Au Daily Rock, on aime vous présenter des groupes masculins, féminins, non-binaires, transgenres, mais c’est en rêvassant en écoutant les excellents Sorry que j’ai réalisé que la route pour arriver au ‘rock féminin’ n’était pas une sinécure !

Les années 60 étaient un foison de petites révolutions : droits des gay, glam rock, débuts du disco, apogée des ‘boys bands’… Les femmes commencent à montrer qu’elles savent jouer d’un instrument. Avant, si une femme voulait faire de la musique, elle se retrouvait directement au chant. On en a parlé dans notre podcast des Velvet Underground : avoir une femme dans le groupe était des plus surprenants !

En effet, dans les années soixante, le rôle de la femme dans la musique se résumait souvent à celui de groupie. Et pourtant, cette décennie présentait également un grand changement dans les mouvements politiques, comme la libération de la femme, les prémices des droits à l’avortement et du droit à la pilule. Et quel meilleur vecteur que la musique pour transmettre un message ?!

Je me suis penchée sur un article qui marqua la scène musicale de l’époque. Celui de Susan Hiwatt et de son article dans Rat Magazine.

Elle explique qu’avec les groupes comme les Beatles, le rock était quelque chose de générationnel, sans genre, sans classe, c’était un lien entre les adultes et les plus jeunes. Mais lorsqu’elle se penche sur les musiciens, elle découvre que tout est mené par les hommes. Le rock exclut massivement les femmes. Pas de femmes, sauf des chanteuses, et celles-ci doivent être exceptionnelles pour s’aligner. Aretha Franklin, Janis Joplin, la liste est longue. La mort de cette dernière a été un étendard : on entendra souvent qu’elle était mise en avant en tant qu’objet sexuel, et c’est la musique qui l’aurait tuée.

Joni Mitchell et Judi Collins étaient elles mieux acceptées car elles évoluaient dans la folk, calme, une guitare à la main, pas d’ampli hurlant derrières elles. Les gens qui utilisent le pouvoir de l’ampli, ceux qui peuvent être plus forts que les autres, sont les hommes : inutile de mentionner Jimmy Hendrix ou Jimi Page, qui illustrent bien ce propos.


Eh oui, le rock est misogyne, la femme doit être mystérieuse, ridicule, ou une pute. C’est ça l’énergie du rock : niquer des nénettes.
Mais de ces femmes, on en a besoin. Elles doivent être des groupies, applaudir et hurler, les femmes doivent vénérer l’homme, tout puissant sur scène.

Et c’est du côté du disco et de la folk que les artistes sont plus progressistes. On citera Loretta Lynn

avec les morceaux ‘Squaw’ ou ‘The Pill’ – Dans ses interviews, elle indique qu’elle n’est pas incroyablement favorable à l’idée de l’émancipation de la femme, mais qu’elle aime l’idée d’ouvrir les yeux aux gens. Très country middle class, elle ne veut surtout pas s’attirer la foudre des rednecks !

Le disco, peu besoin d’en parler, c’est ‘ze’ style musical qui ose tout. Ça passe dans les boîtes de nuits, ça émancipe les corps, ça tolère les sexes, ça encourage le sexe et la sexualité, on est hyper tolérant pour le disco… I feel love, I feel love !

Oui mais alors, et le rock ?


Et bien, notre disco à nous, c’est le mouvement punk. On aime ce côté cru et authentique, qui défie le système et crache sur le patriarcat. Et comme ça choque ! Même les punks !
Il faudra attendre une certains recrudescence avec Patti Smith, Blondie, The Slits ou, mes préférés, The Runaways. Elles, elles avaient une réputation assez crades. Imaginez, elles chantent sur le sexe et de vouloir faire ce que les hommes font ! Se battre, aller des les pubs, aimer… Aimer, vous imaginez ? Mais qui va s’occuper de la cuisine ? Le titre ‘Cherry Bomb’ en choquera plus d’un, car il comporte des bruits d’orgasmes féminins ! Plus tard, Joan Jett chantera qu’elle ‘don’t give a damn about my reputation’ – Sa ‘réputation’ ? Elle s’est faite recaler de plus de septante maisons de disques, son seul crime est qu’elle était une femme !

C’est principalement via les zines, des petits magazines imprimés à la main que la communication se fait. Tobi Vail, la chanteuse de Bikini Kill, lancera son propre zine intitulé Jigsaw en 1989. Ce magazine se focalise principalement sur le punk et le féminisme.
Le début des années 90 et les effluvent que créent ces petits zines sur la côte ouest de l’Amérique lance le mouvement riot grrrl. Avec trois r, car ça gronde.
Le mouvement est tellement large que la presse commence à s’intéresser à ces femmes qui hurlent. Elles hurlent sur les violences domestiques, sur la libération féminine, sur les inégalités, et sur l’oppression qu’elles subissent encore, toujours. On souhaite mettre l’accent sur le fait que la femme n’est pas uniquement une bonniche ou appartienne à une case bien rangée et polie.

Mais si je vous dit années 90, vous pensez bien évidemment au grunge ! Fugazi, Nirvana, Sonic Youth, ils parlent eux aussi de ces inégalités et prouvent que, non, les femmes qui font du rock ne sont pas toutes hystériques et méritent une bonne biffle.

Récemment même, le plus grand festival d’Europe, Glastonbury, s’est fait taper sur les doigts pour n’avoir que 17% de groupes comprenant des femmes. Bien évidemment, aucune d’entre elles ne furent en tête d’affiche. Les organisateurs se sont excusés, et en 2019, ce n’était pas moins de 42% des groupes qui comprenaient une femme, bien que aucune d’entre elle ne soit en tête d’affiche. Non non, on garde ça pour les hommes blancs avec une guitare. Coucou Ed Sheeran et les Foo Fighters.

Mais n’allez pas croire que les années 2020 ne sont pas sans embûches. On parle encore de ‘groupes féminins’ lorsque l’on veut décrire une formation entièrement féminine, mais jamais de ‘groupes masculins’ pour causer de Metallica. Mes amies se font encore dire que c’est leur copain qui écrivent leurs morceaux, et après un concert, on me dit toujours que je joue bien de la batterie ‘pour une fille’. Ah ben merci, ça faut chaud au cœur, j’ai appris sur les couvercles de mes casseroles pendant que j’allaitais mon enfant en préparant un bon petit plat pour mon époux. Allez, un petit effort, on y est presque. Et vu que le punk est mort, il ne reste plus qu’à nous, les lecteurs et lectrices, les auditeurs et auditrices, les musiciens et musiciennes, d’enterrer cette idée que les femmes n’ont pas leur place dans le monde de la musique. La scène est bien assez grande pour tout le monde.