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Bonsoir et merci de prendre du temps pour répondre à nos questions.

DRF : D’abord, comment vous allez et comment ça va au sein du groupe ?
Kemar : On vit super bien ensemble depuis qu’on a démarré la tournée. Je trouve qu’on n’a jamais été autant un groupe qu’aujourd’hui. Je pense que ça doit être dû au fait qu’on a beaucoup bossé « Propaganda » et qu’on en est très fier, qu’il y a du monde à nos concerts, on s’entend bien ce qui est très important quand tu as parfois cinq concerts dans la semaine.

DRF : 21 ans d’existence quand tu regardes derrière toi tu vois quoi ?
Kemar : Je vois quatre petits punks énervés qui avaient l’ambition de changer la société, changer le monde avec leur musique. Avec les années qui passent te prouvent que c’est quand même plus difficile que ça. Mais en même temps à 22 ans il faut être utopique avoir des rêves. Mine de rien je pense que ces rêves on les a toujours. On les a moins dans l’idée de bouleverser la société, mais on les as dans l’idée de continuer à se bousculer nous-mêmes et de continuer à utiliser notre musique pour dire des trucs.

DRF :Avez-vous des regrets vis-à-vis de votre parcours ? Je veux dire, en 95, Utopia a explosé à la gueule des fans de métal et vous a placé à hauteur d’un RATM, français mais le groupe a explosé après la tournée. Si vous pouviez revenir en arrière, vous changeriez quelque chose ?
Kemar : Oui, à un moment donné il fallait faire moins de concerts pour préserver le groupe. Il y avait personne à l’époque pour nous dire de lever le pied, pour nous dire de nous reposer, car on était en train d’exploser. C’est important d’avoir des personnes présentes pour te dire de lever le pied, sinon c’est roue libre et ça part en sucette.

DRF : Propaganda ça a été déjà dit mainte fois est un retour aux sources pour No One … comment avez-vous pensez cet album ?
Kemar : Cet album on l’a d’abord travaillé comme on faisait d’habitude, c’est-à-dire en utilisant l’ordi, en mettant des boucles de batterie, des riffs de basse, de guitare et des textes. Et quand on a eu un peu de matos on s’est retrouvé en répète et y’a rien qui marchait. Il y avait pas de tête qui bougeait, ça ne sentait pas la transpiration, il y avait pas d’enthousiasme, on s’est dit ok, on va revoir notre copie. On va se lâcher la grappe pendant deux mois, on va garder les bons riffs et on va se retrouver dans le petit local de notre bassiste et on va jouer. Du coup on s’est retrouvé avec un tout petit zoom tout pourri pour enregistrer et on n’a pas arrêté de jouer. On a vécu ensemble tout le temps et du coup plein de morceaux sont sortis de là.

DRF : Comment tu vois cet album par rapport à votre premier album éponyme ?
Kemar : Je trouve qu’il a un meilleur son car il est produit par un mec fabuleux Fred Duquesne, on a mûrit dans la façon d’écrire nos chansons. On a un album composé à 90 % de chansons chantées en français ce qui était presque plutôt l’inverse sur notre premier album à l’époque je n’assumais pas pleinement le chant en français ce n’est pas facile de chanter en français. On a toujours eu le souci de bien écrire, c’est d’ailleurs pour ça qu’on ne sort pas un album tous les deux ans. Et puis ça joue mieux. Alors, autant le premier album a une âme particulière car il y a des morceaux qui portent. Je pense notamment à « Henry serial killer » qui est un morceau particulier. Autant « Propaganda » … je trouve que … je suis peut-être pas objectif pour le dire vue que c’est le dernier, mais pour moi c »est l’album …c’est l’album que je prends le plus de plaisir à écouter.

Parfois quand tu écris des textes tu n’aimerais pas avoir à écrire des trucs positifs plutôt que des trucs tout le temps sur des thèmes négatifs ? Comme des licornes, des bisounours.
Kemar : Non ça me fait chier, ça m’emmerde. Je laisse cela aux autres, à julien doré et consorts.

DRF: Tu as un autre exutoire hormis l’écriture de texte pour déverser ce ras-le-bol de la société ?
Kemar : (hésitation) Ben si tu veux ça me prend déjà beaucoup de temps et puis si tu veux jouer au foot c’est bien mais ce n’est pas ça qui te fait lâcher prise. Y’a un certain lâcher prise mais bon. et la musique est tellement présente dans ma vie et celle des potes que c’est difficile parfois de te concentrer sur autre chose sauf quand t’es en break. De plus, ça fait un an qu’on est en tournée et encore, plus que ça, entre la compo, l’enregistrement, les répètes du live et depuis Mai on n’arrête pas, on a fait un court break en août pour passer du temps en famille, mais sinon non j’ai le temps de rien.

