Jacques Falda et Guitare en Scène : La Passion avant tout

C’est deux mois avant le superbe festival Guitare en Scène de Saint-Julien en Genevois que son Président et fondateur, Jacques Falda, a gentiment reçu Daily Rock pour nous en parler, mais aussi de sa passion de la musique et de la guitare en particulier,ainsi que refaire son extraordinaire parcours semé d’artistes extraordinaire.

Comment est-ce que tu as eu l’idée de créer le festival Guitare en Scène en 2007 ?

J’avais un peu de temps disponible car j’avais une autre activité qui s’arrêtait et j’avais organisé une fête chez moi avec deux-cent cinquante copains de Chamonix (d’où je suis originaire) avec pour finir trois concerts jusqu’à cinq heures du matin ; l’histoire a commencé comme ça.

Quel est depuis ce temps le fil conducteur de ces éditions ?

La guitare bien-sûr, mais le fil conducteur c’est vraiment la musique, qui va du Jazz au Metal, et que l’instrument soit mis en avant ou sinon que l’artiste soit grand. Par exemple cette année, le soir de Bonamassa (ndlr. Jeudi 20 Juillet), Joss Stone n’est pas vraiment typique Guitare en Scène, mais c’est immensissime, c’est rare, et l’avoir ce soir-là c’est un événement prestigieux. Donc on est vraiment axés archi-qualitatif, un peu comme notre partenaire le Montreux Jazz, c’est la philosophie du projet.

Est-ce que tu peuxnous en dire un peu plus sur la façon de trouver des artistes, est-ce que d’année en année tu as des gens dans la tête, que tu aimerais bien avoir?

Je sais d’une année à l’autre où je veux aller ; ce que j’essaie de faire c’est que chaque soir j’aie un projet qui soit cohérent pour la soirée, pour le public qui va se présenter ce soir-là. Lors d’une soirée Hard Rock il peut y avoir par exemple du Blues, mais jamais de Jazz. Je ne fais pas trop de Melting Pot avec des projets qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.

Il y a chaque année un tremplin, sélection parmi de nombreux groupes de jeunes qui permet de faire de belles découvertes et voir de superbes talents, comment se passe la sélection des groupes ?

C’est un projet qui se travaille sur l’année. Au départ, on a à peu près trois-cent candidatures qui viennent d’un peu partout et un comité qui va en présélectionner douze. Les groupes vont ensuite jouer dans quatre salles qu’on a choisi pour terminer avec en général trois gagnants (cette année quatre), qui joueront au festival. Et pour le groupe gagnant final, il sera payé, accompagné notamment pour enregistrer un album. On veut avoir un vrai rôle pour de jeunes artistes, être proactifs pour la suite de ce qui va se passer pour eux.

Il reste d’ailleurs une soirée à communiquer pour cette année (vendredi 21 Juillet), le vendredi étant généralement une soirée Hard Rock, un scoop pour nos lecteurs ou une piste ?

C’est un peu compliqué car on avait un groupe qui ouvrait cette soirée-là, un grand groupe, et la date a été annulée au dernier moment, donc on travaille encore sur le projet et on ne peut pas en parler pour l’instant. C’est dur, car on s’est retrouvés à la dernière semaine du mois de mars à chercher un groupe et en général ils sont tous bookés à cette date. Donc il faut être inventifs, trouver des projets uniques, décalés, du pur GES, mais ce n’est pas simple avec cette annulation de dernière minute (ndlr. : on peut dire sans le nommer que le groupe en question n’est ainsi…pas Mega…). Ce sera donc une soirée Hard Rock avec un GES All Star Band (ndlr : le 1er invité communiqué est Joel Hoekstra, Whitesnake, Foreigner).

Sting revient cette année pour la 3è fois, quels sont les principaux défis pour un tel artiste, est-ce que la jauge de spectateurs est plus élevée ?

