© Flavia Viscardi
© Flavia Viscardi

Après les avoir vus il y a 20 ans à l’Usine avec en première partie le célèbre épisode du burger/Château Margaux dans un parc, je retrouve No One Is Innocent ! Le Vernier Sur Rock, redevenu le temps d’une soirée ce qu’il a été, un excellent festival de rock (oui, souvenez vous !) accueillait en ce froid automne les bien-aimées énervées Chikitas, les excentriquement touchants Slow Joe and the Ginger Accident, l’enjouée Mademoiselle K, les rétrofuturistes funk Lady Bazaar et comme je vous l’annonçais en préambule les seigneurs de la fusion rock engagée, No One Is Innocent !


Cet Eté est sorti votre excellent dernier album ‘Propaganda’ et a très bien été accueilli. Peux-tu nous parler un peu de la genèse de celui-ci ?
Au début, on a travaillé comme d’habitude, avec des boucles de batterie puis un peu de basse, quelques lignes de guitare et on s’est aperçu que la mayonnaise ne prenait pas, trop rigide. Et on a lâché tout ça et comme vingt ans auparavant, on s’est enfermé dans notre local à bosser et bosser nos riffs de guitare, ce qui a donné un album plus instinctif, plus animal. Notamment favorisé par la production de Fred Duquesne notre réalisateur (Mass Hysteria, Watcha.)

Vous aviez déjà un gros matériau de base, mais l’album et la chanson ‘Charlie’ surtout se sont-ils terminés un peu dans l’urgence à cause des événements de Charlie Hebdo et qu’il y avait un propos à défendre ensuite ?
Dans l’urgence ? Non, on avait déjà l’instru en chantier qu’on n’arrivait pas à la finir. Et au mois de février, on s’est dit, on est No One on doit écrire là-dessus. Il fallait que nos textes soient à la hauteur. On avait tous entendu de la guimauve sur le propos par d’autres artistes et connaissant les gars, on se disait que Charb, Tignous et les autres de là-haut aimeraient plutôt entendre un truc rageur. Comme tu le sais, on n’est pas des nouveaux-nés, on sait que dans six mois on oubliera mais les mecs dans la rue, ils étaient là pour soutenir Charlie et la liberté d’expression. On a tellement besoin de dérision, de rire. Après, ‘l’esprit du 11 janvier’, c’est n’importe quoi. Notre position, c’est de parler de ce qui nous entoure. Notre groupe, c’est notre chance, il nous permet de nous exprimer et de dire des choses. Un mec qui bosse dans une boulangerie et qui a été choqué par ce qui s’est passé, il va faire quoi ? Des croissants ‘Charlie’ pendant 4 ans ? Tu peux pas reprocher aux gens qui sont descendus dans la rue de ne pas vraiment pouvoir perpétuer un message. Et tu peux pas le leur reprocher.
Nous on a le plus beau métier du monde, on bosse hein, mais notre rôle c’est de faire de bonnes chansons et nous c’est royal au bar, on a la possibilité de s’exprimer, on a un groupe qui est connu, pour nous c’est plus facile que le mec qui bosse chez
Renault. Donc à un moment donné, il faut être concret, terre à terre, même si ces événements sont des jalons.

Comment s’était passée la collaboration sur l’album ‘Utopia’ avec ce très grand auteur, quoi qu’un peu différent Maurice G. Dantec ?
Quand tu lis les ‘Racines du mal’, c’est un flash. C’est un auteur d’anticipation incroyable, un mec hyper punk dans sa tête avec une culture musicale super intéressante. Et on était au moment où on fait un album qui correspond exactement à l’idée de rendre ce mec-là, acteur de nos morceaux. Mais on ne l’aurait jamais invité sur 15 ans plus tard sur ‘Propaganda’, malheureusement il est devenu un peu limite et devrait prendre un peu plus soin de lui. Il reste néanmoins un auteur génial.

Et John Lydon, il vous déteste toujours autant ?
(Rires) On avait fait un festival avec les Sex Pistols il y a quelques années, mais eux c’était revenir pour payer leurs impôts. Et puis le mec, énième provoc pistolienne à la con, est sorti nous insulter à cause de leur chanson ‘No One Is Innocent’. On s’est bien avoiné, moi en français, lui en anglais, mais c’était du show, le mec n’est pas si imbuvable.


