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Dans un coin de Marseille, sur une toute petite place, une salle explosive vous propose bières et live. Hazem, le patron du Molotov, nous ouvre sa cuisine pour une interview très odorante.

Daily Rock France : Hazem parle nous de toi, qui es-tu et comment en es-tu venu au Molotov ?

Je m’appelle donc Hazem, j’ai fait des études en économie. J’ai travaillé dans le monde du travail classique, ça m’a vite gonflé et vu que j’étais un super fan de musique, que j’organisais des concerts depuis 2002 en travaillant dans des salles, dans des festivals pour essayer de faire bouger un peu les choses, je me suis dit que j’allais faire de ma passion, mon travail.
Ma première étape a donc été d’être bénévole dans pas mal d’asso, ce qui d’ailleurs m’a permis de voir que sur Marseille, il y avait un gros manque de concerts et qu’il fallait créer une dynamique. J’ai donc filé un coup de main au Black Hand qui était un lieu qui produisait des concerts Métal et lorsqu’ils ont rencontré des difficultés et qu’ils allaient fermer, j’ai proposé de le reprendre. C’est là où Poly a été super sympa car il a facilité les démarches administratives et ça m’a permis d’avoir ma première salle, le O Bundie’s. Venant du Punk Hardcore, en trois ans, j’ai programmé six concerts par mois de ce style en essayant de faire plaisir aux gens et de me faire plaisir.

Daily Rock France : Le Molotov ouvre ses portes y’a deux ans, est-ce que ce n’est pas dur tout de même d’ouvrir son bar sur les cendres d’un lieu mythique tel que le Balthazar ?

Tout le monde me parle de ça. Moi, je l’ai bien connu le Balthazar. C’est là que j’ai vécu ma première relation amoureuse sérieuse, c’est là que j’ai eu mon premier oeil au beurre noir et j’ai encore beaucoup d’autres souvenirs là-bas. C’est donc un lieu qui pour moi représentait quelque chose, ce n’était pas anodin. Après, c’est pour ça aussi que ça faisait mal au coeur que ce soit fermé. Mon objectif a donc été de remettre de l’ambiance comme à la grande époque et refaire vivre le lieu. Faut pas oublier qu’on est au Cours Julien, c’est un public différent qui s’emmerde pas à aller dans des boites de nuit écouter de la musique commerciale. Y’a je pense une place à Marseille pour la culture alternative qui ne demande qu’à être exploitée et à se développer. C’est toutes ces petites choses là qui m’ont donné envie de réouvrir le Balthazar.

Daily Rock France : Tu disais que tu n’en étais pas à ta première salle de concert. Pourquoi avoir arrêter le O Bundie’s et qu’est ce qui t’a poussé à poursuivre l’aventure au Molotov ?

Le O Bundie’s, c’était une salle associative et un local et il ne s’est pas arrêté. Quand on a eu l’opportunité d’entrer dans le lieu actuel, ce qui est un gros coup de chance d’ailleurs, on a contacté des financeurs. Par miracle, on a eu le soutien de notre banque et on a aussi eu pas mal de soutien d’organisateurs de concerts. On ne l’a pas fait tout seul.

Daily Rock France : Parle nous un peu de la philosophie du Molotov car il n’y a pas que des concerts qui sont proposés au public.

Quand on a monté le projet, on a décidé de refaire ce qu’on avait fait avec la scène Punk Hardcore pour toutes les scènes. De la même manière que le O Bundie’s était là car il n’y avait pas de Punk Hardcore à Marseille. Le Molotov, il est là car dans tout style de musique confondu, concernant le live, quelque soit le style, tu trouves très peu de lieu pour pouvoir jouer dans de réelles conditions. Notre idée était donc d’aider les groupes peu connus à jouer dans une salle, dans de vraies conditions et en même temps, de permettre au public marseillais de découvrir des groupes qui ne sont pas forcément super connus. Mais aussi de faire jouer des têtes d’affiches.
Après, on est à l’image de notre quartier et de Marseille. On est ouvert, on est multiculturel, on fait des soirées de soutien pour les salles qui galèrent, on fait des soirées de soutien pour les usines qui galèrent comme les FRALIBE ou LES MOULINS MOREL, on fait des soirées de soutien pour le Secours Populaire ou Handicap International . Le Molotov n’est pas là pour forcer le trait sur un côté, on est là pour montrer qu’à travers les valeurs comme la tolérance, le partage, on peut pousser à une découverte mutuelle et apprendre des uns et des autres en s’amusant. Moi, une fierté c’est quand je fais une soirée Punk Hardcore et qu’il y a des vieilles mamies du quartier qui viennent et qu‘elles rigolent beaucoup. J’ai un pote, par exemple, tatoué sur la moitié du visage qui est venu à une soirée, quand il est rentré, il a presque fait peur au public mais à la fin de la soirée, il essayait d’apprendre les pas de danse. Je ne pense pas que ça se serait produit dans d’autres conditions. Ca oblige les gens à découvrir, à s’ouvrir, à regarder ce qu’il se passe autour d’eux, ce qui est essentiel et important sinon ça devient un truc consanguin et ça n‘a pas de sens.

