Rares sont les projets musicaux qui arrivent à cristalliser leur identité propre en si peu d’années d’existence. Retenez le nom de Paruline. À peine révélé en mars 2024 avec sa pièce Théophile, le projet Indie-folk-trad s’assurait déjà une participation à la 28e édition des Francouvertes 2024. L’intrigant oiseau se laisse désirer en lançant deux extraits subséquents, avant de pondre son tout premier album intitulé À ceux qui veillent le 17 octobre 2025.
Paruline, c’est le nom artistique de l’auteur-compositeur-interprète Charles Labrèche. Essentiellement, il s’approprie les codes de la musique traditionnelle avec une approche esthétique actuelle, entre la chanson folk et les textures indie-rock. Le Drummondvillois d’origine présente onze pièces coréalisées avec Thierry Clouette, s’élançant entre ballades, chansons narratives et pièces contemplatives. Lui-même violoneux et musicien au Village québécois d’antan, sa passion pour la tradition musicale québécoise imprègne son univers, comme le montrent musicalement Marion et Chiendent, tout en évoquant des créatures légendaires ancrées sur le territoire madelinot dans l’ambiance brumeuse de Sirène :
« Si jamais vous la voyez
Sur les berges de Pointe-aux-Loups
Ne lui donnez pas votre amour
Avant qu’elle vous dise bonjour. »
–Sirène
La perspective novatrice de l’artiste nous amène parfois vers des zones insolites, parsemées de synthétiseurs, en pointant judicieusement vers la drum and bass dans Immobile ou vers l’électroacoustique – quasi progressif – dans Sur le cap. Il réussit à conférer un aspect atmosphérique au trad, particulièrement dans Reel Em. Que ce soit par l’ajout de podorythmie ou de bouzouki irlandais, Paruline démontre sa capacité à moderniser le style en le rendant accessible et au goût du jour.
Il y parvient, également, en s’inspirant de la littérature orale et des légendes traditionnelles québécoises. Davantage dans la complainte que l’épopée, ses récits plutôt lugubres, entre histoire d’amour tragique ou naufrage, trouvent refuge chez la voix aérienne de Labrèche. Délicate, soutenue de chœurs en alternance, elle témoigne des textes dignes d’une exploration minutieuse du folklore. Ainsi, ses chansons originales – entièrement de sa plume – se fondent subtilement aux deux chansons folkloriques réadaptées – Dans mon verre et Charmante messagère (hirondelle) – qui bénéficient elles aussi d’un enrobage contemporain à la Karkwa. Enrichi par la contribution de son cercle musicale; nommons à nouveau Thierry Clouette (guitares, basse électrique, banjo, pieds et voix), suivi de Karolan Boily (synthétiseurs, voix), de Colin Savoie-Levac, du groupe Rosier (guitare électrique, voix) et d’Olivier Cousineau (batterie).

« Volez, vous belle, jusqu’en orient
Loin de tous les tourments
Un berger vous attend sans moi
Le long du Bas-Saint-François
Vous chantez bien mieux que moi. »
–Simone
Paruline se distingue des figures emblématiques du néo-trad des dernières décennies, telles que Les Charbonniers de l’enfer ou bien Le Vent du Nord, qui incarnent tous des dérivés de La Bottine Souriante. Sa formule plus expérimentale, enracinée dans l’esprit du chansonnier, suit un courant compatible avec la scène alternative montréalaise. L’artiste ne dénature pas le style, au contraire : à chacun son accent! On ne peut que saluer cette volonté d’actualiser la chanson folklorique québécoise.
Paruline, c’est l’espèce hybride qu’on n’avait pas vue venir. Avec son jeune répertoire, le projet dégage déjà une personnalité définie qui s’aligne avec l’âme de Tamanoir, l’ancienne étiquette montréalaise des années 1970. Bien dense, mais particulièrement abouti pour un premier disque, À ceux qui veillent permet déjà à Paruline de s’inscrire dans une potentielle durabilité artistique. D’ici là, son œuvre initiatrice peut servir de porte d’entrée vers notre patrimoine vivant. Elle y trouverait des affinités naturelles avec la scène européenne, qui regorge de festivals de musique traditionnelle.
Le spectacle de lancement de l’album À ceux qui veillent est prévu le 24 octobre 2025 au Ministère, à Montréal (billets).
Crédit photo : Ariane Labrèche
Pour écouter l’album :