Déjà, lui il veut revenir, donc c’est un point positif et d’autre part chaque fois que Sting monte un projet, il est différent du projet d’avant. C’est un artiste qui se réinvente tout le temps et cette année c’est la tournée « My Songs », donc on imagine ce qu’il veut faire (ndlr : lors de sa précédente visite à GES en Juillet 2018 il était venu avec Shaggy pour des rythmes Jamaïcains). On est toujours impatients car on sait qu’il va se passer quelque chose, Sting, ce n’est jamais le même concert, c’est toujours un projet et c’est ça qui est très intéressant, car ça correspond complètement à ce qu’essaie de faire le festival. On essaie de créer toutes les années des projets pour émerveiller le public, du type : « Wow, il s’est passé quelque chose ici, on ne s’y attendait pas ». C’est un peu l’histoire du festival. Sting est un peu comme Mark Knopfler (à GES en 2019 lors de sa tournée d’adieu), c’est des artistes qui créent de la musique, des projets et se réinventent en permanence. Un concert de Sting après cinq ans ce n’est jamais le même et c’est ce qui nous intéresse, sinon on ne le resignerait pas. Et la jauge n’augmentera jamais, elle est de cinq mile billets vendus.

Pour un artiste comme Sting entre ses venues à GES, comment est-ce que ça se passe, est-ce que tu es resté en contact avec son Management ou la demande de revenir est venue dans l’autre sens ?

Pas de contacts du tout, son manager, que je connais bien, revient vers moi et me dit cette année Sting fait une tournée et aimerait revenir. Il ne fait pas beaucoup de dates et c’est un peu comme Mark Knopfler ou les Scorpions, ces gens-là choisissent où ils veulent aller. C’est important pour nous car on n’a pas les mêmes moyens que ceux qui vont vendre trente ou quarante-mille billets, on est limités en termes de budget, donc si l’artiste revient, c’est qu’il veut revenir.

A quel point c’était difficile de continuer après la pandémie?

La particularité de cet événement est qu’on est très peu subventionnés, on peut donc considérer que cet événement est quasiment privé. La pandémie nous a tous un peu atomisés, mais le fait d’être privé fait que les partenaires m’ont appelé directement pour me dire qu’ils étaient là et nous suivaient, ce qui nous a aidé à faire l’édition 2021, qui était gratuite, et donc entièrement financée par les partenaires.

Et financièrement et en général, à quel point c’est compliqué d’équilibrer les comptes ?

C’est dur, car on ne vend pas beaucoup de billets et on les vend généralement plus cher qu’un événement classique car ils ont beaucoup plus de billetterie que nous ; donc on vend plus cher et on en vend moins. Les gens viennent car ils veulent vivre une expérience particulière, cinq-mille personnes ou vingt-mille personne ce n’est pas pareil, les gens sont prêts à payer pour avoir un moment particulier. Le Festival Guitare en Scène, c’est un événement hors du temps par rapport à ce qui se fait ailleurs, où – et ce n’est pas une critique – plus on vend, plus on est rentables. Nous, notre démarche, c’est moins on en vend, plus ce sera beau. Donc on est complètement à l’opposé de ce qui se fait sur le marché des festivals. On est un peu plus chers et c’est les partenaires privés qui font la différence. Il y a une participation forte de leur part car ils connaissent le projet et le défendent et ils disent qu’il n’y a pas un endroit au monde où c’est comme ça, on est totalement atypiques et c’est ce qui fait l’intérêt de ce projet.

Et c’est ce qui attire les artistes. Mikkey Dee (batteur de Scorpions et avant de Motörhead) a dit l’an dernier lors d’une interview filmée que pour lui c’était le plus bel événement au monde ; et s’il le dit c’est qu’il le pense parce qu’on ne lui avait pas demandé. Et les Scorpions sont venus déjà la veille de leur concert pour faire la fête avec nous en totale surprise : ces mecs-là qui sont des stars planétaires, font des tournées mondiales de partout et viennent chez nous pour faire la fête. Ils retrouvent ici une ambiance d’il y a quarante ans, et se sont d’ailleurs assis dans les gradins au milieu du public, cachés sous des chapeaux, pour voir le concert de Jeff Beck. C’est ça l’intérêt pour le public, parce que le concert qu’ils vont vivre ensuite avec eux, ce n’est pas l’habituel, c’est pas du tout pareil et c’est là notre force.

Est-ce que tu as vu ces dernières années une grosse progression des cachets d’artiste ?

Oui, on n’y échappe pas ; il y a une progression des cachets mais qui est aussi due aux frais. Les frais d’avion ont explosé par exemple et Guitare en Scène est plus impacté que d’autres car on est un événement international avec quasiment pas d’artistes français. Même si le cachet n’augmentait pas, on serait ainsi hyper impactés, pas à cinq, mais à trente-trente-cinq pourcents.

