C’est un jour comme un autre et un homme qui a déjà bien vécu se regarde dans la glace. Pour un individu ayant dépassé la barre fatidique des 60 ans , il ne s’était pas encore trop affaissé . Dans une société de plus en plus stressée et sédentaire , il avait su éviter les affres de l’obésité , son ventre légèrement rebondit n’étant dû qu’au houblon ingurgité lors de nombreux concerts.
Il avait connu cette époque fascinante, qui vit le rock prendre le pouvoir , pour ne plus le lâcher pendant plus de trente ans. Et ce n’est pas pour rien que cette âge d’or correspondait à une époque où l’industrie du disque était au sommet de sa gloire. Le rock était , est, et restera la musique populaire parfaite , celle qui savait rester attirante tout en expérimentant. Ce n’était pas à l’artiste de se mettre à la portée de l’auteur , mais le contraire , et le public était juge et acteur des évolutions proposées. C’était avant que l’alliance de Netflix et des réseaux sociaux ne tue la curiosité d’une jeunesse hypnotisée par leurs émanations putrides.
Aujourd’hui , les principes ont remplacés la réflexion , les moutons bêlant sur internet n’ayant pas assez de recul , et encore moins de courage , pour publier autre chose que des commentaires insignifiant. Nous vivons désormais dans « le meilleur des monde » , Huxley ayant annoncé notre avenir avec une précision effrayante (sachant que le livre date des années 30 ).
Le rock , lui , peut aussi se poser des questions sur ce « culte de la jeunesse » que l’on cherche à lui imputer. Le jeune est le nouveau dieu , la mère prend les habit de sa fille , le père cherche à « rester dans le coup », perdant au passage toute trace de cette virilité patriarcale qui lui permet d’imposer une autorité naturelle. Et qu’est-il devenu ce jeune glorifié , célébré , porté à nu par une société malade ?
Et bien il est devenu encore plus sauvage , carriériste , égoïste . En un mot il est devenu encore plus con que ces aïeux , ce qui constitue déjà une performance qu’on pourrait presque saluer. « Vive les cons , le monde est à eux » , cette phrase de Cavanna ne fait que se confirmer au fil des ans et m’amène à rectifier cette phrase sensée décrire le rock : Le rock est le culte de L’ETERNELLE JEUNESSE , pas d’une génération vide (merci à Richard Hell pour l’adjectif).
Bon ok , ceux qui ont survécus aux années 60 70 sont déjà assez glorifié , leurs photos poussiéreuse a déjà suffisamment fait la une des journaux , il n’empêche que leur musique n’a jamais vieillie. Leurs derniers disques n’intéressent qu’une poignée de vieillards séniles , où de jeunes snob pour qui Knopfer ou Mccartney est comme une bonne marque de voiture, mais leurs grandes œuvres nourrissent des générations d’artistes.
Ceux-là sont d’ailleurs les seuls artistes rock à être en tête de gondole sur Deezer, qui les propose encore comme on propose un paquet de raviolis à un amateur de nouille. Vous aimez Muse ? Vous aimerez surement Mccartney annonce ce site aussi précis que Depardieu roulant à scooter dans son état normal (c’est-à-dire complètement torché).
Quand il voit ça , notre ami aimerait faire comme Bourvil dans « la grande lessive » , sortir son diffuseur d’acide sulfurique pour brouiller ces fréquences ramolliseuses de cerveaux. Mais la source du mal est devenue inaccessible , enfouis sous des mètres de bétons , ou vomit par un satellite honteux.
Pour en revenir à la musique , tout est désormais comprimé comme lui lorsqu’il prenait le métro pour rejoindre son travail , coincé entre un bras humide et un fessier aux dimension un peu trop généreuse. Et le son est comme l’homme , trop comprimé il étouffe, et son groove ne peut s’épanouir dans un environnement aussi étriqué.
Pourtant, il n’avait pas pu s’empêcher de laisser une chance à black star riders , il fallait bien dépenser la pension que des millions de jeunes cloportes se tuaient à lui payer. La démarche du gang ne l’avait pourtant pas séduite , même s’il était fan de Thin Lizzy le rock devrait laisser ses morts tranquilles.
Le premier titre n’allait pas le rassurer , le groupe lançant une charge électrique qui , à cause de cette foutue compression, était bien loin de la finesse d’un « jailbreak ». Heureusement , les chorus de guitares forment par moment un brillant attelage, qui tire des titres très proches de leurs racines vers le haut. La plus grande partie du disque se résume à ça , un exercice de style bien exécuté mais manquant de panache. Deux moments sortent tout de même du lot , le morceau titre et « « What will it take ».
Le premier , lancé sur un air folk irlandais , part rapidement sur un boogie matinée de sonorités celtiques. Ces sonorité semblent donner au titre la puissance suffisante pour l’émanciper de l’ombre du brillant Phil Lynott.
« What will it take » démarre sur une mélodie que n’aurait pas renié Elvis Costello, et donne un peu d’air à un disque particulièrement tendu. Résultat , lorsque les dernières notes s’évanouissent , notre ami a passé un excellent moment en compagnie d’un groupe respectueux de ses influences , sans tomber dans la nostalgie stérile.
Le rock mainstream était comme lui , il avait encore des reste que pourrait lui envier toute chose née il y’a moins de trente ans.