DRF: Reuno merci à toi de nous recevoir après 25 ans ce n’est pas trop emmerdant de devoir encore répondre à des questions ?
Reno : Ben si elles ne sont pas trop chiantes ce n’est pas trop emmerdant.(Rires)
DRF : Comment tu fais pour tenir la forme après toutes ces années ?
Reno : J’ai jamais eu trop de période d’excès, comme chacun j’ai eu des périodes avec et sans. Pour l’instant ça va je n’ai pas trop les articulations qui grincent, et je pense avoir encore la forme. J’ai arrêté de fumer y a pas longtemps ça me permet de respirer mieux.
DRF : Un peu plus d’un an après la sortie de « L’épreuve du Contraire » comment vois-tu cet album au milieu de toute votre discographie ?
Reno : A chaque fois qu’on fait un disque on essaie de mettre ce qu’on a dans les tripes sur bande, enfin sur disque dur. On n’essaie pas avant ça de penser à comment le public réagira en écoutant tel ou tel morceau, on essaie de suivre plutôt notre instinct. De plus c’est le deuxième album avec Vincent notre batteur et je pense que sur cet album il s’est vraiment investi plus que sur le précédent. Avec l’expérience de scène qu’on a eue après « Monstre Ordinaire » il a pris ses marques dans Lofo et là il s’est plus mis dedans. C’est un album 100 % fait par une formation encore assez fraîche quand tu regardes toute l’histoire du groupe, ça fait que 5 ou 6 ans qu’il est là. Après c’est un album qui a été très bien reçu et plein de gens l’ont comparés à leur album préféré que ce soit « Peuh » « Dur Comme Fer » ou « Le fond et la forme » ça fait plaisir. Car même si on ne pense pas forcément à notre public quand on compose, au moment où ils entendent le disque, savoir que ça leur plait, ça fait toujours plaisir
DRF : On dit qu’il ne faut jamais revenir en arrière, mais si tu pouvais et en avait la volonté tu referais quoi sur cet album ?
Reno : Non, rien, franchement. Je peux dire ça pour chaque disque avant que ne sorte le suivant. Et puis c’est pour ça qu’on continue avec Lofo. Plus tu fais des disques plus tu sais les faire. J’entends par là plus le résultat ressemble à ce que tu avais dans la tête au début, plus le sentiment que tu as au moment que tu enregistres, sera le même que lorsque les gens l’auront. On a l’impression de maîtriser un peu plus la composition, même si on confie le mixe, on maîtrise un peu plus notre outil. Donc je ne reviens pas dessus.
DRF : Là vous nous proposez « l’épreuve du concert », peux- tu nous dire quelques mots sur le contenu de ce cd et où il a été enregistré, le premier ayant été en partie réalisé au Nouma à Mulhouse, le deuxième à La Cigale à Paris et le troisième ?
Reno : Ben c’est une idée venue d’un seul coup avec notre label A(t)home. On a regardé notre planning voir si on pouvait enchaîner deux soirs d’enregistrement live et on a enregistré à « La cave à Musique » à Maçon et le lendemain à « La Vapeur » à Dijon, une des meilleures dates de cette tournée d’ailleurs. On a pris les meilleurs morceaux lives des deux soirées et on a mis le tout sur cd. Après on n’a pas fait un Best-Of. C’est la Setlist de la tournée, même si entre le début de la tournée et la fin il y a des morceaux qui arrivent et d’autres qui partent. On ne fait pas une setlist dans un but promotionnel. Tes derniers morceaux t’as envie de les faire vivre. Quand t’es en studio en général t’as pas joué les morceaux en live, il est tout frais et puis tu te l’appropries en live, avec un ressenti tout autre qu’au moment où tu dois l’enregistrer, avec l’envie de faire les choses bien. Après quand tu recraches le truc en live y a une espèce de spontanéité. Dans le choix des morceaux on s’organise toujours autour du dernier disque, après quelques concerts on se dit les gens aiment ceux-ci mais d’autres ils préfèrent les entendre chez eux plutôt qu’en live, alors y’a des morceaux qu’on dégage direct.
