Touché par la détresse ambiante mais aussi par la manière de vivre au Niger, Sylvain Esti, responsable RH à Médecin Sans Frontières, s’accorde la grâce d’une chanson avec le titre  »Magaria ». Il en sort un bel alliage entre passion et partage, difficultés et découvertes. Un souffle d’espérance qui repousse les limites de notre champ de vision et incite à voir plus loin, autrement.

Tu as officié comme responsable de la partie RH et Finance du projet de Magaria situé au Sud du Niger. Concrètement, en quoi consiste une telle fonction ?

Pour ce qui est de la finance, on est surtout en charge du respect du budget du projet. On valide les différentes dépenses et on remonte les besoins au niveau de la coordination qui fera remonter au siège. Pour la partie RH, nous sommes responsables d’assurer que les procédures soient respectées. Il en va dans certains cas de l’exposition et de l’acceptation de nos activités sur le terrain (ne pas favoriser une catégorie de personnes lors des recrutements par exemple)

Nous sommes également en charge de déceler les besoins de formation et de trouver les éventuelles solutions pour améliorer les compétences. Nous sommes également en lien avec les représentants du personnel afin de développer un environnement de travail sain. 

Très concrètement tout cela se traduit par des tâches comme le paiement des salaires, préparer les paiements des fournisseurs, valider les besoins d’achat futurs, organiser les recrutements, accueil des collaborateurs, etc.

Quelles sont les difficultés majeures auxquelles tu as été confronté sur le terrain ?

Une particularité sur laquelle il faut se concentrer, c’est l’environnement culturel, pour le comprendre et ne pas imposer sa façon de voir les choses. C’est primordial si on veut pouvoir avancer en équipe sur la mission qui nous est confiée. Plus concrètement, le recrutement a été un de mes principaux défis durant ma mission au Niger. Il manquait toujours du monde, tant la demande augmentait sans fin. Il a fallu trouver de meilleures méthodes de recrutement pour aller plus vite sans perdre en qualité. Nous avons dû aller plus loin pour recruter en dehors des zones habituelles. Pour ce faire, nous avons identifié des relais locaux qui ont pu avancer les procédures depuis les endroits plus éloignés avant que nous arrivions pour la phase de recrutement proprement dite. Tout cela a demandé une coordination absolue entre les différentes équipes. 

C’est dans ce climat extrême entre maladies et intempéries que surgit la musique. Parle-nous de cette rencontre.

La musique est omniprésente puisque depuis des années, Marguiss joue avec son groupe à l’intérieur de l’enceinte de l’unité pédiatrique. Cela permet de s’évader le temps d’un concert et de retrouver un moment de partage et de joie pour les patients, les mamans et le personnel de l’hôpital. De plus, il a composé des textes qui transmettent des messages de santé publique et que tout le monde chante en chœur. Marguiss est l’un des piliers de la promotion de la santé dans l’hôpital qui permet de décroître la probabilité de retours des patients déjà traités dans notre unité pédiatrique.

C’est donc assez naturellement que nous avons parlé musique ensemble. Au détour d’une conversation, Marguiss m’a proposé d’aller m’acheter une guitare au Nigeria. C’est comme cela que j’ai pu composer ma chanson et faire mes concerts.

La composition de  »Magaria » s’est faite dans l’évidence ou tu as au contraire dû chercher plusieurs pistes avant d’être vraiment satisfait ?

Le texte était relativement évident. Après plusieurs mois passés dans cet environnement, j’avais de la matière pour raconter tant de choses !

C’est vrai que le thème était si lourd que mon réflexe a été initialement d’en faire une version très mélancolique et triste. C’est d’ailleurs comme cela que je l’ai composé.

Ensuite après avoir vu tout un tas de concerts de Marguiss, je me suis dit que la musique triste ne représentait pas l’univers musical que je fréquentais ici au Niger. C’est donc en arrivant en studio que j’ai demandé à Joe Baamil de m’aider à rendre le titre plus dansant et c’est avec lui que nous avons réalisé les deux versions que l’on trouve sur le disque.

Comment ont été accueillis tes concerts en hôpital ?

C’était assez fou parce que je me suis dit que personne ne serait intéressé étant donné que je chante en anglais et que la plupart des mamans ne parlent que le Haoussa. Finalement, il y avait tellement de monde qu’il fallait trouver des lieux adaptés pour accueillir tout le monde. Les mamans étaient très contentes d’entendre un autre style de musique et elles ne voulaient pas que j’arrête, c’était vraiment impressionnant. Je jouais debout sur la plus grande aire de l’unité pédiatrique entouré par le public et ça a donné des moments très intimes et privilégiés.

Comment et pourquoi est venue l’idée du clip ?

L’idée du clip est venue suite à une discussion avec Laurence Hoenig qui est responsable de la communication chez Médecin Sans Frontières et qui me proposa assez naturellement les images qu’elle avait tournées lorsque nous étions ensemble sur place. Suite à cela, j’ai décidé de faire de la sortie de ce clip un évènement lié à MSF et c’est pourquoi j’ai lancé cette campagne de dons. J’ai donc contacté mon ami Boris Weber qui a gentiment accepté de tourner le clip et je suis resté en contact étroit avec l’équipe de Laurence afin d’effectuer cette belle sortie de clip ensemble.

Si tu devais choisir deux évènements marquants vécus au Niger, quels seraient-ils ?

L’arrivée de l’équipe d’urgence sur le terrain et ma visite des aires de santé externes. 

Nous étions tellement débordés par l’arrivée massive de nouveaux patients que nous avons dû faire appel à l’équipe d’urgence. J’ai tellement appris sur mon métier grâce à cette équipe car ils sont très bien préparés à la gestion de crise. Ils savent aussi qu’il faut être en mesure de se reposer pour gagner en efficacité. Ils m’ont appris la créativité et la réactivité dans des moments de stress intense. Lors de cette intervention, j’ai dû rendre visite aux centres externes de santé qui nous servent de base locale pour reporter les patients sur l’unité pédiatrique. Voir les villages reculés et me rendre compte des conditions sanitaires globales dans ces zones était pour moi un moment fort. Les personnes travaillant dans ces centres doivent simplement tout faire avec rien et sont réellement dévouées à leurs tâches.

Que tires-tu de ce que cette expérience ?

C’est une évidence qu’il y a pour moi un avant et un après Magaria. La rencontre d’une telle détresse généralisée ne peut pas laisser indifférent. La vie vaut la peine d’être vécue. Le bonheur ne se trouve pas dans les moyens mais bel et bien dans la santé et dans les moments privilégiés que nous pouvons partager avec ceux qu’on aime. Le monde est pluriel et nous avons tellement tous à y gagner à créer des ponts pour connaître et apprendre de l’autre. La complexité des opinions et des situations culturelles ne doit pas nous décourager de tendre la main et de s’arrêter pour découvrir un univers qui nous est inconnu.

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