Depuis un funeste mois de juillet, et le décès de son fils Arthur, voici près de six ans que la vie et l’œuvre de Nick Cave avaient pris une teinte franchement sombre, semblant évoluer dans un monde ralenti, avec un horizon nimbé de brumes. De cette période sont nés deux albums avec les Bad Seeds à ses côtés, admirables, bien que marqués intensément. Mais on avait aussi découvert un artiste désormais en quête de rencontre, d’ouverture avec ses fans. L’arrivée en trombe d’une pandémie aussi isolationniste qu’elle peut être castratrice, semblait vouloir couper ce nouvel élan. Pourtant, l’été dernier la performance live de Cave seul au milieu d’une scène immense, captée à l’Alexandra Palace de Londres (‘Idiot Prayer’), avait ouvert une brèche. Derrière les traits tristes, la nudité du piano et une mélancolie bouleversante, une part de brillance était bien là, en expansion, au cœur de l’être. Acte deux, c’est finalement ce satané lockdown et Warren Ellis, son alter-ego de toutes les sorcelleries créatives, qui vont faire le reste. En huit titres écrits en à peine quelques semaines, une force renouvelée se dévoile, incarnée par une voix qui a retrouvé intensité et dynamisme. Osant passer au-delà du Nick Cave qu’il était avant et dont il a compris qu’il ne reviendra pas (‘Old Time’), malgré un moral toujours détrempé, malgré un deuil sans fin, il poursuit sa quête de réponses, quelque part entre un royaume céleste (‘Hand of God’) et une société en lambeau, mais en qui il a confiance pour renaître plus forte après la pandémie (‘Albuquerque’). Portés par une instrumentation à quatre mains tournant autour des cordes d’Ellis et du piano de Cave, ce chemin musical reflète l’artiste tel qu’il se sent aujourd’hui, plus calme, bien qu’encore souvent en bataille avec des forces intérieures bruyantes et agitées. Des forces qui lui permettent d’épingler au passage le suprémacisme, à grand coup de basse électronique vénéneuse et de violons tendus, confirmant-là qu’il n’a rien perdu de sa finesse de chroniqueur des temps modernes. Si finalement, avec une seconde partie d’album bien plus retenue, on peut avoir l’impression que rien n’est gagné et que la mélancolie va encore une fois l’emporter, gageons que ce chemin emprunté continue à conduire vers encore plus de lumière et d’énergie, et que Nick Cave ait envie de le suivre.

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Note: 4/5