Du coup on se refuse à être un groupe de Best-Of. Moi je trouve cela un peu relou ces groupes avec de l’expérience et qui sortent un album, en jouent deux morceaux et après ils font un Best-Of. Comment font les cover bands, les groupes qui jouent des Stones, du Nirvana, du Floyd. Ils jouent le Best-Of et c’est leur rôle. Nous on est les vrais Lofo alors on fait les morceaux que l’on a envie de jouer. Après je trouve ça pathétique ces groupes qui décident de rejouer l’album d’il y a 20 ans. C’est une vision assez passéiste du rock pour moi. Le rock, même s’il prend ses racines dans une musique qui est née y’a 70 ans voir plus, ça reste une musique, pour moi, qui doit regarder de l’avant.
DRF : La musique a toujours été un moyen de revendication pour beaucoup de groupes, en plus de vous je citerais No One Is innocent, les Mass Hysteria…. Quand on parle d’ouvrir la culture au plus grand monde possible, penses-tu que l’on prend en compte les besoins, les attentes, les projets des artistes et des salles ?
Reno : Non et surtout même pas celle du public. Je ne veux pas étaler ma vie privée, mais on m’a raconté les coulisses, des coulisses, je suis assez renseigné sur comment se passe les choses. Déjà à la culture, la part allouée à la musique est à 90% pour la musique classique et je ne pense pas que le peuple français écoute à 90% de la musique classique. Après j’y vais au coupe choux, mais il doit y avoir 5 % pour le jazz et 5% pour les musiques actuelles. Ça veut dire aussi bien Lofo, que la musique électronique, le Hip-Hop et la chanson française. Et même avec ce peu d’argent on a quand même un super beau réseau de salles en France. Après il y a eu aussi ce problème de loi anti-tabac liée à des lois anti-bruit. Moi je ne suis pas anti-tabac mais j’apprécie de jouer dans des lieux pas enfumés, c’est quand même mieux pour la santé. Mais du coup les gens sortent fumer dehors, ça fait du bruit. Des clubs ferment. Le problème il est pour les petits groupes, pouvoir sortir de leur région, de leur périmètre et ne pas jouer toute leur vie dans un rayon de 20 bornes. C’est le problème, le réseau de petit pubs et de petits clubs a beaucoup diminué. En plus il y a eu des lois sur la fiscalité qui a obligé les patrons à déclarer tout le monde, il y a encore plein d’endroits qui le font au black sinon ils n’existeraient plus. Et puis le problème c’est aussi d’emmener la culture dans le milieu rural. Moi j’ai toujours été citadin, mais je trouve ça dégueulasse que dans le monde rural il n’y ait rien, ou alors tu tombes sur une asso qui se bouge vraiment, mais pour pas un rond et qui arrive à te faire des choses merveilleuses avec des bouts de ficelles. Je pense à certains festivals, ou certaines petites salles, ou des gens qui se mettent en collectif pour racheter un lieu et ils s’endettent pour 20 ans, car ils y croient à la culture. Moi j’ai de l’admiration pour les gens qui y arrivent. Et tu parlais d’engagement. Quand on voit comment les idées dérapent sévèrement vers la droite voir l’extrême droite, c’est quand même bien d’emmener la culture partout. (Rires) Tu vois la culture ce n’est pas de la vaseline (rires) c’est bien autre chose, c’est quelque chose qui ouvre l’esprit des gens et qui leur permet d’avoir moins peur du quotidien.
DRF : Tu trouves toujours ton inspiration dans les mêmes thèmes, malheureusement, un jour tu n’aimerais pas chanter des chansons sur les Licornes et les Bisounours ?
Reno : Ben non parce que je ne prends pas trop de champis (rires) et l’héroïc fantaisy ça me fait chier. Mais effectivement plus sur les bisounours, car je trouve que la classe ultime c’est de faire quelque chose pour les enfants. Comme mon pote guillaume de l’Opium du peuple qui fait un truc qui s’appelle « les oreilles rouges », dans les écoles primaires et maternelles. Ça je trouve ça la classe quand tu arrives à faire triper les tous petits.
