Sur les sentiers de la tradition chansonnière québécoise fleurissent de dignes nouveaux venus, comme un certain Bouleau Gagnon, qui présentait son premier album La joie tranquille, le 17 octobre 2025.
Derrière ce charmant pseudonyme, se révèle un jeune quarantenaire modeste « ayant le cœur tiraillé entre urbanité et ruralité ». Avec son folk-blues et sa poésie terre-à-terre, l’auteur-compositeur-interprète trace un itinéraire de six pièces menant tout d’abord vers Le camp à Woody pour ensuite rejoindre l’esprit western de Trocs de pêche. En l’écoutant, on découvre un observateur qui chante le terroir avec sensibilité et lucidité, comme l’illustre la pièce Tableaux de chasse. La nature et les grands espaces composent ses thématiques évocatrices où chaque titre est tissé d’un vocabulaire étoffé à des accords complexes de guitare acoustique, son fidèle instrument.
Réalisé par Denis Ferland, ce premier album réunit un groupe de musiciens respectés du milieu musical québécois; nommons Marc-André Larocque (batterie), Richard Deschênes (basse), François Richard (claviers) et Joe Grass (pedal steel, mandoline) à la section rythmique. Les mélodies sont magnifiées par des arrangements de cordes, dans lesquels on souligne l’apport de Sheila Hannigan (violoncelle), Ligia Paquin (alto) et Mélanie Bélair (violon).

« Une maudite chance que Cupidon chasse pas à carabine
Parce qu’il aurait peinturé en rouge la chambre de mon p’tit cœur
Pour le garder intact, j’trempe notre amour dans paraffine
Chaque jour goûte notre bonheur »
–Cupidon chasse pas à carabine
Pittoresque et introspectif, cet album propose une réalisation soignée et conventionnelle, qui met en relief la profondeur narrative des textes. On devine chez Bouleau une démarche artistique d’intellectuel. Le romancier, professeur et détenteur, entre autres, d’un doctorat en littérature française, glisse quelques références dans ses récits.
La chanson La joie tranquille de Saint-Denys Garneau rend un joli hommage à ce mythique personnage qu’est le poète Hector-De Saint-Denys Garneau (1912-1943). Il redonne vie aux événements précédant le décès prématuré de celui que l’on considère comme le père de la poésie moderne québécoise :
« Les longs étés sous les rameaux
Mille rêves muets inassouvis
Dans l’air flottent les pleurs de Fossambault
Hector touche le fond du canot puis s’évanouit »
–La joie tranquille de Saint-Denys Garneau
Bouleau Gagnon, c’est l’art de ficeler des histoires à l’aura littéraire non loin d’un Michel Rivard et livrées par une voix folk habitée d’un lyrisme à la Claude Gauthier. Cela se remarque surtout dans la brillante chanson d’amour Cupidon chasse pas à la carabine. Il manie aussi la langue d’une pointe de Plume Latraverse. Il s’agit d’un folk expressif, imprégné d’un attachement profond pour le Québec, dans lequel on atteint Lac-Bouchette, une chanson de virée, qui donne envie de déboucher « une p’tite frette ». On est surpris d’arriver à destination, car l’artiste montréalais, qui a vécu à Québec, Bruxelles, Laval et Toronto, possède le sens de l’orientation artistique.
Avec son premier album, Bouleau Gagnon montre qu’il maîtrise le volant de sa créativité, s’imposant d’emblée sur cette route musicale très compétitive. Il cartographie six pièces éloquentes qui en disent long sur son talent d’auteur-compositeur-interprète, celui dont La joie tranquille révèle un véritable héritier des chansonniers avec un grand C.
Vous pouvez maintenant vous procurer La joie tranquille en version vinyle directement sur le site internet de l’artiste.
Pour écouter l’album :
Crédit photo : Marc-Antoine Jean

