Un jeudi soir, banal. Je rentre du travail quand une affiche retient mon regard, pour le vernissage du premier album d’Alice Roosevelt, Hammam. Alors tiens, pourquoi pas ? Récit d’une sortie improvisée.

Mais d’abord, une bière, ambrée comme la lumière tamisée du lieu et tout à fait bienvenue juste après avoir traversé le Bô marché de Noël pour se retrouver dans la chaleureuse cave sous le grand pont de Lausanne. J’aperçois sur scène les musiciens d’Annie Taylor, venus de Zürich pour l’occasion, avec leur dégaine complètement assumée des 70s’ (grosses moustaches carrées, bandeau dans les cheveux mi-longs en bataille, T-shirts et chemises vintage…), qui colle parfaitement à la musique rock indie / garage que le groupe balance. Belle prestation, un son correct et plutôt une bonne suprise dans l’ensemble, donc je reste accroché un moment. Jusqu’à ce que j’oie un « Hey guys, do you love Satan !? » sorti de la bouche de la frêle mais nerveuse petite demoiselle blonde aux airs hippie qui gratte et chante depuis 20 minutes. Voilà qui annonce un morceau plus rythmé ! D’ailleurs, toute la fin du set se fait sur un tempo un peu plus rapide, globalement, et chacun des quelques derniers morceaux se finit sous de forts applaudissements, ce qui est très honorable étant donné le public encore épars dans l’humble salle du Romandie. Leur concert se conclura donc ainsi, sous les encouragements du public, couronnés d’un « Merci ! La vie dure, sans confiture… » (avec un fort chou accent suisse-allemand) et de sourires qu’on devine sincères derrière les moustaches bien fournies des trois jeunes hommes du groupe. Le sourire de la guitariste/chanteuse/leadeuse, lui, ne fait aucun doute. Allez, deuxième bière, ça fait du bien de retrouver une ambiance conviviale dans cette brumeuse fin d’automne !

Alex Pradervand

Je n’attendais pas tant d’hurlements chargés d’entrain et de joie lorsque les Alice Roosevelt se mettent à fouler les planches de la scène. Leur Rhubarb & Strawberries d’introduction a fait un sacré effet (autant que sur l’album, il met directement dans l’ambiance) et le public est déjà conquis ! Leur musique d’habitude si éthérée et onirique en studio revêt en live un habillement nettement plus rock (tant pour le jeu de lumières que pour le son), qui n’empêche cependant pas le moins du monde d’apprécier pleinement les parties planantes de chaque morceau. Sans interruption, le chanteur nous livre une prestation théâtrale, avec sans doute une pointe d’influence british. Il narre avec un dramatisme certain ses textes plus qu’il ne les chante, la plulpart du temps ponctuant ses phrases de mimiques vraiment particulières et presque hypnotisantes, comme l’expression physique de sa diction, extrêmement articulée. Les autres membres jouent leur part sans problème, mais avec moins d’exubérance, tant dans leur instrument respectif que pendant les choeurs. On sent au-delà du jeu de scène une intime proximité avec le public (certes, le fait que beaucoup de leurs proches soient là ce soir y est potentiellement pour quelque chose) et tout le groupe semble aussi porté par sa propre musique que le public. Ça danse, ça saute, ça chante, parfois les yeux fermés pour mieux se laisser aller. Moi aussi, je me laisse prendre au jeu. J’ai seulement décroché de très court instants, sur Sometimes aux rythmes trip-hop et sur sur High/Low, peut-être la plus rock (alors que j’aime ça, d’habitude, cela va sans dire). S’ils ont réussi à me faire voyager ce soir, c’est tout droit vers les pubs sombres de Bristol ou Göteborg, vers les caveaux discrets de Bruxelles ou Sydney… bref, là où on fait de la musique bien enfumée, entre Dead Can Dance et INXS, et de la bière aussi pesante que l’atmosphère. Mince, tous les morceaux sont déjà passés ! Dommage qu’on soit arrivés si vite à destination, le voyage était très agréable. Une dernière petite avant de partir, qui me permet de voir que le groupe n’est pas seulement proche de son public sur scène, mais également en privé, entre le bar et le merch’ avec Annie Taylor, lorsqu’autant de leurs ami.e.s que d’inconnu.e.s viennent les féliciter pour leur vernissage très réussi. On leur souhaite que la suite de leur voyage soit au moins aussi bonne. À très bientôt sur scène, Alice !

Auteur: Alain Foulon

https://aliceroosevelt.bandcamp.com/