DRF : Ça te fait quoi quand tu entends des groupes dire que Lofo est un des groupes qui les a influencés le plus ?
Reno : Ça fait plaisir. Moi quand j’ai eu mes premiers disques de rock, ça m’a poussé à avoir une vie teintée de liberté. SI toi tu arrives à donner ce goût-là c’est très bien. Quand tu montes un groupe c’est pour partir sur les routes, c’est que tu as envie de partager des choses avec les gens de manière relativement désintéressé en général. Après, il y a deux catégories de gens qui montent sur scène. Il y a ceux qui ont envie de briller, de se faire pomper par des groupies. Et il y a ceux qui ont envie de partager juste de bons moments sur scène avec leur public. Et il y a aussi cette possibilité de rencontrer des gens chaque jour, ce qui enrichit nos vies.
DRF : Est-ce qu’un jour on aura à nouveau le droit à un morceau avec une tripoté de guests réunis autour d’un même thème ou c’est maintenant réservé au Bal ?
Reno : Non pas forcément, mais faut que ça se présente spontanément. C’est vrai qu’on l’a fait beaucoup sur les 2 ou 3 premiers disques. Il y a des invités venant d’univers musicaux différents et après c’est exercice qui c’est un peu généralisé dans le style, cela ne se faisait pas beaucoup dans le style qu’on faisait. Nous on a pris nos inspirations dans le Hip-Hop et à l’époque dans le Hip-Hop sur les albums tu avais toujours le dernier morceau où les potes débarquaient dans le studio, c’était une récurrence dans le rap des années 90, on a voulu reproduire ça. C’est vrai que ça fait 2 , 3 albums qu’on n’a pas vraiment eu d’invité. Le dernier c’est avec King Ju de Stupeflip sur l’album « Mémoire de Singe » avec le morceau « Torture » qui je pense est assez réussi. Et j’adore julien, même si on ne se voit jamais, je trouve que tout ce qu’il fait est vraiment génial. Et j’ai vraiment tripé, c’est la deuxième fois que j’écrivais un texte à plusieurs mains, pas écrire chacun sa partie dans son coin, c’était tripant de faire cela ensemble. Je l’avais fait avec Kabal, mais dans un univers de pensées un peu différent et encore pas tant que ça. J’ai écrit aussi pas mal de chanson sur les deux trois derniers albums de parabellum, il y a une chanson que j’ai eu la chance d’écrire avec Schultz. C’était cool (gorge serrée)
DRF : T’es un poète ?
Reno : Si tu le dis. Non en fait oui. J’ironise là-dessus dans ma vie de tous les jours. Parfois je sors des formules et les gens me disent « Ho c’est bien dit » je leur réponds oui je suis poète, c’est mon métier. (Rires)
DRF : Si tu devais définir l’expérience, l’aventure Lofofora tu emploierais quels termes ?
Reno : Une bonne bande de branleurs. Car on est quand même une bonne bande de branleurs. Au bout de 25 ans il y a encore tellement de choses qui se décident à l’arrache. On est quand même encore à la rue sur certains trucs. Il y a des moments où je suis un peu saoulé où j’aimerais que ce ne soit … pas forcément carré, car je ne le suis pas, mais légèrement plus organisé. Et quelques part pour faire du rock, faut encore avoir la dalle et il faut que ce soit encore sur la corde raide, qu’il n’ y ait rien d’acquis, jamais. Et on est assez fort pour entretenir notre inconfort.
DRF : En 2019 vous aurez 30 ans, Dur Comme Fer, pièce maîtresse dans l’œuvre de Lofofora en aura 20, aura-t-on le droit à une tournée anniversaire avec l’album joué en entier ?
Reno : On ne fera jamais ça. Au même titre que je ne veux pas connaître mon avenir, je ne veux pas revivre mon passé. Même si je ne regrette pas grand chose de ce que j’ai vécu. Le passé c’est le passé, vivons l’instant présent.
