Cela fait 22 ans que nous nous connaissons. Bien sûr, entre nous, il y a eu des hauts et des bas. Souvent je t’aime, parfois je te supporte, mais régulièrement tu m’ulcères. Nous nous sommes côtoyés sous d’autres latitudes – souvenirs impérissables – au Canada, en Australie, en Italie, en France. C’est donc tout naturellement en ta compagnie que je passe cette soirée du 14 février 2020. Chères Lectrices, chers Lecteurs, je vous ouvre les portes de mon intimité en vous racontant ma soirée de la St-Valentin aux côtés de ma seule relation durable connue : Dream Theater.  

Début du show à 20h et sans guest ! Voilà ce qui était écrit partout. Et ce n’était pas approximatif ! C’est à cette heure précise que les lumières s’éteignent et que la séance au théâtre des rêves commence. Sachant que le concert se déroule en deux parties, et que tout le monde connaît le contenu de la deuxième, quid de la première ? A mon sens, il faut s’attendre peu ou prou à la même set-list que lors de leur tournée européenne de l’été passé.

C’est parti, sans surprise, avec Untethered Angel, issu de la dernière galette des virtuoses américains. C’est dubitatif que j’écoute ces premières notes. Le groupe ne semble pas en place et James Labrie, derrière son micro, me donne déjà des sueurs froides pour la suite. Ce n’est pas comme si nous étions au premier morceau…Petite incursion du côté de Black Clouds & Silver Linings pour mieux revenir au dernier album avec deux titres poussifs : Paralysed et Barstool Warrior. L’atmosphère n’y est pas, l’ambiance non plus. Le public peine à prendre part au spectacle proposé. Le groupe fait même preuve d’une inhabituelle approximation çà et là. John Petrucci semble tenter de diriger son bateau dans la bonne direction, malgré les vents contraires et les murs de vagues. Se termine cette première heure avec Pale Blue Dot. Super…

Mon Dieu que ce fut laborieux ! Je reste debout devant la régie, interdit, à me demander à quoi je venais d’assister. Mais pourquoi Dream Theater a-t-il invité ce groupe en première partie ? Tu m’ulcères…

La petite pause de quinze minutes n’est pas de trop afin d’occulter les sentiments négatifs et boire une bière (qui est d’une grande aide, il faut l’avouer). L’ambiance dans le public change, la tension est palpable, les fans sont prêts désormais à en découdre. Dream Theater s’apprête à rendre hommage, dans son intégralité, au mastodonte qu’est Scenes from a Memory, album emblématique du combo qui reste une référence dans le métal progressif ! Pour ma part, je suis aussi excité qu’un prêtre dans une cour de récré ! Close your eyes and begin to relax… Mon cul oui !! Ils sont écarquillés au possible et je frôle la tachycardie. Le compte à rebours se termine et c’est l’explosion avec Overture 1928. C’est cela que l’on veut, un set qui déroule, de l’énergie et de l’envie. Comme le temps passe vite ! Je me retrouve déjà à prendre dans la gueule la partie instrumentale de Fatal Tragedy. Celle-là même où les musiciens s’amusent avec une déconcertante facilité à supprimer chaque fois un tour du motif rythmique pendant le solo de guitare, pour ensuite mieux le réintégrer durant le solo de clavier de Jordan Rudess. Mieux vaut être à son affaire ! Les titres s’enchaînent avec une agréable fluidité et dans l’ordre de l’album. Vous me direz qu’étant un album concept accompagné d’un visuel, c’est mieux ! C’est au tour de la Masterpiece The Dance of Eternity de résonner dans les enceintes. Nonobstant le fait que cet instrumental soit le plus abouti du groupe, il permet à James de se mettre à l’abri. Pour moi, le vocaliste ontarien, c’est un peu la rondelle d’ananas sur la pizza. Tu peux faire avec, mais c’est mieux sans ! Je ne boude pas mon plaisir ce soir, car c’est l’unique occasion de revivre tous ces titres en live. Tant de souvenirs d’écoutes, d’analyses dans ma chambre et d’heures derrière la batterie à essayer de jouer tous ces morceaux. Finally Free et sa rythmique ultra carrée sonne le glas de cet instant de communion entre un groupe et son public. Une leçon de musique donnée par ces musiciens incroyables qui composent Dream Theater. Je t’aime…

Le public quémande avec véhémence un rappel. Learning to live ? Erotomania ? Non, At Wit’s end ! Proposer ce titre en guise de conclusion, après ce que nous venons de vivre, c’est aussi efficace que de péter dans un jacuzzi. Tu m’ulcères…

Au regard de ce qu’est Dream Theater aujourd’hui, il vaut probablement mieux regarder dans le rétroviseur et attendre que le groupe revisite sur scène, pour leurs 20 ans, Six Degrees of Inner Turbulence (2002), Train of Thought (2003) et Octavarium (2005). Car après ces albums, le groupe fit preuve d’une constante inconstance. Je n’espère plus un vrai nouvel album de qualité de la part de Dream Theater, comme le fut en son temps Scene from a Memory. Je te supporte…