D’un côté vous trouvez le noise rock des Lavallois de Birds In Row, de l’autre la techno indus des franco-américains Maelstrom & Louisahhh. Au milieu « Violent God » un ovni aussi lumineux que sauvage, aussi détonnant que déconcertant. Louisa Pillot, Bart Balboa et Quentin Sauvé nous racontent comment ce qui initialement ne devait être qu’une collaboration, après juste onze jours de studios, a accouché d’un album et d’une tournée.
Comment est née cette envie de rencontre, de partage musical ?
Quentin : Tout a commencé à l’initiative de notre batteur dans Birds In Row, Joris Saïdani. Il était en quelque sorte remplaçant pour une tournée avec Louisa et Mael. C’est comme ça qu’il les a rencontrés. Comme on avait déjà fait des collabs’ à l’image de celle avec Coilguns, il s’est dit que pour essayer autre chose on pourrait le tenter avec eux, que ça ferait un gap, un challenge musical. Au début on ne pensait pas du tout qu’on allait en faire un album, encore moins un projet avec un autre nom.
Qu’est-ce qui vous attirait les uns vers les autres ?
Bart. Au niveau personnalités, on ne se connaissait pas vraiment, c’était donc plus le côté artistique. On arrive dans un monde, de l’électro, de la techno, il y a des visions hyper différentes de comment tu penses ta musique, la scène, et plein de différences qui sont trop cool à explorer.
Louisa. Avec Mael on est très investis sur le process et c’est toujours intéressant de trouver un nouveau chemin pour créer quelque chose de plus dynamique. Avec Birds in Row, même la manière de travailler la scène est différente. Par contre on a en commun l’idée que la musique est une force qui emporte tout. Et avec ces petites graines, c’était facile de commencer.
Q. Comme on ne s’était jamais rencontrés, je n’avais pas d’attente. On a vite remarqué nos codes différents, mais oui on se rejoignait sur la raison de faire de la musique et ça a été hyper intéressant, tout en se disant que peut-être que ça ne marcherait pas.

Des codes, des approches différentes, en termes de compo ou de scène, dans le processus créatif qui a pris le lead ?
B. On a bossé en parallèle, dans deux studios. Louisa et Mael avaient le leur et ils y faisaient tout ce qu’ils font de bien dans le beat-making, la noise. Et nous on avait installé le coin enregistrement, production, avec guitare, batterie et basse dans le nôtre. D’un local à l’autre avec une clef USB on se transférait les trucs, et chacun retravaillait la partie de l’autre. Très rapidement il s’est trouvé que Louisa et Mael étaient vachement plus productifs que nous au point qu’ils avaient déjà un morceau au moment où nous on avait à peine fini d’installer nos amplis…
L. Parce que ce n’est pas de la musique, c’est juste du bruit (rires général).
B. Du coup on a constaté qu’on partait beaucoup de leurs idées, pour après rajouter notre patte dessus. Comme on n’avait pas les mêmes rythmes de travail, Mael et Louisa ayant des vies de famille ils partaient vers 19h, on finissait bien plus tard et on avait plus de temps pour faire de la production, tailler dans le gras. A leur retour le matin ils redécouvraient le morceau et pouvaient nous donner leurs idées. Comme ça on continuait à travailler dessus et eux retravaillaient derrière. C’était vraiment de la collaboration mais avec deux pôles distincts.
L. Cette manière de travailler demande beaucoup de confiance et de respect les uns envers les autres. Ce n’est pas possible d’être attaché à une idée parce que tu sais qu’il est bien possible que tu la changes le lendemain matin. Mais il faut avouer que ça marchait vraiment très bien et c’est cool parce que ça a ouvert les options que seule il n’est pas possible de découvrir.
Q. On avait vraiment l’impression d’être les cinq ensemble. Mais avec la barrière des styles, si l’on s’était mis tous ensemble ça aurait été très dure techniquement d’avancer, et on n’aurait clairement pas fait onze morceaux.