DRF : A l’heure actuelle entre Lofo, le Bal, les Mudweiser vous allez réussir à trouver du temps pour commencer à écrire de nouveaux morceaux ?
Reno : On en parle, on essaie de faire quelque chose de différent pour le prochain disque, mais actuellement il y a rien sur les cahiers ni sur les ordis.
DRF : Lofo a toujours invité/joué avec des groupes de genres très différents, Kabal pour ne citer qu’eux. Quels sont ceux que tu voudrais que les fans de Lofo écoutent en ce moment, ou les groupes que tu voudrais embarquer avec toi en tournée?
Reno : C’est surtout un gars. Marc Namour, comme amour, mais avec un N, je trouve ça beau. Il sort un album avec Serge Teyssaud-gay. Il a un groupe qui s’appelle « La Canaille » et qui a fait 3 albums. Leur dernier album est à mon avis la meilleure production française en musique française toutes époques confondues, si on met de côté les Brassens, Brel, Nougaro, Bashung qui sont pour moi le haut du panier. Pour moi y’a Marc Namour de La Canaille qu’il faut absolument écouter. C’est ultra bien écrit. Et puis ce mec est vrai, est authentique. Et c’est ça qui plait le plus au public. Je me suis rendu compte à un moment que ce que faisait Lofo au début n’était pas forcément tout le temps terrible, mais on faisait cela avec les tripes et ça plaisait.
DRF : Après avoir joué enfin, un dimanche midi sur une grande scène au Hellfest, est-ce que l’on aura le plaisir de voir Mudweiser sous la Valley? Et penses-tu que pour un fest français et avec le bagage que vous avez-vous, de se voir reléguer à attendre moult années et gratifié d’une petite demi-heure de jeu ?
Reno : Alors, pour Mudweiser je ne sais pas, car notre bassiste a été bénévole pendant des années au Hellfest et il avait branché Ben Barbaud pour jouer en lui disant soit on joue l’année prochaine soit je viens plus bosser. Ben il va plus bosser. Après, je me suis fait la même réflexion que toi. J’ai limite un peu mis la pression au tourneur de lofo en lui demandant si on puait de la gueule ou s’il y avait un problème. Et on a joué une demi-heure le dimanche midi. Si ça se trouve il ne nous aime pas Ben Barbaud, il ne doit pas aimer Lofofora ça doit être juste lié à ça. On ne peut pas plaire à tout le monde.
DRF : J’ai vu Lofo 14 fois, je n’ai jamais entendu jouer Irie style ? Vous sauriez encore la jouer aujourd’hui … en plus le pape c’est encore et toujours l’actu, les religions également pourquoi ne pas nous le rejouer ?
Reno : Je ne l’a chanterai plus celle-là. Je ne pense plus ça. Quand on me demande s’il y a un texte que j’écrirais plus aujourd’hui, je réponds toujours celui-là. Je suis devenu beaucoup plus intolérant au niveau de la religion. J’ai écrit « Dieu aime le sang » qui remet un peu à l’heure le même thème. A l’époque je me disais que si ça faisait du bien aux gens de croire à un père Noël dans les nuages, pourquoi pas. Non, aujourd’hui c’est tous des cons, ce n’est pas respectueux. Le jour de la tuerie de Charlie j’ai posté un truc sur le Facebook de Lofo, d’ailleurs je poste rarement des trucs et à chaque fois ça fait polémique. Une vieille couve de 1979 de Charlie où c’est Reiser qui avait fait un dessin assez trash, avec un mec avec une tête avec des yeux exorbités, une machette ou un couteau ou fusil avec marqué « les tueurs fous ça met un peu de couleurs dans la grisaille de l’hiver » et j’ai marqué « Dieu est un con qu’il crève ». Et les gens me sont tombés dessus en disant « Non ce n’est pas dieu qu’est con c’est les gens qui sont méchants » j’ai envie de dire « Va sucer des bites en enfer ».