Est-ce que tu as obtenu le résultat et les objectifs que tu espérais avec GES au début ou est-ce que tu as encore des rêves pour de futures éditions ?

Jusqu’à aujourd’hui on a pu valider ce qu’on voulait valider, on a eu les artistes qu’on voulait ; après, on a toujours des rêves et on y travaille, on a l’espoir de faire venir tous ces artistes dont on rêve depuis des années, anciens ou jeunes car il y aujourd’hui des jeunes artistes qui correspondent parfaitement à Guitare en Scène et sur lesquels je compte pour l’avenir. Aussi car les vieux groupes s’arrêtent ou meurent et il faut se renouveler, on y travaille depuis des années (ndlr : Jeff Beck est passé à GES le 14 Juillet 2022 et est décédé le 10 Janvier 2023).

Combien de temps avant un festival tu bosses sur la programmation, dès que le précédent est fini ?

On y travaille un an avant. On balance un peu à gauche et à droite et on voit ce qui se passe, selon ce qui est prévu en matière de tournées. Si les dates du festival ne correspondent pas du tout à un groupe international, ça ne marche plus du coup.

Quels sont les principaux défis d’organisation : le budget, les bénévoles, l’organisation générale, la concurrence avec autres festivals ?

Pour les bénévoles, on a un staff plus que fiable et étant là depuis de nombreuses années. Pour la concurrence avec les autres festivals, ce n’est pas vraiment le cas car on est décalés. Paleo, on est en très bon terme et ce n’est pas vraiment la même ambiance ; Montreux, on est très-très proches et on se met même d’accord pour certains artistes ; on est en bon termes avec Sion sous les étoiles et certains artistes font même les deux festivals, qui se suivent, donc on est très à l’aise avec ça.

Et pour finir, quelque chose de spécial à dire à nos lecteurs ?

Un des buts du festival est d’avoir cinquante-cinquante entre les spectateurs suisses et français. Aujourd’hui on a environ trente pourcents de spectateurs suisses, ce qui est déjà très-très bien (ndlr : le festival se trouve à 1km de la frontière et avec bientôt un arrêt de tram transfrontalier à 100m), donc venez nombreux ! Le challenge est de les faire venir une fois, puis ensuite ils ont tendance à revenir après avoir assisté à une expérience magique. Et ces sacrés Suisses ont une culture musicale au-dessus des français, c’est un public très connaisseur. Du coup, pour nous avec nos projets très typés, que ça soit du Jazz, du Hard ou du Metal, c’est très intéressant et le public suisse est ainsi une cible ; c’est long pour le faire venir, mais quand il vient, il revient car il est content et fidèle. Et acquis aussi avec l’organisation, l’accès, la petite jauge, toute l’expérience. A l’inverse, les Français vont d’abord regarder la programmation avant de décider de venir, sans penser à l’expérience en général.

On est aussi différents de la Suisse en matière de puissance sonore. On est limités à 95dB, ce qui est déjà très fort, mais en moyenne, pas en peak. Donc c’est un avantage pour nous et ça nous arrange (ndlr : votre serviteur se souvient de notamment Twisted Sister ou Motörhead à Guitare en Scène avec un son de chez son, pas étouffé comme souvent en Suisse). On a en plus pris le meilleur système son au monde pour être au top, même si ça nous coûte très cher, pour avoir un son absolument parfait quel que soit le type de musique. Un Motörhead comme ça, avec des peak entre 100 et 120dB, c’est parfait et tous les amateurs de musique s’y retrouvent, car tu ne peux pas écouter un concert de Hard Rock à 80dB. Ainsi on se démarque des normes suisses trop restreintes, car nous on a choisi le niveau sonore pour être parfaits et la mairie a validé, d’autant plus qu’on n’a pas de voisins directs.

J’ai lancé ce projet pour avoir des moments d’émotions, de magie, je ne fais pas d’argent avec, je gagne ma vie ailleurs. Par exemple l’an dernier, Jeff Beck a été extraordinaire sur scène et en plus très gentil en backstage ; il ne signe normalement plus jamais rien, mais comme c’est une tradition Guitare en Scène il m’a tout signé, guitares… et Johnny Depp qui me prend dans ses bras, c’est aussi une belle personne, solaire, bienveillant, et aussi respectueux avec les bénévoles.

[Jean-David Jequier JDJ]

http://www.guitare-en-scene.com/

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