Comment ont alors évolué vos habitudes de travail ?
Q. Avec Birds in Row on part des riffs de Bart et là on partait de quelque chose qui était souvent atonal, des drum machines qui avaient été faites. Par contre on avait déjà la voix. Ça a donné des morceaux comme « Good Hunter », où la voix a été faite de manière hyper vénère, sur la base de trucs vénères, et où on a enlevé tout ce côté-là et on a mis un petit picking de guitare et une batterie mignonne. C’est un bon exemple de ce qui a été construit et puis détruit volontairement et qui crée quelque chose de vraiment intéressant.
Comment avez-vous dessiné l’univers des textes, les choses dont vous aviez envie de parler ? Est-ce qu’il y a eu des échanges ?
L. Il n’y a pas eu d’échanges (rire). J’admire beaucoup les paroles de Bart et Quentin parce qu’ils sont doués comme song-writers. Après avoir écouté les chansons de Birds in Row, je savais que je voulais créer quelque chose qui puisse exister dans l’univers qu’ils ont créé, et surtout ce que je voulais c’était être foncièrement honnête. Et voilà tu as Pain Magazine.
B. J’avoue que pour une fois j’aimais bien l’idée de déléguer le monde littéraire à quelqu’un d’autre. Louisa était hyper impressionnante sur le fait d’écrire aussi vite et aussi bien. Après forcément on a un regard de Français qui doit écrire en anglais et c’est d’autant plus impressionnant parce que ce n’est pas notre langue. Clairement les textes on les trouvaient mortels et on se reconnaissait facilement dedans. Comme l’a dit Louisa la collaboration est aussi née du fait que l’on avait confiance les un dans les autres que ce soit politiquement ou humainement, et du coup c’est rare d’écrire un truc qui est complètement à l’opposé des idées des autres.
Q. C’était vachement rafraichissant d’avoir les textes de Louisa et surtout cool qu’elle endosse le rôle de lead singer et qu’il y ait un truc perso qui vienne d’elle dans lequel on allait pouvoir se retrouver. C’était bienvenu et sur l’avancée de la musique et du temps qu’on avait, c’était cool d’avoir des petites surprises à chaque fois.
Est-ce que dans votre esprit cette collaboration va s’arrêter à la fin de la tournée ou imaginez-vous un futur à ce projet ?
B. Disons qu’avec l’expérience on se dit « putain » on a fait onze morceaux relativement facilement, on s’entend hyper bien, sur scène ça a l’air de nous faire kiffer de jouer ça, alors bien sûr que tu peux te projeter et te dire que dans le futur on pourrait faire autre chose, d’autres tournées, d’autres albums. Mais on a tous des projets, et il y a un détail, on n’a jamais tourné ensemble. Et c’est une expérience particulière. Du coup il faut toujours attendre de voir ce que ça fait d’être les cinq dans un camion et voir comment tout le monde s’entend vraiment.
L. Et aussi parce que chaque étape de Pain Magazine n’était pas prévue, ce n’était pas l’objectif de créer un groupe. L’objectif c’était de faire une collaboration et peut-être une chanson. Maintenant le but pour moi c’est de garder cette attitude de « tout est un cadeau ». On va rester dans le présent avec ce projet, vivre dans le moment ce que l’on va faire avec la tournée et après essayer de garder l’attitude sans attentes particulières.

Cela ramène à la question de savoir comment d’une simple collab’ vous avez eu envie de faire un album complet ?
Q. Je pense que c’est quand on a réalisé après la première session de cinq jours, qu’on avait cinq morceaux. On s’est dit, c’est trop bête ça trace, on ne va pas s’arrêter là.
L. Cinq bons morceaux. Ce n’était pas juste un morceau hummm (n.d.l.r. elle fait une moue dans le style pas top). Et pourquoi arrêter.
Q. On l’a fait à la Joris, pour le coup. C’est lui qui a dû dire « Ben on recale une session, et on fait un album ».
L. En fait c’est difficile de parler de ce projet sans de parler du travail de Joris. Même s’il ne peut pas faire les interviews parce qu’il est toujours occupé, il est à la base du groupe parce qu’il nous a suggéré que l’on pouvait faire quelque chose ensemble. Il produit l’album, donne beaucoup de temps pour faire que le live marche de manière professionnelle. C’est vraiment grâce à lui que nous sommes là.
B. C’est vraiment la « Joris énergie ». (N.d.l.r. : Il prend une voix un peu grave) « Attend on a cinq morceaux, on va en faire six autres » (tout le monde rit). Du coup c’est vrai que c’est quelqu’un qui amène l’énergie globale, il s’est beaucoup investi, rien que dans la technique. Son énergie déborde sur tout le monde et on est tous en mode, « allez vas-y on le fait » et après on se rend compte que ça va beaucoup plus loin que ce que l’on s’était dit à la base. Et c’est tant mieux.
En concert le samedi 13 décembre à Fri-Son, Fribourg.








