Avant de commencer, je tiens à préciser : j’écris cela depuis la billetterie d’une salle de concert bristolienne. Cela fait trois ans que j’y travaille. Trois ans que défilent les groupes, internationaux, locaux, excellents, déplorables. Et jamais, au grand jamais, je n’ai pu prévoir précisément le nombre de personnes qui se pointeront en avance. Combien de fois ais-je programmé les locaux de Swimming Girls, parce qu’il faut bien faire jouer la scène locale, de plus qu’ils savent manier leurs instruments – combien de fois ont-ils joué devant un parterre vide (derniers numéros enregistrés : 10 membres du public étaient là pour eux, tu parles d’un désastre). Pas moins de deux ans plus tard, le groupe se retrouve en première partie de Pale Waves (TMTC) et fait des énormes dates aux quatre coins du Royaume Unis. Leur dernière date en terres bristoliennes se retrouve complète en moins d’un jour.

Qu’ais-je fais de faux il y a de cela deux ans ?

Rien. Rien de faux. Juste un manque flagrant d’enthousiasme de tous les côtés.

Le problème, c’est que souvent, bons ou pas, les groupes partent du principe qu’une annonce sur Facebook et leur nom sur un poster A3 va attirer la foule. Naïfs, Niais, candides, ingénus, gobe-mouches que vous êtes !

Vous connaissez cet ami que vous croisez de temps en temps dans la rue qui vous promet de vous appeler, de vous voir prochainement, tout sourire, pour ne jamais entrer en contact ? Multipliez par le nombre de vos amis Facebook et vous avez plus ou moins le ratio de personnes qui promettent de venir vous voir, qui mettent un petit pouce bleu à votre poste Facebook, et ceux-ci même qui ne vont pas sortir de leur canapé lorsque la nuit est venue. Le problème n’est pas dans votre musique, ni dans vos amis. Le problème c’est dans votre technique d’approche.

Un groupe se doit d’être exaltant. Pas une soirée se passe sans que l’on puisse aller voir un concert, sans oublier l’oisiveté générale qui dépasse le FOMO. Tous nos amis sont dans des groupes, qu’est-ce qui peut bien faire que Swimming Girls ramène moins de personnes que Joe le clodo et sa bande d’adorateurs ?

Ton groupe n’est même pas si original que ça.

Le secret, c’est de faire de ses concerts quelque chose d’unique. Créez des colliers qui vous donneront un accès unique, invitez vos amis à une sortie d’EP, ou de single, peu importe, il faut rendre les gens curieux. Leur faire croire que, d’ici deux mois, ils vont pouvoir frimer devant leurs amis en leur disant ‘ah oui, les Mozeur, je les ai vus lors de cette soirée incroyable.’ Idles qui interdit à la salle de concert d’allumer la clim, laissant 180 personnes dans un air irrespirable, histoire que tout le monde transpire. Deux ans plus tard, les sécus des Docks (1000 personnes) sermonnent un photographe qui utilisa un flash, une fois, pour une photo, lors du concert du même groupe, qui a fait du chemin depuis. Eux, au contraire de nombreux artistes émergents, alimentaient chacune de leur performance de manière exceptionnelle. Une sortie d’EP, une célébration d’anniversaire, des concerts surprenants, que chacun se réjouissait d’assister. Un de mes amis y a même perdu une dent.

Et les voilà donc, ayant compris l’essence même de l’entertainment, parcourant le monde entier et faisant salle comble, les quatre coin du monde remplis de badauds avide de découvrir quelle sera la prochaine surprise des trublions.

Un amuseur public, un fou du roi, c’est cela qu’est un groupe, et pas l’inverse. Il faut faire croire au public qu’ils sont la chose la plus importante dans votre monde – et c’est clairement le cas. Nul n’a fait un groupe à succès sans des auditeurs dévoués.

Mais certains prennent les fans et les clics sur Facebook un peu trop au sérieux : une autre salle de concert (heureusement, pas la mienne), s’est vu être la risée de la presse suite à la programmation d’un artiste américain nommé Threatin, apparemment hyper célèbre avec des milliers de ‘like’, des centaines de commentaires sexy sur leur vidéos, des prix prestigieux et d’autres atouts alléchants. Il s’est avéré, après que le groupe ait joué… uniquement devant les groupes faisant la première partie, que le management était faux, que l’artiste avait acheté toute sa publicité et créé des faux sites webs, mais que la sauce n’avait pas pris, au détriments de cette salle qui s’était risquée à espérer une soirée comble. Étonnamment, nombreux sont les groupes qui achètent leur renommée, espérant que les algorithmes feront le reste pour attirer le chaland vers leur musique. Parfois ça passe (The Hunna), parfois ça casse (le susmentionné Threatin).

Construire sa fan-base ne se fait pas (ou peu) à coups de post sur vos réseaux sociaux préférés. Cela se fait avec une horde de petits être humains qui veulent faire partie de quelque chose d’unique, être privilégiés… Et surtout être rappelés, jour après jour, que vous faites un concert à cette date précise. Cela requiert des heures de discussions entre amis, des sms, des mails, des rappels incessants. Il faut être quelqu’un qui attire, afin que de nombreuses personnes désirent être proches de vous et partager des moments uniques. Oui, presque comme une relation amoureuse. La drogue et le rock’n’roll en plus.

Ton groupe et ton poste sur ton mur Facebook ne générera rien. Rien. Tu perds ton temps et tu nous fait perdre le nôtre. Les ingé son, les barmans, les sécu, tous ceux qui s’attendent à un travail de fond. Eux s’occupent de la surface. C’est à deux vitesses. Alors sors de chez toi, réfléchis à comment créer des visuels intéressants ou juste des concerts fascinants, fais de ton groupe un produit marketing, un iPhone X où les gens feront la queue des jours avant pour obtenir leur sésame. La musique est un vecteur d’émotion, mais seuls les musiciens peuvent être le lubrifiant clé qui fera tourner la machine. Pose tes arpèges et sors ton téléphone, tu as des (futurs) fans à rencontrer ce soir.

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