jack Slamer. Nous nous entendons très bien avec eux et ils font quelque chose qui devrait plaire aux amateurs de classic rock.

Quels sont les trois albums que vous sauveriez d’un incendie ?
TA : ʿYounger nowʾ de Miley Cyrus, mais pas à cause de la musique. Non mais vous avez vu ce cul habillé de cuir ? (rires) Il faut aussi avoir quelque chose à regarder, non ? (rires) Un album des Hellacopters, dont je suis un immense fan, et un album de Pentagram.
AD : Le premier album des Doors, que je peux écouter encore aujourd’hui à n’importe quel moment, peu importe mon humeur. Et puis un disque du Creedence Clearwater Revival et un autre de Led Zep. Leurs albums ne sont jamais monotones pour moi. Ils sont également liés à des souvenirs, des instants de vie.
SJ : Pour moi, ce serait trois disques de Tool. J’adore non seulement leur style musical, mais aussi l’atmosphère qui s’en dégage et leur son. La batterie de Tool sonne comme nulle autre. 

 

www.basementsaints.com

FICHE CD :

Nom de l’album ‘Bohemian boogie’
Label : Irascible
Note : 4.5/5

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