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La Présidence Potemkine – Trump: Une nation en crise


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En Europe, on se fout volontiers de la gueule de nos potes ricains. Tu me diras, c’est eux qui ont commencé… Voici, pour tes petites certitudes, une analyse made in California. On est comme ça, au Daily Rock, le coeur sur la main, la main dans ta gueule.

Un adolescent en crise, une phase de croissance. Une situation regrettable mais qui, comme tant d’atrocités auparavant, aboutira en une ligne aseptisée dans les livres d’histoire. Voilà l’opinion générale de mes amis helvètes lorsqu’on s’aventure côté politique américaine. Les médias européens semblent portés par un sentiment de supériorité morale, et s’écharpent pour jeter la plus grosse pierre à nos cousins germains d’outre-Atlantique. Mais à l’intérieur du pays, le sentiment est bien morne. Chers amis, cet énergumène qui se pavane en POTUS pourrait bien signifier la fin de la démocratie américaine telle qu’elle existe à ce jour. Et le monde se contente de jouer l’autruche.

À la fin du XVIIIe siècle, l’impératrice Catherine II visitait la Crimée, nouvellement annexée  (eh oui, rien de nouveau sous le soleil soviétique) au bras de son amant et gouverneur régional Grigory Potemkine. Ce dernier fit construire des façades luxueuses le long de la route, feignant ainsi une prospérité qui combla sa dulcinée. Bref, une escroquerie de premier ordre destinée à cacher la merde au chat. Mais réussir un tel complot sur la scène internationale requiert cependant trois facteurs coïncidents: 1) un chef d’état disposé à être berné 2) un entourage qui dissimule le doute avec un déni enthousiaste 3) une audience, domestique et étrangère, inerte et résignée à la situation et ainsi coupable par association.

Comme la majorité de mes concitoyens, il m’est impossible de penser que la star au teint Fanta d’une série de TV réalité porte désormais le titre de Président des Etats-Unis. La liste de ses inepties ne cesse de croître, et chaque rencontre nous laisse un peu plus perplexe. Les tactiques de la campagne électorale n’ont pas changé: mobber les dissidents, crier à haute voix que le ‘système’ est irréparable, et assurer le public que seul lui, Donald J. Trump, peut nous sauver. La grande question demeure, croît-il en ses propres charades? Ce besoin constant qu’il démontre d’être validé par ses fans et le temps passé à se professer superlatif en toutes choses trahissent une insécurité profonde accouplé à un caractère pathologique qui le prédisposent à la duperie. Poutine l’a compris; il suffit de le flatter pour le manipuler. Première condition satisfaite.

Deuxième postulat : les flagorneurs de la cour. Voilà trois mois à peine que les Etats-Unis vivent sous le joug de l’enfant-roi républicain et les porte-paroles de la Maison Blanche nous exhortent quotidiennement à la patience avec le président en herbe. On nous assure que, tel un bon vin, il s’améliorera. Difficile à croire étant donné l’immaturité du produit de base… Les médias aussi sont des pions dans ce jeu tordu. Le journal de 20h, plus ou moins impartial, qui existe partout en Europe est inexistant ici. Chaque journaliste vous régurgite à longueur de journée des faits dilués, interprétés et assaisonnés à leur propre goût. Et comme un fast-food intellectuel, le public choisit à la carte la version de la réalité qui lui plaît. Pas étonnant alors qu’une rhétorique de ‘fake news’ prônant la méfiance pour toute opinion différente de la vôtre sonne vraie avec un publique incapable de circonspection.

Et pour finir, le peuple. Il existe un malaise au sein de la société américaine que l’équipe Trump a su canaliser en arme politique. Il a donné voix aux pensées intimes que nul n’osait exprimer sous peine d’être jugé raciste, sexiste ou arriéré. Il a malmené le public et menti à maintes reprises sans jamais se repentir. Au bout d’une campagne électorale alimentée de haine et de chimères, le peuple américain semblait désensibilisé et le seuil suscitant l’outrage devint inaccessible. Ceci a permis aux citoyens moins extrémistes, mais trop conservateurs pour Hillary, de voter pour le candidat sans se préoccuper de leur propre conscience. Difficile d’admettre qu’on a voté pour ce menteur compulsif, alors on attend en se tournant les pousses jour où il deviendra ‘présidentiel’. On en demande pas tant, sain d’esprit suffirait.

Ses fans, ce 30% de la populace qui le traite avec une révérence dogmatique, se voient validés par sa victoire. Ils dessinent des croix gammées dans le subway de New York ou crient des insultes homophobes dans la rue au couple gay qui passe. Pour cette malheureuse tranche de la plèbe, Trump est la clé de la boîte de Pandore.

Mais l’Amérique est loin d’être une contre-utopie, et la troisième loi de Newton s’applique tant à la nature humaine qu’aux pommes tombantes. Les supporteurs d’Hillary, 2.8 millions de voix plus nombreux selon les bulletins de vote, se mobilisent. Nos politiciens démocrates un peu moins, mais portés par la vague de notre enthousiasme ils semblent avoir compris le message et commencent à se secouer. La Marche des Femmes, les bureaux de politiciens inondés de téléphones (cela fait 70 jours passés que les lignes sont bloquées), les comptes Twitter alternatifs d’organes gouvernementaux qui continuent d’exprimer des opinions contraire à l’administration  Trump, etc. Il y a un élan de responsabilité civique phénoménale. Mais ce mouvement vient du fait que les changements qu’il met en place auront des répercussions mondiales pour nous et les générations futures.

Trump est bien plus dangereux qu’un simple Empereur Sans Habits. C’est un Pinocchio moderne;  une marionnette qui se meut grâce aux fils inéluctables entre autres du Kremlin, tout en se croyant maître de son destin. Que ce soit le fait de rendre acceptable l’horripilant, le déni du réchauffement planétaire et la révocation de traités de protection de l’environnement, une politique soupe au lait sur… ben à peu près tout, la présidence Trump s’étendra bien après qu’il aura quitté la Maison Blanche. Et le monde, et l’Europe en particulier, demeure d’une léthargie habituelle, parce qu’après tout, ce n’est qu’une crise d’adolescence.  [Audrey Tinsman]

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