Jack (guitare) revient sur l’excellent opus  »Débris de Mondes Perdus », un album anxiogène qui revient presque aux origines musicales du groupe.

Comment s’est passé l’écriture de ce nouvel album ?
On a eu pas mal de changements de line-up quand on a commencé à écrire ce disque. On s’est demandé si on voulait rester les trois, ou si on remplaçait les deux membres qui sont partis. On a fait des essais ici et là afin de trouver un autre guitariste, car cela changeait vraiment la dynamique des morceaux. On a gardé Marco, avec qui j’ai fait de la guitare dans Kruger, vu qu’on le connait bien et qu’on est habitués à travailler ensemble. On a fini l’album avec lui, mais la majorité de l’album s’est faite à trois.

Et le titre  »Débris de Mondes Perdus »?

C’est un extrait d’un roman qu’on aime beaucoup, “Bois Mort”, d’une autrice qui vient de la Chaux-de-Fonds qui s’appelle Monique Saint-Hélier, qui parle de ruines, de fin d’un Empire, de plein de choses. J’aime bien cette idée de fin du monde, même si ce n’est pas au sens strict du terme. “Débris de Mondes Perdus” est un titre qui convient à merveille, car c’est dans cette ligne de l’album précédent, qui parlait d’effondrement. C’est les tout derniers restes de l’espèce humaine, et donc on a tenté de représenter cela de notre mieux.

On passe du hardcore aux moments calmes, cela représente bien les tournants et les chocs.
Ces changements viennent de notre envie commune de faire le truc le plus cradingue et dissonant possible! On aime vraiment quand c’est bizarre, on écoute pas tous du metal ou du post-hardcore, mais il y a cette envie de faire quelque chose qui provoque un certain malaise. Sur nos albums précédents, on avait pas mal de synthé, Mathieu, notre ancien guitariste, a une façon de jouer de la guitare qui est propre à lui, et donc sur ce nouvel album on a essayé de reproduire la même chose, à notre sauce, à trois puis à quatre. Nous sommes assez contents de ce résultat, cette volonté de faire quelque chose de dissonnant, bizarre. Comme le morceau “Maudissement” qui est super gerbant (rires), mais qui a une pointe d’humour avec la façon dont les mélodies sont posées, on a vraiment essayé de s’amuser.

Tu dis que tu n’écoutes plus de post-hardcore, c’est parce que tu n’y trouves pas ton compte?

J’ai l’impression de ne plus pouvoir oir des potes en concerts fait que j’ai un peu perdu le fil de ce qui se passe sur la scène helvétique. J’espère voir les potes de Coilguns, Closet Disco Queen, Ølten – enfin Lorna, le groupe de Chris – sur scène bientôt. Ils représentent bien ce qui est actif sur cette scène-là. On a des projets de tournées avec des groupes qu’on connaît moins, comme ALR de Berne, mais l’idée de la scène hardcore en Suisse ne fait plus vraiment sens à mon avis. J’aime bien l’idée de s’amuser sur scène, de mélanger des styles et de faire des choses moins thématiques. C’est personnel, mais j’aime bien les mélanges de styles. C’est pour ça qu’on a par exemple Emilie Zoé qui vient chanter un morceau sur ce disque-là, c’est quelqu’un qu’on aime beaucoup et avec qui on aime travailler, même si on est pas du tout dans le même style.

Tu dis que vous allez partir en tournée?

On a un plan de vernissage le 12 mars dans le cadre du Romandie de Lausanne. Autour de cette date, nous avons d’autres choses en Suisse, mais je veux pas trop balancer d’informations, juste 6-7 dates. Ça fait deux ans qu’on a plus joué donc ça nous manque beaucoup. Je me réjouis d’avoir très mal au dos à force de porter des amplis lourds et bouger n’importe comment (rires).

J’aimerais retourner sur vos paroles, car elles sont difficiles à comprendre, mélangées dans les instruments.

C’est notre batteur qui les écrit, c’est très bizarre. Cela parle de comment on se sent lorsqu’on est les derniers représentants de l’espèce humaine sur un gros caillou! C’est presque un texte de science-fiction post-apocalyptique. Il y a des paroles en français, en anglais, en allemand, et en bref ça parle de se réunir pour ne pas complètement crever, malgré le fait que tout soit voué à l’échec avec ce caillou qui plane dans l’éther. Ça paraît prétentieux mais on s’éclate beaucoup. C’est du français bizarre avec plein de néologismes, c’est assez foufou : se faire guetter par des bêtes sauvages qui veulent nous bouffer, nos difficultés à créer des liens les uns des autres, de rites un peu chelous qui naissent de l’incapacité des grandes sociétés.

Trois langues!

Oui, dans notre album précédent on avait un morceau en suisse-allemand. Quand tu es dans ce milieu de hard francophone, tu pars du principe que le français n’est pas fait pour faire du rock, et quand tu as vingt piges, tu fais tout pour éviter de parler en français, t’es plus à l’aise pour parler en anglais, mais au fond si on parle de quelque chose qui est proche de nous, qui nous fait peur, comme la fin de la civilisation, alors cela veut dire qu’on va être plus centré sur la nécessité de créer des liens. Cela passe aussi par des langues qui sont les nôtres. L’anglais, c’est notre paysage musical, le français c’est notre langue maternelle, et l’allemand car c’est la langue maternelle de Dave. Du coup nous voulions avoir des textes dans ces trois langues-là.

Pour ceux qui connaissent Abraham, ce sera une surprise?
C’est une coupure avec le précédent, qui faisait des heures, qui était super baroque, avec beaucoup de synthés, beaucoup de voix différentes. Ici cet album fait 45 minutes pour 8 chansons, presque sans overdub, c’est un album beaucoup plus rock, plus brut de décoffrage. L’énergie est plus pure et moins chargée. C’est une continuité certes, mais en termes de son, nous ne sommes pas dans les mêmes recherches de choses, même si nous avons bossé avec les mêmes personnes. Christophe Noth est un super ingé son qui se plie en quatre pour trouver des solutions, qui a plein de bonnes idées et qui est tout à fait à l’écoute de ce qu’on cherche à faire. On espère que les gens aimeront écouter cet album tout autant qu’on a aimé le faire!

www.abrahamband.com

FICHE CD :
Nom de l’album « Débris de Mondes Perdus »

Label : Pelagic Records
Note : 4/5