Elle est partagée entre la Suisse alémanique et la Suisse romande : bref panorama historique de la scène metal fribourgeoise.

À l’aube des années nonante, alors que Samael s’apprêtait à apporter son grain à l’histoire du black metal, c’était plutôt mort autour de Fribourg. Si on regarde du côté de la Singine – le district alémanique du canton – Encyclopaedia Metallum mentionne un certain Brainchild. Ces thrasheux de St-Ours ont sombré dans l’oubli, mais Sébastian Challande, vieux briscard de la scène au micro de Mesmerised, les décrivait comme « des vrais pionniers » locaux. Côté welsch, n’en parlons même pas, c’était le silence radio.

Niveau concerts, Fri-son faisait venir quelques figures internationales ; Cédric Clément, aka ‘Kéké’, 39 ans, directeur de Fribourg Tourisme, se souvient ainsi des passages d’Obituary et de Biohazard dans la salle aujourd’hui trentenaire. À Guin, Daniel Fontana chopait au vol quelques tournées européennes, comme Pro-Pain ou Dissection. Ebullition, à Bulle, passait aussi un peu de hard, notamment Fear Factory, sur la tournée de ‘Demanufacture’.

Que de telles formations jouent en terres fribourgeoises révèle qu’il y avait là un public qui n’attendait probablement que l’occasion d’empoigner une guitare. Lorsqu’en 1998 Kéké lance les soirées ‘Metal Act’ au Nouveau Monde, il réussit avec son équipe ‘à mettre sur pied exactement ce qu’il fallait pour développer une scène régionale’, selon Sébastien Challande. On peut donc placer la naissance de la scène metal fribourgeoise à la fin des années nonante, et le rôle de Kéké dans son avènement n’est pas moindre. Il donnait à la fois une occasion aux metalleux de se réunir régulièrement en tant que fans, et leur offrait une scène pour se produire en tant que groupe d’ouverture éventuel. C’est à cette période que virent le jour Emerald, Enigmatik ou Attack Vertical.

Ces noms ne vous disent rien ? Ce n’est peut-être pas de votre faute. De l’aveu de Christoph Noth, qui organise les soirées ‘Oh My F*cking God !’ à Fri-son, la scène semble prise d’une torpeur regrettable : ‘Les groupes se sont un poil endormis. Il y a peu d’export, que ce soit dans d’autres cantons ou à l’étranger.’ Et c’est vrai. Si Vaud et Genève peuvent se targuer d’avoir vu naître des groupes au succès d’estime conséquent, emmenant ici Monkey3 et Borgne au Hellfest, là Sybreed et Nostromo au Download, Fribourg peine à en dire autant. Quelques fanatiques de heavy metal traditionnel suivent Emerald de loin sur Internet, ça s’arrête là.

Oh, il y a bien quelques noms qu’un Fribourgeois offusqué lâcherait en entendant ces remontrances. Un peu de post-metal peut-être avec Darius ou Ogmasun. Si son truc c’est plutôt le death, peut-être mentionnera-t-il Calcined. The Burden Remains et leur thrash progressif éventuellement, mais où finit la sympathie personnelle et où commence l’appréciation objective ? Car, Fribourg, c’est pas très grand. 40’000 habitants dans la capitale, 20’000 à Bulle, le reste qui se court après dans les campagnes. Forcément, ça encourage le copinage.

Mais la taille modeste des agglomérations a aussi ses avantages, puisqu’elle semble avoir facilité l’émergence d’un public fidèle. Christoph Noth a eu l’occasion de parcourir de nombreuses salles en Suisse avec son boulot d’ingénieur-son. Il émet le constat suivant : ‘J’ai l’impression qu’il y a un ratio inversé entre la taille des villes et l’affluence pour les groupes locaux. À Zurich, tu arrives à peine à attirer trente personnes.’ À Fribourg (pourtant dix fois moins peuplée), on n’y voit jamais moins de cinquante personnes, et la centaine est généralement dépassée.

Assis sur le Röstigraben
L’autre particularité de la scène fribourgeoise, c’est son bilinguisme. Or, si Alémaniques et Romands se mêlent sans friction dans le mosphit, de légères différences s’esquissent dans leur manière d’appréhender le metal. En témoignent Amagortis et Emerald, les Singinois tendent à préférer les styles traditionnels, tandis que le public romand s’enthousiasme pour le core et le post-metal. Ce sont évidemment des tendances générales laissant leur place aux exceptions, mais Christoph Noth le remarque depuis de nombreuses années : ‘Dès qu’il y a de la double basse et des guitares harmonisées, les Singinois émergent devant la scène, mais dès que l’ambiance tourne vers des éléments un peu plus tordus, ils reculent vers le bar.’

Il est amusant de relever que si c’est aux Singinois qu’on doit les premiers braillements fribourgeois, le pôle d’activité s’est ensuite déplacé vers la partie francophone, peut-être par l’entremise de Kéké : ‘On me reprochait parfois d’être trop hardcore dans ma programmation.’ Pas de quoi en exclure les Singinois, mais ça pourrait expliquer pourquoi on compte davantage de formations actives côté romand, même « s’il faudrait mettre le phénomène en perspective avec les mouvements de population qu’a connu le canton ces dernières années », modère Christoph Noth.

Photo de couverture: Attack Vertical par Stéphane Schmutz

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