« Un projet où il y a de place pour se lâcher »
En 2017, Nergal, tête pensante de Behemoth, surprenait tout son monde en publiant un recueil de mélopées serties dans le folk, le blues et la country sous l’énigmatique nom de Me And That Man. Mais soyons rassuré.e.s : si l’enveloppe sonore se fait plus organique, le propos reste blasphématoire. Nergal n’est pas devenu mennonite pour autant. L’homme a deux faces : une face obscure et une face obscure, même s’il dit s’amuser sur ce projet.
Deux albums et une pléiade d’invités plus tard (Tobias Forge, Corey Taylor, Ihsahn, Blaze Bayley, Alissa White-Gluz, David Vincent ou encore le couple Sadonis/Anderson), Nergal nous a accordé quelques minutes de son temps millimétré pour expliquer les dessous de sa démarche authentique et libératoire, alors qu’il s’apprête à fouler la scène du «Rocklette» au Val-de-Bagnes le 6 août.
As-tu appris à apprécier le blues, la country et le folk sur le tard, ou ces styles musicaux ont-ils toujours fait partie de tes influences musicales ?
Il y a une quinzaine, voire une vingtaine d’années, j’ai commencé à explorer le blues et le rock dans le cadre d’un projet parallèle appelé Wolverine. C’était juste moi et quelques amis, fortement inspirés par Danzig. Cette expérience m’a conduit à explorer plus profondément les sonorités de Johnny Cash et de Roy Orbison, et l’émotion brute derrière tout cela. Cela s’est développé en une véritable passion pour moi. Alors j’ai pensé : « Merde, rendons cela officiel ! » C’est ainsi que Me and That Man a vu le jour.
Qu’est-ce qui t’inspire à composer des chansons ancrées dans l’americana ?
J’ai toujours été attiré par des artistes comme Tom Waits, Nick Cave et Iggy Pop. Non pas pour le genre auquel ils appartiennent, mais pour l’énergie brute qu’ils déversent dans leur art. Le punk, le blues, l’alternatif… ces étiquettes n’ont pas d’importance. C’est l’esprit qui compte. J’ai toujours admiré ce son dépouillé et primitif. C’est honnête et sans filtre.
Que peux-tu exprimer ou écrire pour Me And That Man que tu ne peux pas pour Behemoth ?
Behemoth et Me And That Man sont deux entités totalement opposées, et la principale différence est que Me And That Man peut être un projet humoristique, alors que Behemoth est par nature un groupe bien plus sérieux. Sur scène et sur nos albums, Behemoth aborde beaucoup de choses métaphysiques et philosophiques, mais Me And That Man est beaucoup plus décontracté. C’est un projet très libérateur pour moi. C’est comme si j’organisais une fête et que nous nous amusions tous comme des fous. On se sent bien et l’énergie est géniale.
Peux-tu dire aujourd’hui, après avoir mené Me And That Man pendant 8 ans maintenant, que tu as vraiment besoin de continuer à faire vivre ce groupe, que cela apporte un certain équilibre à ton travail avec Behemoth ?
Me And That Man me permet de gratter une démangeaison, ce que Behemoth n’arrive pas à faire. Behemoth peut être tellement coincé, mais Me And That Man a pour but de ne pas prendre les choses trop au sérieux. C’est tellement libérateur de se lancer dans un projet où il y a de la place pour se lâcher de temps en temps. Je compare la situation à la double personnalité du Dr. Hyde et de M. Jekyll. Cela me permet de rester équilibré, c’est pourquoi Me And That Man est si important pour moi.

La censure qui vise régulièrement ton travail dans Behemoth a-t-elle également affecté Me And That Man ?
Pas vraiment, Me And That Man me permet de m’amuser avec des sujets sérieux qui ne sont pas pris au pied de la lettre comme dans Behemoth. Je peux explorer les métaphores à travers mon art plus librement et juste m’amuser avec.
Tu as fait appel à de nombreux invités de marque sur tes deuxième et troisième albums. Comment les as-tu choisis ?
Je voulais faire travailler mes amis et des musiciens que je respecte vraiment. J’écrivais mes chansons en pensant à eux. D’autres fois, je ne savais pas comment un morceau allait prendre forme jusqu’à ce que les pièces du puzzle commencent à s’assembler. Par exemple, ce n’est que lorsque j’ai commencé à écrire « How Come ? » que j’ai su que la voix de Corey Taylor serait parfaite. C’était un rêve de travailler avec tant d’artistes incroyables. Putain, recevoir leurs morceaux me surprenait !
Y a-t-il des artistes que tu avais invités mais qui, pour une raison ou une autre, n’ont pas pu figurer sur l’un de ces albums ?
Oui, certains m’ont laissé tomber pour une raison ou une autre. Les idées initiales des chansons ont changé au fil du temps et d’autres opportunités se sont présentées, de sorte que le processus a pu être rééquilibré.
Avec quel artiste souhaiterais-tu pouvoir collaborer à l’avenir ?
Ce serait pour moi un honneur que de pouvoir travailler avec Rob Halford.
Quels sont les groupes qui figurent actuellement sur ta playlist ?
En ce moment, j’apprécie beaucoup le dernier album solo de Peter Murphy, qui est vraiment incroyable ! Je le trouve très inspirant et je pense qu’il rajeunit le genre. J’y vois beaucoup d’influences de John Walker et de David Bowie. C’est à la fois ancien et moderne, avec de belles mélodies et une excellente production. C’est l’une des meilleures choses que j’ai entendues depuis longtemps.
Quelles sont les valeurs selon lesquelles tu essaies de vivre ?
Je fais de mon mieux pour être un homme décent, mais je crois faillir souvent.
Quels sont les 5 mots qui te définissent le mieux ?
Entêté. Social. Expressif. Compulsif. Vital.
Me And That Man au festival «Rocklette» (Val-de-Bagnes, VS) le 6 août
«Songs of Love and Death» (2017)«New Man, New Songs, Same Shit, Vol. 1» (2020)«New Man, New Songs, Same Shit, Vol. 2» (2021)

Excellent interview !