Dimanche, 1er décembre, dans l’obscurité la plus complète, Mark Lanegan et son groupe s’installent sur la scène des Docks qu’ils connaissent bien (de mémoire, cela doit bien être son troisième concert dans la salle lausannoise). En fait, il fait tellement sombre qu’il faut attendre qu’il commence à chanter pour être sûr que c’est bien lui. On devine qu’il a, comme à son habitude, posé sa main gauche sur son pied de micro et on écoute religieusement à défaut de regarder.

Dans le noir, son groupe se met en place pour débuter le concert avec un nouveau titre « Disbelief Suspension » tiré de « Somebody’s Knocking » son nouvel album qui sera évidemment le sujet principal de la soirée.

Comme la lumière ne s’est jamais allumée, autant vous dire que mes photos de la soirée ne vont pas remporter de prix, ou alors tout au plus dans la catégorie « 50 nuances de noir ». Pas grave, l’essentiel c’est bien évidemment cette voix incroyable qui vous donne des frissons. Difficile de dire ce qui la différencie tellement des autres. Certes elle est magnifiquement basse et éraillée par une vie disons dissolue, mais surtout elle a ce petit grain qui la rend unique.

Ce soir, le gaillard a l’air en forme et sa voix ne semble pas trop émoussée par une tournée européenne qui a déjà une trentaine de dates au compteur. Le groupe enchaîne les titres dont le très bon ‘Hit The City‘ avant le single « Stich It Up » sur lequel j’accroche moins. A mon goût ‘Somebody’s Knocking’ n’est pas le meilleur disque qu’il ait fait (à ce sujet, y’a pas matière à disserter, c’est ‘Blues Funeral’), mais je suis prêt à reconsidérer un peu mon classement après avoir entendu ‘Nightflight to Kabul’. Pendant une courte durée seulement car ‘Bleeding Muddy Waters’ vient me rappeler droit derrière que ‘Blues Funeral‘ reste son chef d’œuvre. Le meilleur moment du concert commence justement avec ce titre qui sera suivi par ‘Deepest Shade’ puis ‘Ode To Sad Disco‘. Là tu as déjà gagné ta soirée et le reste n’est plus que du bonus.

Ce qui est sympa c’est que l’on a droit à la présentation du groupe au complet en milieu de set. Et si la voix de Mark Lanegan est bien évidemment son atout principal, que dire de son guitariste Jeff Fielder. La maîtrise de ce gars est phénoménale. Il y a trois ans, il avait accompagné seul Mark Lanegan à la guitare pour deux soirs aux Caves à Martigny et il avait scotché tout le monde. Mark Lanegan n’oubliera pas non plus de dire qu’il était honoré que les Membranes ouvrent la soirée (dont une partie a regardé son concert depuis la salle).

Le set se termine avec le très moyen ‘Dark Diso Jag’ (décidément le disco c’est un thème qui le travaille) puis ‘Death Trip To Tulsa’ pendant lequel Mark s’eclipse alors que son groupe termine la chanson.

Pour le rappel demandé avec insistance par un parterre comble, ce sont d’abord Mark et Jeff pour une version à deux de ‘Bombed’ inattendue et appréciée, mais aussi courte que sur l’album. Les choses sérieuses repartent de plus belle avec ‘Harborview Hospital’ (mais allez acheter ‘Blues Funeral’ si ce n’est pas déjà fait) et enfin ‘The Killing Season’.

Après le concert, comme à son d’habitude depuis de nombreuses années, Mark Lanegan vient à la rencontre de ses fans au stand du merchandising, ce qui est vraiment sympa à l’heure des meet & greet payants.

Quelques mots sur la première partie de cette tournée européenne qui a été confiée à The Membranes, groupe anglais de la première vague postpunk qui a survécu jusque-là après une longue pause. J’étais content d’enfin les voir depuis le temps que l’on m’en parle. J’ai pu constater que leur chanteur bassiste John Robb avait une présence scénique à la hauteur de sa légende. Très à l’aise sur scène, il parle au public, serre des mains, interpelle les gens comme un vrai pro et terminera le concert en vendant ses cds de la main à la main depuis le bord de la scène. Musicalement, c’était pêchu et le public a bien aimé. Personnellement, je m’attendais à un peu mieux et il a fallu attendre la fin des 45 minutes allouées pour que cela décolle vraiment. A revoir en tête d’affiche pour mieux apprécier. Egalement journaliste, John Robb reste une attraction à lui seul. Loin des clichés du punk, le gars est brillant et je vous invite à aller voir ses conférences TED où il s’exprime sans notes mieux que n’importe quel politicien.