Ça prend un moment pour tout digérer; quelques semaines et une quarantaine d’écoutes. Le nouvel album des Hôtesses d’Hilaire n’est pas à prendre à la légère. Viens avec moi est à la fois complexe et rafraîchissant, inquiétant et ludique. L’on ne sait plus si la folie de gamin de Serge Bribeau devrait continuer à nous faire rire ou plutôt commencer à nous inquiéter. Un sourire en pleurant pour le clown en robe qui se verse une bière sur la tête.

C’est sous la forme d’un opéra-rock que les thématiques des albums précédents reviennent frapper l’auditeur. Il est beaucoup question ici du malaise face au succès naissant d’un groupe issu de l’underground qui craint de perdre le bateau au large, trop loin trop vite. Sous le couvert de l’ironie et de l’humour, on pose de vraies questions lourdes de sens concernant les limites du succès. On pousse même l’audace jusqu’à y présenter des extraits de mauvaises critiques que le groupe a reçues au fil des ans. Ça prend beaucoup d’autodérision pour ajouter sur ton album des journalistes qui se plaisent à vomir sur toi. Lucien Francoeur, en coach de vie ou prophète de malheur, nous assure de vive voix que tout ça ne date pas non plus d’hier. Et en attendant de dénicher une réponse à toutes nos questions, faudrait bien faire réparer le bus de tournée «qui manque aux 5000 kilomètres» et dans lequel on a investi tous nos paniers d’œufs.

La plupart des comparaisons tiennent toujours la route; The Doors, surtout l’époque Blues de L.A. Woman en 71, mais les Hôtesses se sont ressourcés dans les années 80 pour renouveler leur son. La proposition globale est très funky et volontairement kitsch. C’est encore de la musique de hippies, mais on se rapproche beaucoup plus d’Offenbach que d’Harmonium.

La voix de Bribeau est surprenante. Certaines pièces ou interludes laissent entendre le chanteur acadien complètement dénudé et infiniment seul avec lui-même. Viens avec moi s’écoute comme on lit un roman qu’on a déjà lu mille fois. Un album parfait rempli de défauts. Nos défauts.

Meilleures pièces

Fuck shit up

All in the bus

Smell the money baby

9.8 sur 10.

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