Quelques mélomanes se souviendront de la date charnière du 13 mars 2020 et de la sortie de Mémoires, premier album complet de Foisy. L’artiste pluridisciplinaire s’était engagé dans un processus créatif inspiré par le visionnement d’archives familiales, pour reconstituer, derrière elles, les émotions qui s’y trouvent. Depuis ce temps, trois années se sont écoulées sur terre avant que, son deuxième long-jeu, atterrisse sous le titre de Les fusées et les camions.

C’est un Foisy plus lumineux qui nous accueille à bras ouvert dès les premières notes avec Beaucoup d’amour. Elle nous entraîne par la rythmique à la fois douce et enjouée, et pour son message sur l’importance de vivre telle qu’exprimée également sur la piste suivante J’ai peur des départs. Coréalisé avec Antoine Corriveau, l’opus composé de 12 pièces Indie Folk comportent des bruits environnants, des sifflements d’humains et d’oiseaux, et de craquements, un procédé initié sur l’album précédent. La réverbération audible dans la prise de son simule une sonorité analogique, comparable à un enregistrement sur ruban. On profite des arrangements qui agrémentent l’ambiance musicale avec, entre autres, les tambourins, le saxophone, la flûte traversière, l’harmonica et de la clarinette qui vient clore en beauté la pièce La peine est à tout le monde. Quelques moments acoustiques et épurés s’invitent dans l’œuvre avec la courte et instrumentale Les dimanches, et également par Cerf-volant et Clara, dont la délicatesse respective révèle une vulnérabilité inhérente. À l’opposé, Les vacances contraste par sa touche de Garage rock et la distorsion de guitare électrique, assez pour attirer l’ouïe des âmes un peu plus rockeuses. Signant tous les textes et les musiques, Foisy s’investit aussi aux guitares électriques et classiques, au piano et aux percussions.

Foisy, c’est d’abord un poète. Ce nouveau projet musical le démontre une fois de plus. Sa plume minutieuse et observatrice creuse en profondeur les sentiments humains pour y extraire, de soi, le vrai. Sa poésie imagée, au langage soutenu, livre des vers aux procédés qui profitent autant à nos yeux qu’à nos oreilles.

« Je sais que la peine est à tout le monde
On pleure et puis ça sèche et ensuite on se la passe
Je sais que les trous qui habitent mon ventre
Un jour seront dans ma mémoire »
La peine est à tout le monde

Par sa voix chuchotée et un brin nasillarde à la Bob Dylan, l’interprétation semble timide, mais au fond c’est ce qui nous charme depuis ses débuts. Celle-ci se joint à des chœurs hauts en couleur, gracieuseté de la Chorale Wow, dont les harmonies vocales embellissent à souhait jusqu’à occuper toute la place sur la rassembleuse Wow. Avec Ma peau qui fait la voile, duo avec la renommée Ingrid St-Pierre, on réunit deux timbres de voix qui s’agencent de manière inattendue. Cela permet d’entendre une facette différente de la voix du principal concerné. Son chant est nettement plus assumé et mélodieux, une amélioration qu’on souligne d’emblée. On constate que l’artiste s’approprie les limites de son étendue vocale pour en soutirer ses avantages.

Par ses mélodies et ses thèmes plus dynamiques et accessibles Les fusées et les camions, plus affranchi et ouvert sur l’avenir, est un album varié et léger en comparaison du précédent Mémoires. L’auteur-compositeur-interprète Foisy fait rayonner la langue française dans toute sa subtilité, celle qui se contemple dans les pages d’un recueil ou celle qui se manifeste dans la force poétique et historique de la chanson québécoise.

Texte : Pier-Luc Diamond
4/5

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