Daily Rock France : Comment fais-tu pour organiser ta programmation musicale ? Comment la sélectionnes-tu ? Qui on ne verra jamais ?…

Tu ne verras jamais du David Guetta, tu n‘auras jamais de Hip Hop  » Je nique ta mère machin », tu ne verras jamais des groupes de NSBM ou Métal nazi et j’espère que tu verras plein de groupes talentueux et dans plein de styles différents. Du moment qu’ils sont dans un bon délire et que leur musique est intéresante, nous on les fait jouer. Après, on est plus porté sur le live, tu verras donc plus de groupes de live que de l’électro ou de la Techno. Je considère que ces musiques là ont déjà assez de lieux de production pour pouvoir proposer autre chose. On me pose souvent la question pourquoi on en organise pas souvent…l’ensemble des bars en produisent déjà. Je préfère faire un concert de Blues qui ramènera moins de monde mais qui permettra a des musiciens de se produire et de se faire plaisir, que se faire plus d’argent avec DJ mes couilles qui appuie sur trois boutons.

Daily Rock France : Tu loues ta salle ou tu es l’unique programmateur ?

Je suis presque l’unique programmateur. Après, on fait confiance à trois ou quatres associations qui eux programment chez nous. Tout ce qui est reggae, musiques du monde, c’est l’asso Backdoor.  Tout ce qui est Hip Hop, l’asso Newcastel. Dans le Métal, on a beaucoup travaillé avec Jungle Boogie, et dans le Hardcore, c’est les assos Chavana et Brutal Youth. Et ça fait un bon truc car on est tous sur la même longueur d’onde et en plus, on aime tous le même son.

Daily Rock France : Est-ce que tu trouves qu’organiser des lives devient de plus en plus compliquer ?

Carrément ouais. On en parlait avec un pote aujourd’hui. Il organise des concerts depuis 25 ans et moi depuis 15. Il disait qu’il avait eu un plan pour un DJ qui ramène 1000 personnes et qui lui coûte 1000 euros. Tandis que nous il va nous coûter certaines sommes, mais on est pas sûr de rentrer dans les frais. Le problème majeur, c’est que les jeunes de maintenant, ils écoutent de la musique devant leurs ordis, ils ne sortent plus, il ne savent même pas que les salles existent. Je trouve qu’il y a de moins en moins de musiciens. Moi ma génération, on était tous bassiste ou autre dans des groupes. Aujourd’hui, c’est des mecs chez eux, qui font parfois de bonnes choses, mais y’a pas l’esprit collectif, le partage. Du coup, y’a aussi de moins en moins de groupe. Tiens quel est le groupe qui t’a marqué dernièrement ? Je parle d’un nouveau groupe pas d’un vieux groupe. Moi, le dernier qui m’a claqué, ça date d‘il y a minimum 10 ans. Coté Punk Métal Hardcore, y’a pas énormément de trucs.

Daily Rock France : Get the shot, ils ont bien envoyé et y’a eu aussi chez toi Dance Laury Dance.

Tu remarqueras quand même que les deux groupes que tu me cites sont canadiens et là bas, il y a une bonne scène. Niveau groupe marseillais, y’a pas beaucoup de nouveauté.

Daily Rock France : Marseille a été élue Capitale Européenne de la Culture en 2013; quelle vison de la culture marseillaise as-tu ? Est-ce que la municipalité donne les moyens à des petites structures comme la tienne d’exister ?

Nous, on vient du milieu Punk Hardcore, on a une philosophie du » Do It Yourself », on vient de la rue. N’ayons pas peur des mots: toute notre vie, on n’a pas eu de subvention et on ne dépend d’aucune structure. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on va commencer. Ce n’est pas une critique, c’est juste notre façon de faire. Concernant MP 2013, notre politique a été de faire les choses comme on voulait. On a produit pas mal de spectacles et ça a bien marché, même si on n‘était pas labellisé. La ville, je ne sais pas si elle aide .

Daily Rock France : Tu disais que ça faisait 15 ans que tu organisais des lives, comment tu as vu évoluer le Métal à Marseille ?

Le métal est en régression. Avant, y’avait Le Balck Hand, le Local (NB: oh putain de merde) désolé pour la mauvaise nouvelle.

Daily Rock France : Point de vue de la culture en général à Marseille?

C’est mort!!

Daily Rock France : En 2015, tu nous as concocté quoi ? Si tu avais quelques soirées à nous conseiller ?

Skeletal remains Bientôt, Peter Pan Speed Rock, Snot , Lords Of The Altamont, The Riot, je vais en avoir plein.

Daily Rock France : Qu’est ce qui te fait peur pour l’avenir ?

Ce qui ne me fait pas peur mais qui me fait chier, c’est que l’on n‘est pas des pros. On fait ça pour le plaisir même si on essaie d’en vivre difficilement. Ce qui m’emmerde, c’est que quand des professionnels le font, vu qu’ils ont de gros réseaux de communication, ça marche dix fois plus. On se casse le cul a faire découvrir des groupes aux gens et vu que ce n’est pas relayé dans les médias classique, on fait beaucoup moins de monde.

Daily Rock France : Un dernier mot à dire pour les lecteurs.

Faut aller aux concerts, faut soutenir la scène, faut se faire plaisir, ça sert à rien d’être calé et de connaître tous les groupes du monde si tu ne partages ça avec personne.

Merci à Hazem et son coloc pour l’accueil, retrouvez toutes les infos du Molotov sur le Facebook de la salle ou leur site internet et en début de mois sur Daily Rock France.

www.lemolotov.com/

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