Écrire quelques lignes sur The Cure, c’est forcément particulier pour moi. Voilà maintenant 30 ans qu’ils font partie de ma vie. Je les ai découverts en 1992 avec Wish, leur dernier grand album. Bon ma mère n’avait pas voulu que j’aille les voir à Malley quelques mois plus tard, un crève-cœur à l’époque sous prétexte que j’avais même pas 14 ans. En plus, double déception, car j’ai appris quelques années plus tard que c’était un de mes groupes préférés, les Cranes, qui avait assuré la première partie de ce Wish tour. Donc si un jour la machine à remonter le temps est inventée, je sais déjà très bien le lieu et la date de mon premier voyage

Depuis lors je me suis bien rattrapé et j’ai vu plusieurs fois les Cure en concert. Mais la grande différence avec cette date genevoise de 2022 en tête d’affiche, c’est que l’on était entre nous et pas mélangés à des festivaliers au mieux curieux, mais le plus souvent peu conscients de leur chance.

Même si le groupe n’a pas sorti de nouvel album depuis longtemps (et encore le dernier disque n’avait rien de génial), la fanbase existe toujours et elle se déplace en famille sur plusieurs générations. Rien que cela c’est déjà beau.

Dimanche soir, l’Arena genevoise affichait ainsi complet pour le retour des Cure, trois ans après leur venue au Paléo festival, ce qui était le premier signe d’une belle soirée.

Comme souvent ces dernières années, la première partie est confiée à The Twilight Sad, le groupe écossais dont Robert Smith est un grand fan. Autant j’aime bien leurs chansons sur disque, que je trouve le tout un peu répétitif en live. Le chanteur James Graham a un jeu de scène bien en contraste avec les autres musiciens qui jouent aux statues de pierre. Un des premiers morceaux est dédié à Mimi Parker de Low, décédée la veille. Le public n’est pas encore très présent dans la salle pendant le set de The Twilight Sad, mais cela se remplit progressivement et ceux qui sont en place semblent apprécier. Il faut dire que l’horaire a finalement été avancé de trente minutes, ce qui un dimanche soir n’est pas une mauvaise idée, mais du coup faut s’activer pour être à l’heure.

Un peu avant 20 heures, le show démarre directement par nouveau morceau, Alone. La première partie du morceau est instrumentale, ce qui permet à Robert Smith de venir saluer son public d’un bout à l’autre de la scène. Avec autant d’albums studio à leur actif, la setlist d’un concert de The Cure est impossible à deviner, surtout que le groupe a en plus tendance à ne pas vouloir jouer tous les soirs les mêmes chansons. A l’annonce de la tournée, une année plus tôt, Robert Smith promettait que le nouvel album des Cure sortirait avant le premier concert. Il indiquait même avoir assez de matériel pour deux albums. Finalement, il s’avère qu’il a été trop optimiste (ou lent) et nous avons ainsi la chance de découvrir ce soir quelques nouveaux morceaux inédits. Je me suis fait violence pour garder la surprise avant le concert en évitant YouTube.

Ce soir, les Cure sont six sur scène, avec notamment le retour dans le line-up de Perry Bamonte, aux claviers et troisième guitare sur certains morceaux. Smith prend sa guitare et le groupe nous joue ensuite Pictures Of You (ce qui est plutôt sympa pendant que tu es dans la fosse pour faire des images d’eux), suivi d’un autre extrait de Disintegration, Closedown.

La voix est vraiment excellente et le son très bon depuis la fosse. Depuis l’arrière de la salle où je me retrouve après les deux morceaux autorisés, c’est bien aussi à proximité de la console, mais les murs de l’Arena ne sont définitivement pas adaptés aux basses. Même s’il ne fait pas partie du line-up classique, la présence de Reeves Gabrels à la guitare est vraiment la meilleure chose qui soit arrivé au groupe ces dernières années. Le jeu de ce gars est juste extraordinaire et je regrette de ne pas l’avoir vu en concert avec Bowie à l’époque.

A partir de là, tout le set sera un pur moment de bonheur, le groupe jouant des vieux titres des années 80 dont on n’osait même pas trop rêver : A Night Like This, At Night, A Strange Day, Play For Today ou encore Primary. Cela se boucle sur From The Edge Of The Deep Green Sea, avant un autre nouveau morceau Endsong, le bien nommé, mais qui est beaucoup trop calme après un set aussi bon.

Déjà 15 morceaux et bien plus d’une heure de concert à ce moment-là. Pas mal de groupes auraient déjà dit bonne nuit et touché leur chèque. Les Cure, c’est tout autre chose, on est juste à la moitié du concert.

Le premier rappel démarre avec le quatrième nouveau titre de la soirée I Can Never Say Goodbye, puis Want (issu du mal aimé Wild Mood Swings), avant de repartir vers des sommets grâce à Cold (comme cette vague qui nous a tous happé et fait perdre pied à l’époque), puis Charlotte Sometimes pour se boucler sur une version relativement courte de A Forest, Simon Gallup lâchant sa basse visiblement fâché pour repartir en coulisse, signifiant ainsi la fin du premier rappel.

A ce stade, je suis ravi de ma soirée. Le reste ne sera plus que du bonus. Le second rappel est constitué uniquement des tubes grands publics (que j’aime beaucoup à l’exception de Lullaby et Close To Me), mais j’ai l’impression que ce second rappel ne s’adresse pas vraiment à moi. Je crois que tous ceux qui ont grandi avec les albums des Cure, et pas juste les singles passés en radio, sont encore sous le choc du set et du premier rappel, en particulier des extraits de cette trilogie noire qui fascine tant (17 Seconds, Faith et Pornography).

Voilà, c’était le meilleur show des Cure que j’ai pu voir et je crois le plus beau concert de l’année 2022. 2h30 d’un show sans temps mort et de qualité, qui dit mieux ? Personne*. Merci Messieurs et à bientôt.

 * cela dit, New Model Army, un autre groupe anglais actif depuis plus de 4 décennies sera en concert aux Docks de Lausanne ce samedi 12 novembre et promet un set anniversaire intense de … 3 heures. Malheur aux absents