Jeudi 19 juin à 16h30, les Troyens de Disconnected ont pris d’assaut la scène Altar du Hellfest, en remplacement de Walkways, contraints d’annuler leur venue en raison de l’actualité en Israël. Une opportunité saisie au bond par le groupe, plus soudé et affûté que jamais. À chaud, Adrian Martinot (guitariste et co-manager) et Ivan Pavlak (chanteur) reviennent avec nous sur ce moment fort, leur parcours, et l’état du metal français.

Vous remplacez Walkways au pied levé. Comment s’organise-t-on pour un show aussi important en last minute?
Ivan : On est amis avec les mecs de Walkaways depuis quelques années déjà. Et comme à chaque fois qu’il y a des événements un peu malheureux, on envoie des messages aux copains pour voir si tout va bien.

Lorsque j’ai écrit au bassiste, il m’a informé qu’ils étaient safe mais qu’ils allaient malheureusement devoir annuler leur venue au Hellfest. Il m’a donc demandé si on pouvait les remplacer. J’ai écrit à Christie (ndlr. Médina Gonzalès, programmatrice des scènes Altar et Temple au Hellfest), et le lendemain matin on a reçu un grand oui, tout simplement !

Le fait d’arriver un peu à la volée ajoute-t-il une pression particulière ou au contraire, est-ce que vous étiez prêt à bondir sur scène?
Ivan : Pas forcément, peut-être à part pour notre batteur Amaury (ndlr. Pastorelli, le nouveau batteur), qui n’avait pas encore fait le Hellfest. Nous on y a joué en 2022 sur la MainStage, mais ça va tellement vite que tu n’as pas trop le temps de réfléchir à comment ça va se passer. Il faut déjà essayer de se rendre disponible pour y être et dès le lendemain, on était déjà sur la route.

Parle-nous de votre nouveau batteur.
Ivan : Amaury Pastorelli nous a rejoints fin 2023. Il a remplacé notre ancien batteur Jelly car il ne pouvait pas venir avec nous en tournée. Et ça s’est tellement bien passé avec Amaury qu’on a voulu garder cette énergie là. Depuis, on a jamais fait autant de dates !

Quand on a 40 minutes pour convaincre sous une tente, qu’a-t-on a envie de transmettre au public ?
Ivan : Disconnected, c’est quand même un groupe qui a plus de 100 dates sous la ceinture. Lors de nos deux dernières tournées européennes, en main support de The Raven Age, c’était déjà ce format. Donc on sait exactement comment ciseler un set de cette durée pour mettre en valeur toute la palette du groupe et avoir le plus d’impact possible. Du coup, on était un peu « dans nos pantoufles ». Quarante minutes, c’est vraiment un bon timing pour nous.

Vous avez joué dans plus de 20 pays, partagé la scène avec Judas Priest, Trémonti, Mass Hysteria… Ce set au Hellfest, deux ans après votre première fois, vous l’avez vécu comme un sommet dans votre parcours ou comme une suite logique de votre évolution ?
Adrian : Je dirais que c’est plutôt le sommet d’un style qu’on a commencé à forger avec l’arrivée d’Amaury. Ça a insufflé une nouvelle énergie dans le groupe, et là, clairement, c’est l’apothéose. C’est un peu la récompense des trois tournées qu’on a enchaînées depuis son arrivée, à jouer dans des petits clubs, à avaler des kilomètres. Être sur la route, c’est un gros kiff, mais ça reste costaud en termes de fatigue, avec pas mal de sacrifices personnels. Donc oui, c’est vraiment une belle récompense. Et comme ce Hellfest n’était même pas prévu à la base… c’est encore plus beau.

Depuis vos débuts, à quel moment vous êtes-vous dit « ok, on est plus juste un projet, on est vraiment un groupe » ?
Ivan : Dès la première résidence en 2018. Pour la petite histoire, Adrian m’a contacté en 2017 pour participer à l’écriture du premier album ‘White Colossus’. Et j’ai tout de suite senti que ce projet avait un vrai potentiel. Je venais d’un metal un peu plus traditionnel, alors que lui compose de manière beaucoup plus profonde harmoniquement. Tout ça m’a vraiment attiré dès la première résidence qu’on a faite, juste avant notre tout premier concert à l’Espace Argence à Troyes, en mars 2018.

