PROSPECTEUR DE MÉLODIES

On profite d’un doux moment de liberté, accompagné d’un tas de chansons qui nous trottent dans la tête, et on se rend chez le disquaire le plus proche dans l’espoir de tenir dans ses mains ces mêmes sons qui ont fait vibrer nos tympans pendant le trajet.

Cet éclairage inégal suivant la popularité du rayon, cette odeur de vieilles babioles que l’on retrouve dans le salon de ses grands-parents, cette face B piste 3 sortant des hauts-parleurs dont le disquaire a plaisir à nommer le groupe et l’origine du 3ème violoniste. Les bruits de cartons qui s’entrechoquent entre eux comme un domino. Les soupirs de déception ou de joie lorsque quelqu’un déniche ou non son petit trésor. Les ‘Désolé, j’ai bientôt fini.’ s’adressant d’un farfouilleur à un accompagnant qui trouve le .mp3 plus pratique. C’est une partie de ce qui compose le trafic de ce carrefour d’amateurs de gravures sur plastique.

Quand on y rentre avec une proie précise c’est souvent le cas où l’on en ressort avec cinq de plus mais sans cette première. Ce stress d’arriver aux trois derniers articles du rayon ‘French progressive’ sans avoir trouvé la perle et de se dire qu’on va devoir se ruer en ligne sur Discogs pour l’acheter probablement deux fois plus cher, en dit long sur l’addiction du vinyle. Dur de se dire qu’il existe bien pire. Pourtant, sans pouvoir se contenter de trouver l’album souhaité, un détail recherché est l’année de presse ainsi que le pays où il a été importé. Facteurs qui ajoutent non seulement une valeur monétaire plus importante à la collection mais aussi un argument de frime pour que les ritualistes du diamant sur platine se jalousent entre eux.

Et c’est ce qui est beau. Le vinyle et les connaissances que l’on peut en avoir sont devenus un vecteur de partage culturel sur le monde de la musique. On n’a pas seulement la valeur de ce qui passe dans nos oreilles, mais on chéri l’objet qui en est la base. Cette proximité physique avec une chanson, que l’on peut uniquement retrouver en intégralité en concert. Lorsque l’on achète un album tant recherché, on se sent alors comme un gosse qui vient d’avoir un nouveau jeu vidéo. Pendant le trajet pour gagner son lecteur, on lit et observe la couverture en s’attardant sur chaque détail qui la compose renforçant cette envie grandissante d’y mettre l’aiguille et de pousser les potards jusqu’à un angle privilégiant notre confort à celui des voisins et d’un coup, on a l’impression de découvrir une face cachée de la musique. Un objet impérissable qu’on souhaitera léguer à sa descendance.

On aime pouvoir se dire que ce vinyle on le gardera à vie et qu’il transportera avec lui le souvenir des contextes dans lesquels on l’a joué, une nostalgie qui remplace une photo bien encadrée. Il faut comprendre ceux qui disent que de se lancer dans ce genre d’acquisitions c’est gaspiller de l’argent et de la place dans le salon. Mais c’est seulement quand on s’aventure dans ce genre de chasse au trésors qu’on se rend compte de la valeur que tout ça apporte. [Mathis Laucella]

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