Le 27 mai dernier avait lieu le double lancement des artistes musicaux Oli Féra – pour lancer son minialbum « Femme flamme » – et de LeRøux – pour son microalbum « Chimères » – au Verre Bouteille à Montréal. Le Daily Rock Québec s’est entretenu avec ces deux personnalités vives d’esprit avec une entrevue spontanée. Les deux artistes ont accepté avec joie de se livrer à nous une dizaine de minutes avant de monter sur scène. Voici les réponses recueillies, suivi d’un compte-rendu du spectacle.
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Daily Rock Québec : Pourquoi avez-vous choisi d’organiser un lancement double?
Oli Féra & LeRøux : C’est mon meilleur ami! (Oli Féra) C’est ma BFF! (LeRøux). [rires] C’était elle qui a fait les backs [chœurs] sur mon EP [Chimères]. On se supporte depuis qu’elle est restée à Granby, après que j’ai fait l’École de la chanson [nationale de Granby]. Elle était aussi à Granby et on est devenus amis. On faisait des chills de balcon. (LeRøux) Donc, ça allait juste de soi. J’ai fait, comme il disait, les backs sur son EP. J’ai fait […] ses visuels. On a passé des jours à faire des têtes en papier mâché. C’est ça : on se connaît, on se parle… Y’a pas une journée où on ne s’appelle pas, qu’on ne jase pas pendant 1h! (Oli Féra)
Daily Rock Québec : Qu’est-ce que vos univers musicaux et artistiques ont en commun?
Oli Féra & LeRøux : On aime le rock, on aime le lo-fi. [Oli Féra & LeRøux] On aime aussi les affaires un peu weird (Oli Féra) [rires]. D’où mon visuel un peu éclectique (LeRøux). Puis, on aime ça les textes en français. Voilà, je pense que ça résume assez bien [la réponse] (Oli Féra).
Daily Rock Québec : Vous êtes tous les deux diplômés de l’École Nationale de la chanson de Granby. En quoi cette formation a-t-elle contribué à votre développement artistique et musical?
Oli Féra : Quand je suis arrivé à l’école, je ne connaissais absolument rien de l’industrie musicale au Québec. Ça m’a vraiment permis de me créer une direction artistique, de catcher où est-ce que ça pouvait s’inscrire dans l’industrie musicale, puis avoir une vision pour ne pas juste manger du Kraft Diner, puis juste faire de l’art. Tu sais, là, c’est comme, je fais de l’art, puis je mange, parfois pas juste du Kraft Diner! [rires] […] ça a vraiment été genre : direction artistique, professionnalisation Bing Bang!
LeRøux : Je suis vidéaste de formation [donc] je suis allé sur le tard, passé déjà la trentaine, pour retourner à l’école faire de la musique. […] je fais de la musique depuis toujours, de mon bord un peu sporadiquement, puis l’école, ça m’a vraiment permis de tester plein d’affaires, de pitcher le spagatt sur le mur, voir ce qui colle. Puis, c’est ça [c’était] vraiment une phase exploratoire, puis de découvrir, en fait, de concrétiser que, ça se peut faire de la musique en français, au Québec. Puis je veux dire, c’est dix mois avec une petite gang d’artistes qui trippent sur les mêmes affaires que toi. Ça fait une belle communauté. Puis ça inscrit dans une communauté, déjà, avec d’autres anciens. Tsé, la moitié de la salle [du double lancement], probablement, ce sont d’autres anciennes et anciens de l’école qui sont là ce soir.
Daily Rock Québec : Oli Féra ; tu es la seule qui a fait paraître ton mini-album sous format physique. Pourquoi avoir voulu offrir une version en disque compact de « Femme flamme »?
Oli Féra : […] j’ai un vieux char, donc j’ai un lecteur CD, puis je trouve ça tellement important de pouvoir consommer de la musique de même. Puis, pour moi, le rituel de comme m’asseoir, j’ai un lecteur CD chez nous aussi, là, puis juste mettre le CD pour l’écouter de bord en bord, je trouve que c’est comme ça qu’on va comprendre l’œuvre complète. Pour moi, j’avais besoin de l’outil physique pour les rares personnes qui allaient être un peu comme moi. Tu sais, on essaie de rejoindre des gens qui sont un peu comme nous quand on fait de l’art.