De plus en plus dur d’être citoyen conscient en France, en Europe et de ne pas se sentir représenté ?
C’est clair que c’est dur, on se demande toujours quand un jour on va changer de politique étrangère et dire qu’on a fait des conneries ? Les gouvernants très monarchiques n’ont pas de solutions médiatiques et réfléchies et leur seule solution c’est d’envoyer des Mirages bombarder des mecs pour entretenir la peur là-bas et ici.
En tant que citoyen, on se pose la question de qui peut bien représenter nos idées et nos idéaux. On revient un peu aux intellectuels,
Michel Onfray est quelqu’un de respectable.
En plus c’est de moins en moins populaire de s’impliquer, que ce soit par le biais du théâtre, du cinéma ou de la musique. Heureusement qu’il y a encore des groupes voisins comme
Lofofora ou Tagada Jones, par exemple.

Est-ce que le rock avec son côté contestataire ne devient-il pas une petite niche pour des gens plus éveillés ?
Le problème, c’est que c’est cyclique. Quand on a commencé dans les années 90, il y avait des moteurs, il y avait Rage Against The Machine, Nirvana, plein d’autres et ils ont généré des choses partout, dans tous les pays. Aujourd’hui, elle est où la relève, les moteurs, des mecs qui font de la bonne musique et qui disent en plus des trucs intelligents ?
Puis vinrent ensuite les années 2000 et l’électro que j’adore, mais c’est un autre message.
Et depuis 2010, ils sont où les
Radiohead et les autres qui avaient un truc à dire déjà avec leur musique, maintenant c’est juste de la variety pop toute minable qui prend les media. Nous on n’est pas invité dans les media, on est des ovnis, on ne l’était pas dans les années 90. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir notre public, de partir en tournée pendant 4 mois à travers l’Europe, de donner des interviews. Et puis ça rappelle les années difficiles des années 80 où le rock était très plan plan avant la Mano Negra, les Bérus. C’est ce qui fait la résistance.

Cette résistance était peut-être plus organisée car plus consciente, avec une cohésion plus importante ?
C’est vrai, on devrait arriver à plus se fédérer, mais c’est pas facile. Il y a un côté très individualiste, très frileux. Mais il faut continuer à en parler. On monte des projets comme ‘Vote on the rocks’ pour inciter les gens à aller voter, gros taff mais on l’a fait. Des groupes très importants maintenant comme Shaka Ponk peuvent utiliser leur notoriété pour faire bouger un peu les lignes. Ce serait donc bien de le faire. Nous on peut être la locomotive dans l’idée mais notre notoriété reste dans la marge. A la fois il faut des artistes mais aussi des organisateurs qui ont une conscience politique.

Il y a quelques années les mecs de Ministry qui ont aussi une conscience politique et dont on peut retrouver quelques influences sonores sur sur ‘Utopia’ me demandaient pourquoi on n’aimait pas le groupe Kiss en Europe. Une idée ?
En Europe le côté grand-guignol, donc Kiss prend moins, on a besoin d’authenticité.
Ministry en revanche, c’est un groupe fabuleux, surtout si Al Jourgensen est de bonne humeur et a envie de jouer. « On est des poussières dans le cosmos », c’était ce que j’avais pensé en les voyant. J’avais passé un moment avec lui dans sa loge, champagne et le mec me racontait plein d’anecdotes pas toujours « soyeuses ». C’était surréaliste mais le mec était d’une belle générosité humaine. Je les préfère de loin à Nine Inch Nails qui est peut-être un peu trop lyrique.

Oui mais tu aimes bien aussi les trucs calmes, par exemple votre chanson ‘No one hears you anymore’, l’une de vos plus belles chanson ou ton album solo le très ambiant ‘Prénom Betty’ ?
Oui une pure chanson guitare, merci beaucoup. Pour l’album solo, pas dans l’immédiat là, on défend ‘Propaganda’, mais c’est sûrement un rêve pour plus tard, faire un ‘American IV’ à la Johnny Cash mais en français.

[Fredereic Saenger]

http://www.nooneisinnocent.net

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