Que serait Meyrin sans l’Undertown ? Outre la renommée de la salle au niveau régionale et nationale pour beaucoup de fans de musique avec la venue d’artistes déjà accomplis, en pleine ascension ou à découvrir, le lieu est surtout un endroit de partage et d’expression pour les jeunes de la commune et de ses environs avec de nombreuses initiatives et activités construites pour eux et par eux autour de la culture. Le virus est venu y mettre son grain de sel et impose une réorganisation conséquente à l’association qui gère la salle. Comment se réinventer en cette période peu joyeuse ? On verra au travers cette interview qu’on ne manque pas d’imagination et de créativité du côté du personnel de l’Undertown ! Valentin Boada, animateur socio-culturel et programmateur prend le temps de nous éclairer sur les activités mises en place en ces temps particuliers et nous partage également son point de vue sur la situation actuelle pour le monde culturel.


Comment allez-vous et comment vivez-vous la situation actuelle ?

Nous allons bien, on est un peu triste de ne pas pouvoir proposer nos activités habituelles au public, notamment aux jeunes de la commune de Meyrin, mais on garde le moral en mettant en place de nouvelles choses, de nouveaux projets ou de nouvelles manières de garder nos activités. On a pu par exemple faire un nouveau format vidéo (dispo sur youtube) cet été – les Playground Sessions – pour mettre en avant les artistes locaux et nos ateliers créatifs pour la jeunesse. On a aussi pu se focaliser sur l’augmentation de notre présence dans l’espace public en travaillant sur certains projets en extérieur avec nos partenaires socioculturels de la commune.
Actuellement on a uni toutes les forces actives au sein du lieu pour mettre en place un gros projet d’accompagnement de groupes locaux, sous forme de résidences ou encore de workshops, co-construits avec les groupes qui seront intéressés à travailler autant sur des aspects techniques, artistiques ou administratifs. Ça va nous permettre de rester actifs tout en gardant une activité totalement socioculturelle dans un cadre comme le notre.

Avez-vous reçu des aides et en êtes-vous satisfait ? Est-ce que vous vous sentez soutenu et appuyé ?

Nous n’avons pas reçu d’aides pendant cette situation, nous n’en avions pas besoin. Le cas de l’Undertown est un peu à part dans le monde de la culture parce qu’en vérité nous ne sommes pas une salle de concert, mais un lieu socioculturel qui dispose d’une salle de concert pour favoriser le lien social.
Notre budget de fonctionnement est une subvention annuelle versée par la commune de Meyrin et la situation actuelle ne l’a en rien changée puisque ce sont des budgets votés deux ans en amont. Nous avons aussi l’avantage que les salaires des employés du lieu ne dépendent pas de cette subvention mais sont octroyés par la Fondation pour l’Animation Socioculturelle qui nous emploie.
Cependant, on a pu aisément compter sur l’appui de la commune, de la FASe et de nos autres partenaires qui ont tous réagi rapidement dans tout ce que nous avons pu entreprendre pendant cette période. On a pu bénéficier d’infrastructures pour ouvrir selon les normes en septembre, avoir des masques et du gel à disposition et mettre plusieurs projets en place très rapidement avec des validations rapides de nos plans de protections.

Craignez-vous que la pandémie dure plus longtemps que prévue ? Comment est-ce pris en compte ? comment vous organisez-vous en conséquence ?

C’est une possibilité que nous devons prendre en compte. chaque fois que nous prévoyons quelque chose on doit garder en tête qu’il y a une possibilité que ça soit annulé ou reporté. Je pense que ça va pas mal aider de monde à prévoir plus de clauses dans les contrats pour ce type de situations spécifiques. On l’a vu, personne n’était prêt et beaucoup se sont faits avoir rien que sur les termes (pour les assurances “épidémie” et “pandémie” sont assez différent pour refuser d’entrer en compte) donc il est probable qu’on voit petit à petit les contrats s’étoffer à ce niveau.

L’arrivée prochaine des vaccins peut-elle jouer un rôle important à l’avenir dans l’organisation de grands événements ? Et y a-t-il un risque que le vaccin devienne obligatoire pour les grand concerts ?

