À l’occasion de la sortie d’Ategnatos, huitième album d’Eluveitie, nous avons rencontré Chrigel Glanzmann quelques heures avant le vernissage aux Docks de Lausanne. Le chanteur s’est livré sur ce qui a inspiré l’album.


En quelques mots, que signifie ʿAtegnatosʾ ?
[Chrigel, chanteur :] C’est le mot gaélique pour ʿrenaissanceʾ. Pas dans le sens hindouiste avec la réincarnation mais plutôt dans un sens métaphorique. Plutôt un renouveau. En fait, on peut dire que c’est un album sur la mythologie celtique, mais ça va plus loin. L’album est inspiré d’anciennes paraboles qui, au final, sont connectées aux idées de mort et de renaissance, mais métaphoriquement. En gros, ces histoires nous racontent comment la vie nous donne la chance de grandir. Il y a donc toutes ces notions de renaissance et de renouveau et les paroles sont vraiment profondes, presque philosophiques, même peut-être critiques de la société.

Comment se place cet album comparé au reste de votre musique ?
Ça c’est ton job (rires) ! En fait, pour nous la relation avec nos morceaux, c’est comme avec tes enfants. Tu peux pas en aimer un plus que l’autre, tu peux pas en choisir un et dire que c’est ton préféré. On les aime tous !

Vous avez travaillé pour la première fois avec un quatuor à cordes, comment c’était ?
C’était cool ! En fait c’était presque un accident (rires). Tout le processus de production était stressant car on avait très peu de temps. On a sacrifié beaucoup de sommeil mais en même temps, c’était une période très créative. Du coup, toute la production a été marquée par des moments très spontanés et surprenants et ça c’en était un. On a toujours eu des orchestrations sur nos albums et avant, on travaillait avec des sociétés hybrides qui s’occupent généralement de musiques de films, de pubs, etc. Mais cette fois, on n’avait pas le temps. Un jour, j’étais en train de composer un truc et je me plaignais qu’on n’avait pas assez de temps, qu’il y avait trop de travail. C’est là que Fabienne m’a dit qu’elle connaissait quelqu’un qui pourrait peut-être aider. Elle a une amie qui enseigne la musique de film à l’université de Zurich et elle l’a faite venir. Deux jours après, Myriam est venue au studio et, ce que je ne savais pas, c’est qu’elle était fan d’Eluveitie et moi j’étais fan de ce qu’elle faisait. Elle travaille sur des projets sur la musique ancienne, mais je ne savais pas que c’était une amie de Fabienne ! On a commencé à travailler ensemble et elle m’a beaucoup aidé. Le courant est tout de suite passé ! Pour la petite histoire, un jour elle m’a appelé et m’a dit « tu sais quoi ? mes élèves ont un jour de congé et comme ils ne savent pas quoi faire, pourquoi pas leur donner des devoirs ! » Du coup, l’orchestration de l’album est devenue un projet pour sa classe. Ça a même été enregistré à l’université. C’était cool pour tout le monde. Les élèves étaient super fiers !

L’atmosphère de l’album est assez sombre, est-ce parce que votre vision du monde est plutôt négative ?
Les textes anciens sont en quelque sorte une critique de la société. Ce qui est fou, c’est que certains ont été écrits il y a plus de 2’500 ans et ils sont toujours d’actualité aujourd’hui. Je pense que ça se reflète dans la musique. Pour nous, c’est important qu’il y ait un lien dans l’atmosphère des textes et de la musique. On n’écrit jamais les choses au hasard. Quand on compose la musique, même si on n’a pas encore les paroles exactes, on sait au moins de quoi la chanson va parler. D’un côté, si on regarde notre monde, on voit beaucoup de choses négatives, les humains font vraiment des mauvaises choses. Et dans ces histoires, on trouve aussi une promesse de renouveau.

