Amorphis a trouvé son rythme de croisière avec un album environ tous les deux ou trois ans. Si stabilité pourrait rimer avec ennui, c’est sans compter sur le talent du sextet finlandais pour se réinventer. Du death en passant par le heavy mélodique et symphonique, on revient à l’occasion de la sortie de Queen of Time sur la carrière d’Amorphis en compagnie de l’un de ses guitaristes,Tomi Koivusaari.


À la veille de la sortie de votre 13ème album, comment te sens-tu ?
[Tomi Koivusaari, guitariste :] En fait, pour le moment je n’ai lu aucune chronique encore, seulement à propos de ʿThe Beeʾ et quelques réactions générales, mais pas de vraies chroniques. J’attends de le faire avec impatience. On dit toujours « c’est pas ce qui compte ! », mais en fait bien sûr que c’est important ce que d’autres personnes en pensent. D’abord, on fait ces albums pour nous, mais bien sûr on veut que ce soit satisfaisant pour nos fans aussi.

Amorphis roule sa bosse depuis presque 30 ans, quel regard portes-tu sur ta carrière de musicien ?
Je peux même plus imaginer ce que serait ma vie sans Amorphis aujourd’hui ! Quand nous avons commencé, nous étions très sous-estimés, alors on n’osait pas imaginer que ce serait notre profession et qu’on ferait ça pendant aussi longtemps, donc on est très chanceux et contents d’être là. C’est pas incroyable, mais on peut en vivre, donc on peut se concentrer à 100% dessus et c’est ce qui compte.

Votre son a beaucoup évolué, d’un death assez cru vers quelque chose aujourd’hui de beaucoup plus mélodique et heavy. Avec ʿQueen of Timeʾ, vous avez même ajouté des chœurs et des instruments à cordes. C’est une nouveauté qui va à mon sens dans la continuité de vos derniers opus. Est-ce que ça paraissait naturel à vos yeux d’aller dans cette direction ?
Oui, parce que ces chœurs et compagnie remplacent le piano qu’on avait déjà, mais Jens [Bogren, leur producteur] voulait que le son soit plus organique et qu’on remplace certains sons avec de vrais instruments. En ce sens, c’est plus naturel qu’avant. Mais la première fois qu’on a entendu les morceaux, on était surpris ! Pas choqués, mais… « what the fuck is this !? » [rire] Mais je pense que ça sonne bien et on peut toujours jouer ces morceaux live, sans avoir forcément besoin de guest, même si ce serait sympa de faire parfois des concerts avec tous les guests en même temps.

Comment est-ce que tu décrirais le son de cet album en comparaison à vos précédents opus ?
Je pense que c’est dans la continuité de ce qu’on a fait dernièrement. C’est la deuxième fois qu’on travaille avec Jens, donc on savait comment ça allait se passer, comment c’est de travailler avec lui, donc d’une certaine façon c’était plus simple, on connaissait mieux sa façon de faire. Il voulait que cet album soit comme Under the Red Cloud, mais plus ʿAmorphis sous stéroïdeʾ ! [rire] Je peux pas mieux décrire cet album.

Oui c’est ce que j’ai entendu et j’allais justement te demander si tu pouvais essayer d’expliciter sa phrase !
Je pense qu’il voulait dire qu’on peut tout faire encore mieux. Le jeu de guitare, les arrangements, les guests, la production… Comme si tout était un cran plus fort en fait. ʿTo elevenʾ ou quelque chose du genre ! [rire]

J’ai l’impression que le son de Queen of Time est plus profond, y a quelque chose de plus « bombastique » même, jusqu’à faire penser parfois à quelque chose de Nightwish. Est-ce que ça vous est venu à l’esprit ?
Nightwish sont des potes et on les connait depuis longtemps, j’aime leur musique, mais je le vois pas vraiment dans ce qu’on fait. Bien sûr, si y a des orchestres ou une ambiance un peu cinématographique dans la musique, elle risque d’avoir des ressemblances avec la musique de Nightwish, mais on n’y a pas pensé.

Donc c’est pas une direction dans laquelle vous avez envie d’aller ?
Non. Quand on a commencé à bosser sur les nouveaux morceaux, je pense qu’ils sonnaient pour nous comme du Amorphis pur jus, mais une nouvelle mouture. On se dirige pas vers du metal symphonique. C’est plus des éléments de fioritures dans notre musique.

Je peux pas m’empêcher de remarquer que c’est assez à la mode de jouer avec des orchestres. Est-ce que c’est quelque chose que vous considérez malgré tout avec Amorphis dans un avenir proche ?
C’est difficile à dire ! Je pense qu’après avoir bossé avec Jens… parce qu’avant on avait pas de producteur du tout, on faisait plus par nous-mêmes, donc maintenant avec Jens, comme il est plus strict à propos de tout, ça va pas être facile de travailler avec d’autres producteurs à l’avenir. Je pense qu’on va surtout essayer de faire encore plus fort, ou alors on sortira un album de punk rock, j’en sais rien ! [rire] Mais on n’y a pas encore pensé, on verra déjà après ces deux ans de tournée qui viennent.