C’est assez incertain. J’imagine qu’à l’instar de certaines compagnies aériennes, certains organismes le feront, surement plus pour de très gros rassemblements que pour des plus modestes, ou le risque est de toute façon moindre. Après ça reste délicat de forcer les gens à se vacciner pour pouvoir accéder à un événement culturel, c’est pour ça que si ça arrive ça sera surement des privés qui pourront se le permettre et sait-on jamais ça sera peut-être une clause pour des assurances qui veulent que le risque soit le plus limité possible. A notre niveau, je ne peux vraiment rien imaginer pour l’instant.

Vous vous êtes engagés sur des dates précises en 2021, avez-vous prévu des alternatives (des plans b ou c…) s’il vous est impossible d’organiser vos événements dans les conditions habituelles ?

On a des dates prévues dès le mois de février à peu près. On sait pertinemment qu’une grande partie devra être déplacée. Les gros artistes et/ou plateaux ont déjà tous décalé leurs tournées sur l’automne ou directement sur 2022. J’ai des dates qui ont été déplacées trois ou quatre fois depuis début 2020. Le risque est trop élevé, personne ne se fait trop d’illusions et donc tout le monde préfère voir large. Les seules dates au début de l’année sont plus modestes et donc seront plus faciles à replacer à un autre moment. 

Quels seront les conséquences à long terme de cette crise pour vous ? Et pour l’industrie musicale en général ?

Pour nous, cela nous force à réfléchir à de nouveaux projets et de nouvelles façons de travailler. Ce qui tombe assez bien, vu que notre équipe a beaucoup changé cette année, donc ça permet d’avoir des idées nouvelles et des collègues frais prêts à tout réinventer.

Pour l’industrie musicale, les plus gros acteurs s’en remettront assez facilement. Ceux qui vont le plus en souffrir seront les indépendants, qui galéraient déjà pas mal avant. Après, ce sont aussi ceux que j’ai vu se tourner le plus rapidement vers des solutions alternatives, comme le streaming. Cette année 2020 a aussi été très propice à la création, beaucoup de groupes en on profité pour composer et entrer en studio (ou monté leur home studio). Il y a déjà pas mal d’albums qui sont sortis et je pense qu’il y en aura encore plus en 2021, certains artistes ne voulant symboliquement pas sortir leur album en 2020. Avec internet et l’essor de la livraison à domicile, la vente de merch à l’air de pas trop mal fonctionner aussi, donc les groupes peuvent garder du revenu à ce niveau.
Niveau concert, je pense qu’on va voir autant de groupes vouloir les enchaîner pour rattraper le retard et proposer des cachets attractifs que de groupes dont on va voir les prix augmenter pour compenser la perte de l’année écoulée. Je pense pas qu’il y aura de norme à ce niveau.

Comment voyez-vous l’avenir ? Peut-on toujours se lancer dans des projets ambitieux ?

Comme ça s’est dit à l’Assemblée Générale de Petzi (l’association faîtière des clubs et festivals en suisse) on doit se réinventer et être à la pointe de l’innovation tout en rappelant qu’on existe. Se réinventer ou imaginer de nouvelles façons de vivre et partager la culture n’est pas un mal en soi. Le streaming fonctionne à merveille par exemple, de même que des concerts aux balcons. Tant qu’on reste créatif, tout est possible et tout peut continuer. Le danger est quand on estime que la culture est inutile, c’est totalement contre productif. On a vraiment besoin de pouvoir s’évader quand la situation devient difficile.Il faut juste trouver comment, le faire d’une manière nouvelle.
Ce qui est intéressant c’est que les acteurs culturels, notamment dans la musique et les gros événements ont étés très réactifs et ont rapidement compris le sens des mesures sanitaires. Le problèmes est que ce sont dans les domaines les plus laissés de cotés. En suisse être artiste n’est pas un métier, il n’y a pas de statut pour ça et les lobbys sont très faibles.
J’espère vraiment que ça va nous pousser à réfléchir à ces questions et qu’on va pouvoir évoluer à ce niveau là. Pour moi le projet le plus ambitieux à lancer après cette crise serait d’amener les gens à reconnaître les milieux culturels à leur juste valeur.

Plus factuellement, ce qui est de l’organisation d’événements, je ne pense pas que ça sera plus dur qu’avant d’en mettre en place. Par contre il va falloir être patient et garder en tête que ça ne sera peut-être pas pour tout de suite. Dès que la pandémie sera maîtrisée la question ne se posera plus, sauf en cas de nouvelle catastrophe de même ampleur. Mais là les acteurs du milieu sauront un peu plus préparés je l’espère.

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