Rockeuses, rockeurs,
2015, c’est beaucoup de choses ; 2015, c’est aussi les 30 ans du deuxième album des Pogues, Rum, Sodomy & The Lash. Vous savez, ces légendes du ‘punk celtique’ accouchées de la scène punk londonienne. Pogues, késako ? Une vieille expression irlandaise : ‘Pogue mahone’, embrasse mon cul, embrasse mon culte.
En tombant au bol sur un titre des Pogues, vous pourriez vous récrier : ‘Mais qu’est-ce qu’ils ont pris au Daily Rock ? C’est pas du rock ça !’. Et en effet, les Pogues ont la belle habitude de produire des chansons sans disto, à grands renforts d’accordéons, de pipeau et autres instruments à l’ancienne. Rien de très rock à priori. Pourtant, leur histoire est marquée sous le signe du punk.
À la fin des années ’70, Shane McGowan est un gosse irlandais qui traîne dans les rues de Londres, ramené là comme beaucoup d’autres par des parents en quête de travail. Aux premières loges pour voir émerger une scène bouillonnante, sa vie prend un tournant décisif lorsque, debout dans un pissoir à un concert des Ramones, il fait la connaissance de Spider Stacy. Quelques mois plus tard, ils forment le groupe le plus atypique jamais enfanté par la scène punk anglaise.
Un an après leur premier album, les Pogues sortent ce qui est souvent considéré comme le meilleur disque de leur carrière : ‘Rum, Sodomy & The Lash’. Un titre provocateur qui fait référence au quotidien sordide des marins ; une pochette qui pastiche le fameux tableau de Géricault. Produit par le grand Elvis Costello en personne, cet album atterrit dans un climat musical qui n’avait à priori pas de quoi l’héberger : la grande mode, c’est la new wave, les synthés, les batteries triggées. En 1985, le punk, c’était déjà (quasiment) mort. Alors les chansons traditionnelles irlandaises, on n’en parle même pas. Et bizarrement, les Pogues font un carton.
Sur ‘Rum, Sodomy & The Lash’, dépassant la remise au goût du jour de la musique traditionnelle irlandaise initiée par les Chieftains, les Pogues modernisent d’un soupçon punk des titres qu’on associera ensuite immédiatement à cet ovni des eighties. ‘Dirty Old Town’, ‘And The Band Played Waltzing Matilda’ et tant d’autres, difficile en 2015 de ne pas leur associer la voix emblématique de Shane McGowan, ce grand ami de Joe Strummer, chanteur des Clash, qui admirait profondément l’Irlandais alcoolique. Peu de compos originales : à peine la moitié, mais quels hymnes composés par Shane McGowan, entre ‘Sally MacLennane’ et ‘A Pair Of Brown Eyes’ qui fit scandale en Angleterre à cause de son clip où l’on voyait des taggers poursuivis par les flics.
‘Rum, Sodomy & The Lash’, c’était l’esprit du punk, conjugué aux mélodies mélancoliques irlandaises, avec une sincérité et une authenticité devenues trop rares. Le succès sera violent, trop peut-être : il signa le sommet d’une inspiration qui ne cessera de décliner par la suite tandis que Shane McGowan sombra dans l’alcoolisme et la perte de ses dents. Mais grâce à la foi d’alors d’Elvis Costello dans ces sales gamins irlandais, le ‘culte’ perdure, intact, sur un des meilleurs albums de punk de tous les temps. Qui n’est pas du punk !