Daily Rock Québec : LeRøux ; tu es aussi un pianiste, un talent que tu mets en valeur à travers ton projet instrumental néoclassique Éølia. Pourquoi avoir créé un projet pop-rock alternatif cru et irrévérencieux, comme LeRøux, qui est assez éloigné d’Éølia?
LeRøux : Ça fait partie de moi. Je suis une personne contrastée. J’écoute les deux [styles musicaux] dans le quotidien. Je peux écouter du screamo [sous-genre musical entre le emo et le punk hardcore] qui arrache tout. Je vais voir des shows de ça [autant] que je vais adorer un show d’Alexandra Streliski. C’est ça, c’est juste deux facettes de moi. En ce moment, je travaille à faire de la musique à l’image et de combiner les deux [styles musicaux]. C’est un univers dans lequel, justement, ce n’est pas en opposition de mettre une chanson néoclassique et une chanson rock. Les deux peuvent cohabiter dans un film, tu vas avoir une scène où c’est approprié. Alors, tout se converge.
Daily Rock Québec : Pour le spectacle qui débutera sous peu, pouvez-vous me dire quelle est la pièce que vous avez hâte de présenter et pour quelles raisons?
Oli Féra : La pièce que j’ai le plus hâte d’interpréter… Sincèrement, je pense, ce n’est même pas une pièce, c’est une transition entre deux pièces. C’est la transition entre « 114KM » et « Pour l’instant » : « 114KM » qui n’est pas encore sortie et « Pour l’instant » qui fait partie de mon premier EP. Puis, c’est qu’on va dans… c’est comme du rock alternatif qui bûche, qui décale un tout petit peu. Puis mon soundman, lui, il joue avec des effets de pédales de guitare derrière la board. Il loop ma voix, il vient créer quelque chose de vraiment hyper psychédélique. C’est comme un des moments dans le show où on dirait que je me sens le plus dans mes bottines, puis qui va dans une direction que j’aimerais beaucoup explorer dans le prochain album. J’ai du fun à faire cette transition-là.
LeRøux : C’est mon premier single « Fuck l’amour ». C’est le personnage principal du EP. Je trouve que ça encapsule bien mon univers, puis le côté un peu sarcastique, quand on voit l’univers visuel avec la chanson. Juste la chanson ça peut avoir l’air sérieux d’un côté, mais c’est vraiment fait avec un pince-sans-rire de [dire] : Fuck l’amour, fuck les amoureux! [rires]
Daily Rock Québec : Maintenant que vous avez sorti récemment vos microalbums respectifs, quelle sera la suite de votre cheminement après le double lancement de ce soir?
Oli Féra : J’ai une petite tournée de douze dates cet été. Je vais aller à Québec, en Gaspésie, et je vais avoir quelques shows à Montréal en duo avec ma claviériste [Annabelle Gagnon]. Puis, après ça à l’automne, je rentre en full mode de composition pour le prochain album. J’ai hâte!
LeRøux : J’ai aussi quelque chose, cet été, de planifié. Justement, je fais la transition, en ce moment, vers la musique à l’image aussi, pour essayer de faire cohabiter le projet d’auteur-compositeur avec toutes les autres cordes que j’ai à mon arc, qui me font tripper, puis de pouvoir tout mettre dans le même pack. Donc c’est de commencer à bâtir un portfolio solide […] et je travaille sur plusieurs chansons. J’ai déjà assez de chansons pour un prochain EP, alors [la] recherche de financement et le parcours habituel pour en créer plus!
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Suite à cette courte entrevue imprégnée de fébrilité, les deux artistes se sont dirigés rapidement vers la scène du Verre Bouteille. Voici un petit résumé de cette soirée de ce double lancement.