DRF: On lit ici et là que les médias censurent No One …. On va dire que déjà c’est une bonne chose ils savent que vous existez (je ne suis pas sûr qu’ils connaissent Lofofora) est-ce que cette censure peut servir le groupe comme par exemple Gainsbourg avec sa marseillaise ?
Kemar : Alors là on n’est pas dans la même catégorie. Gainsbourg c’est le sommet de l’artiste français ; C’est drôle que tu parles de lui, car pour moi on n’a jamais fait aussi fort que lui en France. C’est le patron. C’est le mec qui a balayé plein de styles et il l’a fait bien. Le mec à une grâce en plus, je suis totalement en admiration devant ce mec. Alors, nous à notre niveau … nous on ne court pas après la reconnaissance. C’est bon la reconnaissance … ça fait 20 ans qu’on est là, il y a des gens qui nous suivent, des gens viennent nous voir en concert, on arrive à vendre encore quelques disques, on n’est pas à la recherche d’une notoriété absolue et totale, on joue parfois devant 300 personnes et le lendemain sur un festival jouer devant 10 000 personnes. Comme on n’est pas vraiment accroché à la reconnaissance totale, ça ne nous dérange pas. Nous ce qu’on a envie de faire c’est parler pour tous les groupes de rock’n’roll, dont les radios ne veulent pas, car tu as un accord saturé, car la presse préfère parler de Lou Doillon et Julien Doré. ça ça nous énerve. Tiens je te raconte un truc. France inter nous appelle pour participer à une émission spéciale sur le Bataclan. Ils nous demandent de venir jouer « Charlie » en acoustique. On leur a dit « Attendez-vous avez vu nos morceaux ? Vous vous foutez de nous ? C’est une blague. Bref on leur fait comprendre qu’il est hors de question de venir pour jouer en acoustique. Comme par magie ils trouvent du matos dans leur studio pour nous accueillir alors on y va.
On joue « Charlie » et après on parle. Alors c’est très bref. On a juste le temps de leur dire « merci de nous avoir invité c’est très gentil, ceci dit c’est très rare, en fait ce qui nous fait marrer c’est que vous nous invitez simplement quand la maison est en train de brûler. Si on vous dit ça c’est parce que vous êtes le service public et vous devez faire le taf. Ce n’est pas NRJ ou Fun Radio qui vont le faire. Vous êtes le service public, vous vous devez de proposer de l’éclectisme musical et cet éclectisme musical il n’existe pas, car vous préférez nous envoyer du Christine and The Queens et consort et genre les vrais groupes de rock qui parlent, qui disent des choses, les Mass Hysteria, les Tagada Jones ils sont où chez- vous ? Ils n’existent pas.

Alors tu vois, nous quelques part on a rien à vendre, hormis un cd dans les bacs, mais on a tout à défendre. Et ça c’est depuis la crise du disque, depuis ce temps tous les artistes populaires se sont tous renfermés, car les maisons de disques, les salles de spectacles, les promoteurs, leurs ont dit « fermez vos gueules ». Si vous voulez continuer votre train de vie et à prendre quelques billets ben fermez là. C’est pour ça que depuis une dizaine d’année, la musique populaire française ne dit plus rien. On est dans une espèce de période genre baba cool bobo chic genre sirupeux. Et au moment où dans ce pays il se passe des choses graves là on te dit venez jouer, vous qui avez de vraies chansons, qui disent des choses. On est en colère, car quand tu es dans une émission comme celle-ci et que t’as ce connard de Julien Doré qui se pointe pour venir chialer dans son micro pendant trois minutes et qui se barre juste après. Qui vient même pas dire un mot sur ce qui s’est passé au Bataclan, son rapport avec les événements rien quoi. Pourquoi il est invité ce mec? Il est invité parce qu’il vend des disques, mais ce mec il a rien à dire.

DRF: Après les derniers événements survenus en France que penses- tu de cette ré-appropriation de notre drapeau par les gens, mais aussi de cette marseillaise mise à toutes les sauces ?
Kemar : Ecoute, moi cela ne me dérange pas de voir des drapeaux français aux fenêtres. Par contre, ce qui me dérange c’est qu’après ces événements le gouvernement français organise une cérémonie pour rendre hommage aux personnes mortes aux Bataclan et aux autres aussi mais principalement pour ceux du Bataclan. Je vous rappel que les gens du Bataclan sont venus voir Eagles of death Metal et nous on leur donne quoi comme hommage ? Nolwen Leroy et deux bouffons, les mecs ils viennent pleurer dans un micro. Eagles Of Death Metal, tu les a pas tué une fois les gars, tu les a tué deux fois. Mais putain dans quel pays on vit ? Dans quel pays on vit ???