Il y avait immédiatement une implication totale, une énergie… un truc qui se passait de manière très naturelle, comme si on avait été faits pour jouer ensemble. Et ça, on ne l’a jamais perdu. On ne répète pas, en fait. On fait. C’est instinctif, organique. Et Amaury nous a apporté encore plus ce truc-là. Je veux vraiment insister là-dessus : il n’a pas seulement amené un excellent batteur, il a aussi apporté tout un univers. Des connexions avec d’autres artistes, dans le visuel, dans les clips… Ce qui nous a permis de prendre un virage encore plus qualitatif que ce qu’on avait avant.

Si plus de médias mettaient en avant des groupes de metal autrement qu’avec les clichés du Hellfest, à savoir les mecs qui montrent leur cul ou autre, ça changerait la donne. – Ivan, Disconnected

Ivan, tu dis que tu viens d’un metal plus traditionnel, peux-tu nous en dire plus ?
Ivan : Avant Disconnected, j’avais un groupe qui s’appelait Heavy Duty, qu’on a fait tourner pendant une dizaine d’années, surtout dans la région du Var. On a fait pas mal de choses à l’échelle locale, quelques dates avec Mass Hysteria, et des petits événements comme le off du Sonisphere à Amnéville en 2013. C’était une vibe différente : moins technique sur le plan instrumental, avec toujours pas mal de mélodies et un peu de growl, mais un son moins moderne, plus old school.

Avec Disconnected, on est sur quelque chose de plus produit, parfois plus “gentil”, parfois même proche du metalcore. Et aujourd’hui, je pense qu’on a vraiment trouvé une ligne un peu à part. En France, on est probablement les seuls à évoluer dans ce créneau-là. On touche à pas mal d’univers, ce qui fait aussi qu’il est plus difficile pour certains bookers de savoir où nous positionner. Contrairement à des groupes très typés metalcore ou death ou autre, nous, on est plus hybrides. Et c’est ce qui rend notre projet à la fois singulier… et parfois un peu plus difficile à caser.

Adrian : Ce n’est pas évident comme question. Avant tout, je dirais qu’on compose pour se faire plaisir, sans se poser de limites.

Ivan : Disons que ça s’inscrit globalement dans le metal moderne, voire metal alternatif.

Adrian : Oui, mais on garde aussi des influences old school. C’est un mélange de tout ce qu’on aime. Un entre-deux, en fait. Je ne cherche pas trop à mettre une étiquette précise dessus. Cela dit, avec les nouveaux morceaux à venir, je pense qu’on n’a jamais été aussi proches d’une vraie cohérence. On sent qu’on touche enfin à quelque chose qui reste dans une même énergie, un même mood.

Vos influences vont de Deftones à Alter Bridge en passant par Trémonti et Gojira. Qu’est-ce qui fait le son de Disconnected aujourd’hui ?
Adrian : C’est plutôt en écoutant les titres qu’on fait qu’on se dit : « Tiens, ça ressemble plutôt à ça ou à ça ». On essaie pas de copier quoi que ce soit. Mark Tremonti est l’une de mes plus grosses références. Donc fatalement, dès qu’il y a un truc qui va dans ce sens-là, il y a une identité commune avec lui.

D’ailleurs, quand on a tourné avec lui, il l’a remarqué tout de suite. Il y a eu une connexion immédiate. Je me souviens que pendant qu’on jouait, il nous écoutait, et ensuite il venait nous voir, il nous disait : « Ce que vous avez balancé là, dans la loge, j’entendais tout, c’était super inspirant. » Ce genre de retour, ça fait vraiment plaisir.

Aujourd’hui, vous êtes toujours en contact avec Mark. Y a-t-il des choses qui peuvent se profiler ?
Adrian : Je ne pense pas, non. On est toujours restés en contact, on a vraiment créé une connexion forte pendant la tournée. On est assez proches, on peut dire qu’on est des amis de loin, quelque part.

Mais repartir sur la route avec lui, c’est un peu plus compliqué, il y a forcément des histoires de management qui entrent en jeu qui compliquent les choses.

