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ENTREVUE AVEC SEBA : EXPOSITION DE SES PHOTOS AU MUTOÏDE

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Le 30 septembre dernier, le Daily Rock Québec s’est entretenu avec l’auteur-compositeur-interprète et photographe Éric Brousseau, alias Seba, dans le cadre du vernissage de son exposition de photos à la microbrasserie Mutoïde à Montréal. On y découvre une sélection de ses clichés, réalisés en 2025, de groupes issus de la scène montréalaise punk, hardcore et métal.

Dès notre arrivée, Seba nous interpelle pour nous présenter, avec enthousiasme, chacune de ses photos. Il les contextualise avec précision en identifiant chacun des groupes et des musiciens qui y figurent, soit Béton armé à Bad Objection, en passant par PufferSpite HouseThe City Gates et bien d’autres. Nous nous sommes ensuite dirigés sur la terrasse pour discuter de son rapport à la photographie et à la musique dites « underground » avec un grand U.

Seul comme un grand

Seba est travailleur autonome; il possède sa compagnie d’affichage nommée À l’affiche Montréal. Il assure l’impression et il arpente – à bicyclette – les rues de la métropole pour tapisser l’espace public de ses affiches. C’est dans le contexte de son travail que l’envie lui est venue d’exposer ses photos de concerts : « Je suis promoteur à Montréal. J’affiche pour plein de shows, des promoteurs et des salles. Un moment donné, j’ai remarqué qu’il y avait une exposition sur le mur du Mutoïde […] je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’expose mes photos, car ce sont vraiment des affaires métal, punk et que la plupart des gens qui viennent ici sont allés à ces shows. »

Son service de promotion lui offre l’accès aux différents spectacles et cela se conjugue merveilleusement bien avec sa passion de la photographie. Immortaliser ces évènements ajoute une valeur complémentaire à son travail : « L’idée de faire de la photographie c’est de garder un souvenir, de rendre ça légendaire. Souvent, dans les shows que j’assiste, il n’y a pas de photographe! »

L’exposition en soi

Quant à la disposition des clichés, soigneusement choisis, celle-ci est ajustée de sorte à varier le contenu et pour démontrer sa polyvalence de photographe : « J’avais plusieurs photos vraiment belles, mais le contraste, parfois, n’était pas bon. Donc, j’ai sélectionné des photos un peu plus sombres. Je voulais aussi que ce soit un panorama de mon travail de portraitiste parce que je ne photographie pas juste du monde qui saute en l’air. En spectacle, j’aime aussi faire des portraits. J’ai sélectionné plusieurs photos de groupes prises en dehors de la scène pour montrer que j’en suis capable. »

Derrière ses images, on remarque un fil conducteur dans son expression artistique. Lorsque nous lui demandons de décrire son processus créatif, celui-ci est resté un peu vague dans sa réponse. Il avoue, humblement, qu’il n’a pas une façon de faire claire et définie, mais qu’il a une préférence pour un filtre : « J’opte pour un style noir et blanc, car ça ne se démode pas, c’est intemporel. C’est pour ça que je n’utilise pas beaucoup de couleur. »

Ironiquement, la disposition s’est formée à partir des trois seules photos couleur placées au centre en triangle, à la fois un point de fuite et un point focal. Le choix des photos en couleurs est intentionnel; ce sont celles d’un concert en plein air du groupe Cellpress au Viaduc Van Horn, qu’il qualifie de son « show le plus légendaire de l’été 2025 ».

L’expérience paye toujours

Lorsqu’on lui évoque son expérience comme artiste de scène, Seba s’explique plus aisément : « J’ai le sens du timing. Quand j’étais dans Gatineau, j’étais une grande bête de scène de Montréal. C’était aussi intense que les shows de Béton armé. C’était fou, c’était violent. Je finissais le show en petite culotte avec une cagoule sur la tête. […] Donc, tout ce côté fou et intrépide, je le transpose dans mes photos. »

Étant mélomane, sa grande connaissance musicale et sa fonction, entre autres, de DJ ont aussi contribué à comprendre le lien entre l’artiste et le public et à prédire les enchaînements, et les moments forts, d’un spectacle. Cependant, pas question de hiérarchiser sa fonction de photographe. Pour lui, c’est une étroite collaboration d’égale à égale avec les musiciens : « Je communique visuellement. Je deviens le cinquième membre d’un groupe. Je le deviens, car je danse avec eux, je joue avec eux […] c’est une harmonie, c’est un tango. »

Pour ce qui est d’une photo réussie, l’artiste a simplement répondu : « C’est quand j’ai capté LE moment du spectacle. Le moment où il va sauter une fois pendant le show ou quand le monde va allumer des feux ou de la boucane… [pause] Je sais pas, je le sais de même! »