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Première partie – LeRøux présente son microalbum « Chimères »
LeRøux a ouvert ce spectacle plateau double pour y présenter son microalbum « Chimères » et quelques pièces inédites. Dès lors, on constate que l’artiste originaire de Granby joue le rôle d’un rebelle au cœur brisé par sa pop-rock teintée de grunge et ses chansons sur la déception amoureuse et les enjeux relationnels. LeRøux démontre une aisance sur scène et transporte le public, guitare en main, avec son personnage irrévérencieux, accompagné de la fameuse tête de diable en papier mâché — présente sur la pochette d’album — qui servait d’élément de décor. De son imposante chevelure rousse et frisée, Alexandre Lapointe-Thibault, de son vrai nom, affirme que Les roux sont méchants dans « Les roux », autre pièce inédite, avec son chant en scream incisif et très habile. LeRøux surprend lorsqu’il opte pour cette technique vocale, lui qui chante principalement d’une voix feutrée et posée munie d’une poésie crue, au vocabulaire percutant, à prendre au deuxième degré. Assisté d’Oli Féra aux chœurs, de la complicité entre les deux artistes émane une chimie naturelle et contagieuse, notamment durant les pièces « Mal à deux » et « Passe ton tour ». La performance de « Fuck l’amour » fut le point culminant du premier acte. Avec enthousiasme, le public a répondu avec des doigts d’honneur tout en chantant le refrain très accrocheur. D’ailleurs, Oli Féra portait un t-shirt à l’effigie de cet hymne défouloir. « Fuck l’amour » s’est distinguée par ce moment fort, comme si elle incarnait un peu l’éclat d’une chanson culte dans le court répertoire de l’auteur-compositeur-interprète. En somme, LeRøux nous a offert une performance dynamique et consistante, comme un cousin éloigné de Violett Pi, et très fidèle aux arrangements de la version studio du microalbum coréalisé avec Manuel Gasse. « Chimères » est une offre musicale courte et chargée qui démontre, par ses quatre chansons, que la pop-rock n’a pas besoin d’être mielleuse pour être attachante. Ses textes ficelés, au champ lexical développé, se marient avec des mélodies efficaces. Ce premier microalbum met en lumière un artiste conscient de son identité, et de ses possibilités, et cet aperçu sur scène en était un bel exemple. LeRøux a conclu avec « Kilomètres », son tout premier extrait paru à l’automne 2022, où Oli Féra a libéré quelques vocalises en guise d’intro, comme un avant-goût de sa prestation en solo, laissant un public investi et bien échauffé pour le deuxième acte.
Deuxième partie – Oli Féra présente son minialbum « Femme flamme »
Après un court entracte, c’était au tour d’Oli Féra de monter sur scène pour défendre les pièces de « Femme flamme », minialbum réalisé par André Papanicolaou. Dès la première minute de l’intro de « Nulle part », l’artiste ne s’est pas laissé déstabiliser lorsque la sangle de sa guitare s’est détachée d’elle-même. Elle a enchaîné les titres « Tourne-moi le dos », « Hors-la-loi », et « 114KM » — pièce inédite — avec assurance, en guise de preuve de son professionnalisme. Oli Féra est une interprète à la voix distinctive, tout en puissance et en nuances, et dotée d’un charisme à revendre. Qu’elle soit dans la ballade folk ou le rock rythmé, elle nous captive et, lorsqu’elle se dépouille l’âme avec la chanson « Le rêveur », on assiste à un moment acoustique à faire vibrer notre corde sensible. Le courant passe entre elle et le public, et une performance comme « Pick-up Truck » n’a laissé personne indifférent par son caractère tout aussi enlevant que la version studio. L’interprétation de la chanson-titre « Femme flamme » révèle toute la portée de son message, celui qui transcende l’intention initiale d’interpeler les personnes marginalisées, comme un hymne universel sur le respect de soi et d’autrui. Car si Oli Féra s’est définie, durant ses interactions avec le public, comme une romantique insatiable, une adepte de linogravure ou qu’elle nous a fait état de sa sobriété, une chose est certaine : entre les confidences et les présentations, l’art de la transition entre les pièces est maîtrisé. Ses anecdotes montrent son talent de conteuse, celle d’une excellente communicatrice et d’une rassembleuse. Ce n’est pas étonnant; elle aime son monde et celui-ci lui rend bien. Le minialbum « Femme flamme » permet à Oli Féra d’affiner son identité artistique vers la singularité par des couleurs qui soudent son énergie de rockeuse et ses qualités d’interprète. Sur scène, particulièrement lors de ce double lancement au Verre Bouteille, elle a offert une performance où dégageait son sens de la mise en scène et son ratio parfait entre techniques vocales et émotions. Elle incarne une posture artistique comparable à la théâtralité d’une Diane Dufresne ou bien à la sensibilité d’une Marie Carmen. Sauf qu’ici, c’était signé Oli Féra : elle a livré la marchandise et on en a eu pour notre argent.
Vous pouvez écouter les albums respectifs de LeRøux et d’Oli Féra en cliquant sur les liens ci-dessous.
« Chimères » — LeRøux
Photos : @Laurence Bissonnette (doux.vacarme)
Affiche promotionnelle : Oli Féra