Ivan : Évidemment, nous, on aimerait bosser avec et lui aussi d’ailleurs. Mais chez les Américains en particulier, il y a vraiment ce côté « good cop, bad cop ». Tu vois, il y a vraiment l’artiste qui est là pour serrer des paluches, sourire à tout le monde, qui fait sa zic et puis et puis il y a le manager qui t’attend avec le fusil à pompe à l’orée du bois, en mode « vous avez combien à nous donner ? ».

On en parle franchement, on n’a rien à cacher par rapport à ça. Avec des mecs comme The Raven Age, Myrath, ou Iron Maiden, ce n’est pas du tout le cas. On a tourné dans de très bonnes conditions avec Trémonti, que ce soit sur le plan technique ou logistique. Mais il y avait aussi des freins financiers évidents. Aujourd’hui, pour repartir avec lui, il faut avoir un portefeuille bien garni.

Adrian (gauche) et Ivan de Disconnected, au Hellfest 2025.

Quel morceau du répertoire de Disconnected est vraiment taillé pour le live ?
Adrian : Je dirais le dernier titre qu’on a sorti, ‘We carry On’, qui est un mix de tout ce qu’on sait faire, qui va plutôt trop droit au but. Donc pour la scène, ça marche plutôt bien ! Je crois que c’est le plus gros refrain qu’on a pu écrire jusqu’à présent avec ‘Unstoppable ‘.

Ivan, tu as évoqué dans une interview le manque de soutien du metal dans les médias français. Selon toi, quelle stratégie adopter pour que cette scène trouve enfin sa place auprès du grand public ?
Ivan : Je pense que c’est déjà en train de changer. Il y a quand même des choses qui se démocratisent. Évidemment, Gojira aux Jeux Olympiques y est pour beaucoup. Landmvrks joue aussi un rôle qui n’est pas inintéressant.

Notre musique est difficile à aborder pour le grand public. Elle est souvent perçue comme trop frontale. Beaucoup s’imaginent que les metalleux sont des gens agressifs ou fermés, alors que c’est souvent tout le contraire.

Ce qui manque, c’est une vraie mise en lumière. Si plus de médias mettaient en avant des groupes de metal autrement qu’avec les clichés du Hellfest, à savoir les mecs qui montrent leur cul ou autre, ça changerait la donne.

Un Taratata avec Gojira, Landmvrks, Disconnected… Un plateau qui montre ce que cette scène a de mieux à offrir, avec quelques titres joués en live. Ça ferait de mal à personne !

Landmvrks est un groupe que vous écoutez ?
Ivan : Oui. Moi, je les ai remarqués en 2021. Je me rappelle très bien, j’avais vu une vidéo sur Insta de ‘Lost in a Wave’. Je me suis dit putain, ce refrain est super cool. Puis au fur et à mesure, on a suivi leur ascension. On les avait vus, on les avait croisés à Lyon quand ils avaient ouvert pour Bring Me The Horizon. On connaît bien leur tour manager aussi. C’est des mecs excellents, ils ont l’air humble en plus, très travailleurs, très bien organisés.

Ils sont vraiment sur une pente ascendante assez verticale parce que, en trois ans, ce qui s’est passé pour eux, c’est monstrueux, notamment lorsqu’ils ont remplacé Bad Omens en 2024 au Hellfest.

Dans une moindre mesure, c’est ce qui nous arrive cette année. Le fait que quatre jours avant on arrive et qu’on soit mis en avant par le Hellfest, avec ‘We Carry On’ en story, etc… Cela nous donne finalement une plus belle visibilité qu’en 2022, où on a été annoncés parmi 250 autres groupes.

S’il y avait une collab de rêve entre Disconnected et un artiste ou groupe français, ça serait qui ?
Adrian : Je pense que j’irais chercher quelqu’un qui n’est pas du tout dans le metal, peut-être dans le rap, des trucs un peu inattendus.

Ivan : On avait déjà pensé à JoeyStarr. Il colle bien à ce qu’on peut dégager sur scène. Mais il y a plein de groupes qui défoncent : Rise of The Northstar, Mass Hysteria, Gojira et Landmvrks évidemment !

Propos recueillis par Floriane Piermay au Hellfest 2025.

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