D’une sous-culture à une autre

En dehors de la scène musicale qu’il photographie, Seba s’investit dans le monde de la musique country. Surprenant? Pourtant, sa propre carrière artistique est un parcours éclectique : révélé aux débuts des années 2000 avec le groupe rap-punk Gatineau, il jouit d’un succès retentissant en 2018 avec le duo Hip hop Seba & Horg et la chanson culte Vintage à l’os. S’ensuit un projet solo davantage dans le style rap-trad, pour migrer en douce vers la musique country. D’ailleurs, il anime toujours son émission Ouesteurne, dédiée au style musical de Willie Lamothe et d’Annie Leclerc – une de ses chanteuses préférées – sur les ondes de CIBL 101,5 FM.

Pour certains, le country et le punk contrastent comme le jour et la nuit. Pour Seba, ces deux styles musicaux ont beaucoup en commun : « La culture country et la culture punk, ce sont les coquerelles [de l’écosystème musical québécois]. Celles que l’on ne veut pas, qui sont mises de côté, mais qui sont toujours-là. C’est exactement la même chose. Tu vas dans un festival de musique country, la philosophie est la même. C’est juste la musique qui change, ainsi que l’âge du monde. »

Celui qui gravite dans le milieu musical québécois depuis plus de 25 ans croit qu’une sous-culture est souvent éphémère, que ce sont des courants qui arrivent et qui passent et qu’il est important de les documenter lorsqu’ils sont en pleine effervescence. Il croit que ses photos pourront prendre de la valeur, mais l’important pour lui c’est d’en profiter le temps que ça passe : « Le trip aussi, c’est de garder une culture qui est encore vivante, en ce moment […] et avec qui je suis en contact. » dit-il avec la volonté de contribuer à la production d’archives.

Punk un jour, punk toujours

Pour le photographe, le « trip », c’est aussi de photographier des spectacles clandestins. Cependant, il préfère rester discret à ce sujet. Lui-même souhaite faire profil bas sur sa réputation d’artiste musical, de son passé du « chanteur de Vintage à l’os ». Il prend sa place dans une communauté qui correspond à ses valeurs punk, dans lequel il se bâtit un réseau de contacts. Toutefois, à mesure que son travail gagne en respect et en reconnaissance, la demande devient plus grande. Nous étions curieux de savoir s’il craignait d’être un jour victime de son succès : « Le monde commence à aimer mes photos. Je le sais. […] là je réussis à être de plus en plus en vue, mais d’une autre manière. Je ne sais plus si j’ai encore envie de faire de la musique. J’aime tellement ça la photographie. »

Cette passion pour la photographie n’est pas apparue du jour au lendemain. Déjà, sa sensibilité pour ce médium s’est développée assez jeune : « J’ai étudié en cinéma […] quand je visionne un film, je regarde la composition, la couleur, où le personnage se situe, où est-ce qu’il bouge […] J’ai toujours regardé l’aspect photographique. Je regarde des films à cause des directeurs photo. »

L’art du « faire soi-même »

Lorsqu’on lui parle d’un retour en musique, voici ce qu’il nous répond : « En ce moment, le monde me propose des shows. Je préfère autant aller faire de la photo pour un autre groupe et rester anonyme plutôt que d’être sur une scène en train de chanter mes tounes. Je fais un estie de sacrifice de ma propre carrière ». Toutefois, il laisse entendre que tout est possible : « Je vais peut-être recommencer. Je vais peut-être vendre mes photos, faire un album avec tout ça. Tu sais, je suis vraiment do it yourself, je n’ai plus de label […] »

Finalement pour Seba, la photographie fait partie de lui, avec ou sans caméra. Il cadre ce qui lui passe sous les yeux; une idée de plan lui vient toujours en tête. Nous avons même été sujets à quelques clichés, en compagnie de Pascal, son ami de longue date, en guise d’exemple. Il conclut, sourire en coin : « Tu vois, quand je te disais au début de l’entrevue que ce n’était pas loin de moi de faire des photos de shows, c’est que j’ai tout le temps fait de la photo dans ma tête. J’ai toujours pensé au côté esthétique. »

Même si notre tribune lui accorde une visibilité, Seba, alias Éric Brousseau, souligne qu’il préfère se cacher derrière son appareil photo pour mettre en vedette ce qui se trouve devant lui.

L’exposition d’À l’affiche Montréal est en vigueur du 1er au 31 octobre 2025 à la microbrasserie Mutoïde. Vous pouvez suivre ses aventures de photographe sur Instagram et sur Facebook, tout en lisant ses péripéties sur son blogue.

Photo bannière : Pier-Luc Diamond

Photo texte (1) : Kim Vigneau

Photo texte (2) : @alaffichemontreal

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