Le Beanfield s’apprêtait à vivre une soirée forte en émotions, en ce vendredi 18 septembre 2025, alors que Between the Buried and Me, BTBAM pour les intimes, était de passage dans la métropole, présentation de Extensive Enterprise et Evenko. Le spectacle était bien attendu par les amateurs de musique complexe et agressive et personne ne fut moindrement déçu.
Hail the Sun, que je ne connaissais que de nom, a donné une performance tout à fait respectable en première partie. Très près d’un emo-core mélodique mais avec une panoplie d’influences provenant d’autres styles, la bande de Californie s’est présentée sur scène sans flafla, sans décors, sans costume, comme un groupe de garage, en toute simplicité. J’ai tendance à apprécier davantage cette formule lorsque j’assiste à un spectacle. De voir sur scène des artistes qui nous ressemblent, habillés comme au quotidien plutôt qu’avec des costumes flamboyants, permet un certain rapprochement plus difficile autrement. Clairement, Hail the Sun a eu beaucoup de plaisir sur scène à faire ce qu’il aime faire et le public en a été témoin. Parfois près de System of a Down, parfois plutôt de The Mars Volta, dans leur intégration de sonorités provenant de la « musique du monde », les structures de chansons sont originales et recherchées. Le mélange des passages plus tranquilles aux passages plus bruyants, qui caractérisent si bien leur musique, est chaque fois interprété de manière percutante et efficace. Le batteur du groupe est, ma foi, très innovant et d’une précision colossale, alors petit moment de déception lorsque le chanteur est allé prendre sa place derrière la batterie. Pas qu’il soit un mauvais batteur, loin de là, c’était même assez impressionnant de le voir jouer et chanter en même temps pendant deux morceaux, comme un Phil Collins métalleux, mais ça a brisé un peu l’énergie de la fin du spectacle. Plusieurs coupures de son dans les voix et les trames sonores sont également venues ternir un peu l’expérience globale. Les problèmes techniques ont aussi affecté la tête d’affiche mais de manière un peu moins importante.
Between the Buried and Me était en forme. Les cheveux blancs des musiciens n’ont rien enlevé à l’élan de jeunesse d’un groupe marquant pour une génération complète de mélomanes. Les claviers bien installés en avant-plan ont fait craindre une performance statique mais à aucun moment ce fut le cas. L’énergie était palpable. La prestance scénique du chanteur Tommy Giles Rogers en a impressionné plus d’un, lui qui possédait la scène du Beanfield comme si c’était son 1000e show dans ce lieu. Les guitares étaient très en avant-plan; étrangement, j’aurais pris un peu plus de batterie dans le mix sonore général. Il était parfois un peu difficile de bien entendre toutes les subtilités du batteur, mais personne ne se plaindra d’avoir eu les guitares bien devant dans les dents.
BTBAM a été une influence majeure pour plusieurs artistes qui ont suivi. Leur mélange de progressif et de métal, à l’époque du début des années 2000, était d’une originalité sans pareil. L’on perçoit, malgré les guitares remplies de distorsions et les cris gutturaux, l’influence claire de groupes progressifs comme Gentle Giant ou Yes. BTBAM a créé de nombreux ponts entre la vieille garde prog et les plus jeunes amateurs de métal dans un ensorcellement de rythmiques mathématiquement calculées, de lignes de basse funk et de passes de guitares d’une grande virtuosité, mais qui jamais ne charcutent l’aspect mélodique de l’ensemble. Leur assurance et leur expérience étaient ce soir-là inatteignables.