DRF : Quand je vois un sondage disant que les 18 / 24 ans ont massivement voté FN, cela me rappel un live aux Eurockéennes de Belfort où on avait eu le droit à un magistral « la jeunesse emmerde le front national » qui devrait être encore d’actualité. Je n’ai pas l’impression que les gens prennent conscience de ce qui nous attend ces prochains jours. Pour toi le FN c’est la même chose que tous ces fanatiques ?
Kemar : Non ils ne sont pas si dangereux, les gens du FN ne prendront pas de kalach pour dessouder des gens dans une salle de concert. Ce qui est déplorable dans ce pays, quand tu parles de cette génération qui déboule et qui vote FN c’est dû à plusieurs choses : et d’une y’a un manque d’éducation totale dans les familles, il y a un manque de mémoire, de pédagogie, il y a énormément d’ignorance, y’a une espèce de réaction animale par rapport à ce qui peut se passer dans le pays. On en parlait avec les potes tout à l’heure: pour toi qu’est-ce que ça évoque Le Front National ? Moi ça m’évoque Le Pen en train d’agresser une députée contre un mur, ça m’évoque le père Le Pen sur les détails de l’histoire, ça m’évoque tout ce qui s’est passé à Vitrolles à Toulon à Marignane où finalement les gens se sont rendu compte que c’était une catastrophe totale. Si on en est là c’est parce que la droite et la gauche n’ont pas fait le boulot. S’acharner sur le FN c’est bien, mais qui n’a pas fait le boulot ? Et puis chaque élection quel quelles soit, doivent être considérées comme des élections nationale, on ne vote plus par rapport à ce que fait un maire, pour une équipe qui bosse pour la région, on vote pour un idéal national. On n’a pas de solution pour changer les choses, comme disait justement NTM « on fait partie du problème » donc voilà de là le problème est réglé, on n’ a pas les solutions. La seule pierre à l’édifice qu’on peut apporter c’est dans notre musique. Si lors d’un concert on réussit à sensibiliser une personne ou deux ben on aura fait notre taf.

DRF: Il y a un titre que tu ne chanterais plus aujourd’hui ?

Kemar : Non. Quand t’a notre discographie tu peux tout jouer et t’a forcément envie de tout jouer. Après t’a des morceaux incontournables. Et puis on veut donner la part belle à « Propaganda ».

DRF : Avec qui voudrais-tu pouvoir collaborer ?
Kemar : Moi ce que j’ai envie de faire et je travaille dessus depuis quelques mois, c’est d’arriver à se fédérer. Chaque groupe vie sa vie chacun dans son coin et ça fait un moment qu’on est plus fédéré. Il faut qu’on montre aux gens qu’on est ensemble, si nous on y arrive pas comment veux- tu que les gens arrivent à aller ensemble pour proposer de vraies choses. Il faut qu’on se fédère et qu’on arrive avec un propos pour dire aux gens que le Rock a encore des choses à dire. Qu’on fasse à la fois rêver les gens, qu’on rêve nous aussi. S’il y a bien un truc dont j’ai envie c’est d’organiser un truc tous ensemble, je m’en tape que l’un joue avant l’autre, je veux juste que l’on soit là tous ensemble, pas chacun dans nos chapelles sans se parler. Au lieu d’écrire un morceau, organisé une tournée commune ça me plaît.

DRF : On va vous voir au Hellfest en juin, sur une grande scène. On espère que vous aurez un meilleur créneau que Lofo qui avait joué 30 min le dimanche à midi…Mais qu’est-ce que ça fait d’être sur l’affiche du plus gros festival français de musique couillues ?
Kemar : C’est le Graal, il me semble qu’on est en milieu d’après-midi. Écoute nous on connait le Hellfest depuis le Fury Fest. On a vue comment le Hellfest a évolué et comment Ben l’a fait évoluer. Pour revenir aux médias ben tu vois je tire mon chapeau à Ben parce qu’il a réussi à se faire intéresser à quelques chose. Mais après, ils ne bougent pas. Et ce mec il a tenu sa ligne de conduite. Et je dis bravo, la déco, la façon d’on cela se passe, l’état d’esprit, la politique des prix en affirmant souvent qu’il ne veut pas que les prix montent trop. Après il propose bien plus de choses que n’importe quel autre festival français.

Je te laisse conclure et te remercie.
Kemar : Continuons à rêver.

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