Après celui des Mayas sur « The Book of Souls », les increvables Iron Maiden défrichent un nouvel univers, à savoir le japon médiéval, sur la pochette de leur dix-septième album, grimant l’occasion Eddie en samouraï féroce.

En fait l’extrême-orient est vite abandonné pour raconter diverses histoires dans des univers SF ou médiévaux à l’inspiration plus ou moins univoque. La décision d’ouvrir les festivités avec l’éponyme ‘Senjutsu’ étonne : essoufflé, il s’ouvre sur un riff qui grince comme un moteur qui aurait de la peine à démarrer. L’enrobage des claviers suraigus, une ritournelle qui reviendra agacer l’auditeur ci et là tout au long de l’album (‘Stratego’, The Time Machine’, etc.), n’est pas pour améliorer la première impression, pas plus que l’alignement paresseux d’une guitare sur les lignes de Dickinson, comme si l’on avait mis une béquille sous sa voix. Et pourtant, même si cette dernière tare se répète dans plusieurs chansons – rebelotte immédiatement après dans ‘Stratego’ – Iron Maiden ne nous aura pas aussi peu ennuyés depuis… allez, « Dance of Death » ? Car Maiden affiche ici une aisance dans le renouvellement qu’on ne lui avait pas connu depuis longtemps, risquant de très longues intros acoustiques où Bruce donne la réplique à des chœurs (‘Lost in a Lost World’), avant de déboucher sur un morceau à la rythmique hachurée en 6/8. ‘The Time Machine’ manque plusieurs fois de basculer franchement dans le rock progressif, non que ce soit un destin sénile qu’on souhaite à Maiden mais agiter cette menace provoque un soupçon d’excitation peut-être partiellement masochiste qui réveillerait une attention assoupie à la mi-album.

Sans mélodies, Iron Maiden n’est pas grand-chose, et il faut reconnaître que « The Final Frontier » et « The Book of Souls » ne nous avaient pas laissé sur les lèvres de grands airs mémorables. Ici le travail de Steve Harris (à qui on doit les quatre cinquièmes de l’album) sur les mélodies est évident, et en fait assez réussi. Avec une discographie aussi touffue, il est inévitable que certains airs en rappellent d’autres (les couplets de ‘Days of Future Past’ évoquent ceux de ‘Fear of the Dark’, le refrain de ‘Lost in a Lost World’ celui de ‘Revelations’), et puis, rien à faire, je n’arrive pas à me retenir de penser en grimaçant à ‘Nemo’ de Nightwish quand j’écoute ‘Stratego’, mais dans l’ensemble l’album tient la route mélodiquement – quand ce n’est pas le refrain qui porte la chanson, les couplets rattrapent la sauce, et inversement.

Le deuxième disque concentre quatre chansons dont la plus brève s’étire sur sept minutes. On avait le droit de ne pas en attendre grand-chose après l’exercice de style asphyxiant qu’était l’interminable ‘Empire of the Clouds’ qui achevait en dix-huit minutes le précédent album (on se le repassait quand même en boucles juste pour le délice de la première minute). Certains se réjouiront de savoir que les Irons sont ici plus raisonnables en terme de durée et ne dépassent pas les treize minutes (mais quand même quoi) et les appréhender sans avoir d’attentes est probablement la manière la plus sécurisée de les digérer. La quête du tour de force de leurs longues antiennes d’autrefois (‘Rime of the Ancient Mariner’, ‘Hallowed be thy Name’, voire ‘Dance of Death’) est évidente et, la barre étant placée trop haut, elle ne peut aboutir, mais les meilleurs élans du solide titre de clôture, ‘Hell on Earth’, nous laisse penser que l’exploit n’était pas si loin.

Bilan plutôt positif pour ce dix-septième album, en dépit d’une durée excessive qu’il faut peut-être imputer au tempo souvent modéré (ou mou diront de mauvaises langues) pour lequel les briscards optent, à la notable exception de ‘Days of Future Past’, qui a un peu de la nervosité des grands jours. Comme toujours avec Maiden, il faudra voir comment ce ‘Senjutsu’ se défendra sur scène et comment il vieillira, quitte à blâmer son aveuglement de fan enthousiaste à chaque nouvelle sortie du groupe si le disque ne devait pas réussir à tenir la distance. [LoR]

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Note : 3.5/5