On l’a évoqué, il y a un aspect un peu philosophique dans l’album. Quelle place ont la spiritualité ou la philosophie dans le monde d’aujourd’hui selon vous ?
Je ne pense pas qu’on puisse répondre comme ça. Chacun doit répondre à cette question pour lui. Mais pour nous, ces anciens mots nous parlent. Par exemple, les titres ʿThe Slumberʾ et ʿWorshipʾ sont tous deux basés sur un mythe. C’est sûrement le mythe celtique le plus connu aujourd’hui, même si on n’a pas l’intégralité du texte. Cette légende décrit les mécanismes sociaux qui se mettent en place quand une société est confrontée à quelqu’un avec un grand leadership, un dictateur. Et malheureusement, ce qui se passe le plus souvent, c’est que les gens s’agenouillent, sûrement à cause de la peur. Mais dans cette histoire, la solution est montrée. Et cette libération apparaît par le biais du dieu celte Ogmios. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’il n’est pas montré comme un sac de muscles comme Hercules dans la mythologie grecque. Il est en fait dépeint comme un vieux monsieur, tout maigre, à moitié mort, etc. C’est tout le contraire de ce qu’on peut attendre de quelqu’un qui va redonner leur liberté aux gens. C’est intéressant car dans la mythologie celte, Ogmios représente l’intellect. Le message de l’histoire, en gros, c’est « utilisez vos têtes. Ne suivez pas sans remettre en question. Remettez tout en question. » Cette histoire a été écrite il y a plus de 2’500 ans. Aujourd’hui, on ne connaît pas trop le contexte, mais il a dû se passer quelque chose pour qu’on l’écrive, qu’on la transmette, qu’on l’apprenne aux gens. Si on regarde notre monde, c’est encore important qu’on enseigne cette histoire car on a toujours pas compris qu’il faut juste utiliser nos cerveaux.

Vous avez choisi de vernir votre album à Lausanne, pourquoi ?
On aurait pu le faire au Z7 mais on était un peu nostalgique. En fait, il y a 11 ans, on a fait le vernissage de Slania à Winterthur dans une petite salle de peut-être 500 personnes. On voulait le refaire là-bas du coup. Mais, on s’est dit que c’était Winterthur, c’était petit, et il n’y aurait eu que des gens des alentours. Alors on s’est dit qu’on allait faire deux shows, un en Suisse allemande et un en Romandie.

Que pensez-vous de cette « barrière du röstigraben » ? Trouvez-vous qu’on fait les choses correctement en Suisse pour la musique ?
Non, je ne pense pas qu’on fait les choses correctement en Suisse. Mais je ne sais pas si ça a à voir avec le röstigraben, je sais même pas si ça existe vraiment. Je pense que culturellement, que ce soit dans la musique, la peinture ou autre, la mentalité suisse est fausse. En général, quand il y a par exemple un nouveau groupe, on se dit automatiquement que parce que c’est Suisse, ce n’est pas bien. Par contre, si c’est Américain, là tout le monde devient fou ! Pourtant il y a tellement de bons groupes en Suisse ! Et tout le monde s’en fiche parce qu’ils sont Suisses, donc ils ne peuvent pas être bons.

L’album est sorti aujourd’hui, vous vous réjouissez de lire les commentaires des fans ?
Je suis curieux. Je peux pas dire que je me réjouis parce que peut-être que tous les commentaires seront mauvais. Mais pour être honnête, on s’en fiche un peu de ce que les gens pensent. C’est notre musique donc c’est nous qui devons être contents. Après, si le public l’est aussi c’est encore mieux ! Je pense que du moment que tu fais de l’art, si tu laisses l’opinion des gens influencer ta créativité, tu arrêtes d’être créatif car ce n’est plus ton art, ça n’a plus de sens. Mais en tous cas, on très contents de l’album !

La chronique de l’album

Le live report du vernissage aux Docks

eluveitie.ch

FICHE CD :
Ategnatos
Nuclear Blast
3.5/5

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