Alors est-ce qu’il vous reste encore quelque chose à faire avec Amorphis ?
On essaie de faire tout ce qu’on veut. À un certain moment on avait un rêve, ou plutôt le goal de faire une tournée acoustique. On l’a fait et on en a enregistré une partie. Mais ce serait sympa de faire un album complètement acoustique un jour. Ce serait un ʿone shotʾ, je pense pas qu’on pourrait devenir un groupe acoustique ! Mais ce serait sympa d’essayer de nouvelles choses, plus de folk, mais on verra. Mais peut-être que ça n’arrivera jamais, parce qu’on est tout le temps tellement occupé !

Vous avez enregistré presque tout de suite après être rentrés de tournée, avec juste quelques jours de repos. Pourquoi cette précipitation ?
On tourne beaucoup, tout le temps. Quand on a quelques mois de pause, tout le monde en profite pour se reposer, reprendre des forces, même si on a l’habitude de tourner beaucoup et d’enregistrer des albums. Mais bien sûr on a besoin de deadlines, alors on réserve le studio en avance, même si on a répété aucune chanson. La dernière fois, on a réservé le studio bien plus d’un an en avance, je pense. On décide simplement qu’on aura les chansons prêtes le moment venu ! Cette fois-ci, on a aussi beaucoup tourné, on a eu un jour à la maison et on a commencé à bosser le nouveau matériel, mais c’est comme ça que ça se passe maintenant. Tu dois continuellement avancer si tu veux en vivre. Si on était Metallica, on se reposerait aussi peut-être pendant quatre ans avant de sortir quelque chose ! Mais nous on doit avancer tout le temps. Les albums vieillissent plus vite aussi je pense, donc tu dois en sortir plus régulièrement pour continuer à tourner.

Comment vous faites dans cette situation pour composer de nouveaux morceaux ?
On peut pas créer de nouveaux morceaux en tournée, mais entre les tournées on a quelques mois de libres, alors on travaille chacun sur ses idées dans nos home studios. À un certain moment, on les partage et on commence à travailler dessus. On a pas ce problème de pas trouver de chansons, c’est plutôt qu’on en a trop ! On doit laisser de côté quelque chose comme 15 chansons à chaque fois. Donc ça marche comme ça, mais en tournées, c’est impossible de penser à de nouveaux morceaux.

Depuis une dizaine d’années, le line-up d’Amorphis est plutôt stable. En 2017, Niclas Etelävuori a quitté le groupe, laissant la place au bassiste originel, Olli-Pekka Laine. Comment c’est de le retrouver ?
C’est génial, il n’a pas été dans le groupe pendant 17 ans, mais ça se ressent pas ! Dès la première répétition, ça été très naturel de jouer ensemble. Olli-Pekka et Nico sont les deux d’excellents musiciens, mais ils ont des styles très différents. Olli-Pekka joue plus de façon musicale, alors que Niclas est plus direct, donc c’est un changement qui a une influence sur les nouveaux morceaux. Mais c’est agréable d’avoir le line-up originel de retour à peu près, plus deux membres, ça paraît naturel ! On a essayé de penser à d’autres bassistes, mais on voulait pas de petits jeunes de 20 ans qui auraient juste voulu bosser sur un album d’Amorphis ! On voulait quelqu’un qui soit l’un des nôtres, alors c’était juste parfait. C’est génial qu’il ait été motivé à revenir.

Je risque d’être un peu chauvin, mais vous avez encore une fois collaboré avec Chrigel Glanzmann d’Eluveitie, comment ça s’est mis en place ?
Il jouait déjà dans Under the Red Cloud. En fait, on l’a rencontré qu’une fois je crois, on partageait l’affiche dans un festival, mais on se connaît pas vraiment. Une des choses que Jens voulait faire, c’était remplacer quelques éléments de piano avec de vrais instruments, comme la flûte. Jens a un bon contact avec Chrigel, donc il a pensé à lui et c’est excellent de l’avoir à nouveau dans Queen of Time. On serait heureux de l’avoir sur scène avec nous une fois, si on partage à nouveau une affiche !

Eluveitie est connu pour son travail sur la culture celtique, Amorphis pour le Kalevala. Est-ce que vous avez continué à pousser le concept dans Queen of Time ?
Le Kalevala, on en a parlé dans la plupart de nos albums, mais on a eu l’impression qu’on a plus ou moins utilisé ce qui pouvait être dit à propos du Kalevala, au moins les trucs les plus importants. Pekka [Kainulainen] à l’origine est notre parolier et il a souvent écrit pour nous des histoires actuelles, mais dans un style « Kalevala » et il continue à le faire. Je pense qu’on continue à évoluer dans un monde qui ressemble au Kalevala dans QoT, même si les histoires n’en sont pas directement tirées. QoT n’est pas un concept-album directement, y a pas qu’une histoire, mais y a un élément qui lie toutes les chansons quand même, mais… je suis pas la meilleure personne pour expliquer les paroles ! [rire] Même si je pouvais parfaitement les expliquer, je pense pas que c’est bon de trop le faire. Je pense que la meilleure chose, c’est que chacun ait ses propres réflexions par rapport aux paroles en lien avec sa vie. Particulièrement les paroles de Pekka, qui sont faciles à s’approprier.

Ok alors on va terminer en se disant qu’il faut écouter l’album, c’est l’essentiel !
Oui c’est ça ! [rire] J’espère vous voir tous en tournée ! 

amorphis.net/

FICHE CD :

Nom de l’album ‘Queen of Time’
Label : Nuclear Blast
Note : 4/5

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