P. SALLAFRANQUE – LE JARDIN DES PAUVRES (INDÉPENDANT)

Treize années se sont écoulées depuis que l’auteur-compositeur-interprète montréalais P. Sallafranque a livré ses derniers disques, tous autoproduits et conçus de façon autodidacte. Il est de retour avec un quatrième album intitulé Le jardin des pauvres, paru le 15 novembre 2024.

Étroit collaborateur d’Antoine Corriveau durant quelques années en tant que bassiste et coauteur, P. Sallafranque s’est entouré de certains complices de cette époque pour ce nouveau projet. Avec Nicolas Grou à la réalisation, et collaborateur à la composition, il présente un univers où le folk et l’indie-rock côtoient une poésie terre à terre. 

P. Sallafranque réside dans la métropole depuis une vingtaine d’années, il partage sur ce dernier album des mots et des musiques sur un filtre mélancolique. Dans Le silence avant la pluie, la première piste, il signale un désir de fuite et de changement. Alors que la suivante Ma ceinture au dernier trou établit l’ambiance aérienne du disque, la pièce Centre-Sud peint un tableau du quartier montréalais sous l’œil d’un vagabond urbain. Il relate son errance des lieux en nous persuadant que la beauté est relative à chacun. Sur la pièce-titre, la précarité financière est illustrée d’une simplicité désarmante :

« En plus de t’ça, ben chu cassé

J’ai pu une cenne, toi, t’en as-tu?

Le char est vide pis faudrait le changer de bord de rue »

Le jardin des pauvres

Si la pièce Canada Dry et chardonnay nous sert une ballade amoureuse hivernale, les textes, tant dans son lexique que dans ses thématiques, reflètent certains codes de la chanson réaliste. Par un langage populaire, ils racontent celui du protagoniste décrivant sa misère du quotidien, sans artifice, enfermé et résigné dans sa condition sociale  : 

« J’ai un travail sans poésie

D’où je rêve de partir en courant

Mais j’attends de gagner mon prix

À la loterie des grands perdants »

Le nid

Une chanson comme Le nid n’est pas à mille lieues d’un Richard Desjardins pour sa base mélodique au piano et ses paroles poétiques liées à l’intime et à la vulnérabilité sociale. On constate la précision et la franchise de ses récits. Les arrangements délicats et organiques conçus par Nicolas Grou ajoutent une touche cinématographique aux chansons à majorité sans refrain. On a droit à de très jolis passages de violoncelle, interprétés par Anaïs Constantin. De surcroît, les pièces se révèlent poignantes de vérité et elles peuvent rappeler l’univers du groupe Avec pas d’casque. En effet, la voix feutrée de Sallafranque enrobe ses histoires, oscillant entre la délicatesse d’un Stéphane Lafleur et l’intensité d’un Daniel Lavoie. Toute comparaison n’est qu’indicative, certes, et au risque de lui faire de l’ombre, il n’en demeure pas moins que le Rouynorandien d’origine poétise le spleen comme peu le font avec un imaginaire teinté d’une âme montréalaise.

À l’écouter, on se demande quelle lune a pu éclipser aussi longtemps un artiste de la trempe de P. Sallafranque qui brille sur un air de renouveau avec Le jardin des pauvres. L’auteur-compositeur-interprète cultive dix chansons méticuleuses, puissantes de lucidité et de sensibilité, confirmant non seulement la pleine possession de ses moyens, mais aussi la venue d’un petit bijou d’album à épargner de l’oubli.

Crédit photo: Danika Fitchett

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