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Invités par l’excellent festival Voix de Fête, nous sommes allés le premier soir voir Radio Elvis, sur les conseils d’un ami et attisés par les critiques élogieuses que j’avais lu dans la presse dite spécialisée.
Le rock français n’existe pas vraiment à part quelques exceptions et Radio Elvis en fait vraiment à sa manière. C’est rock et lettré. Mais pas poseur. Surtout pas. De dignes héritiers de Bashung version 2016. Ce trio dont la voix du chanteur est mise en avant envoie des perles de chansons entre poésie et abrasion. Bercé par des formes de récits de voyages imaginaires (‘Caravan sérail’, ‘Au loin des pyramides’, ‘Demande à la poussière’), je me suis pris à gigoter crescendo sur nos fauteuils de loge, puis d’un bond levé sur le tonitruant ‘Goliath’.
Je l’avais lu quelque part mais le reprend à leur compte, ce concert transpirait l’élégance et la modernité. Le vernissage de leur premier album ‘Les Conquêtes’ a eu lieu il y a quelques jours à la Maroquinerie à Paris.

Une petite pause boisson-discussions musicales, nous nous rasseyons pour nous retrouver dans le salon de Tonton Pierrick. On ne le présente plus, ou juste à peine (batteur chez Wooloomoooloo il y a longtemps, puis dans Explosion de caca, chroniqueur sur Couleur 3 et fils du grand moustachu de notre enfance). En conteur hors-pair et touchant, il nous fait revivre l’histoire du blues, de Robert Johnson à Jerry Lee Lewis, passant par Charley Patton, Muddy Waters, Chuck Berry et bien d’autres. Tonton Pierrick fait partie de la famille. Il peut être un merveilleux défricheur, passeur pour un grand nombre qui découvre pour la première fois cette foison d’anecdotes ou pour les neveux tout autant passionnés de musique, leur rappeler de beaux et cocasses souvenirs.
Le bonhomme est intéressant, sympa, joueur (excellent à la batterie, plus anecdotique à la guitare), maitrisant son sujet et collectionnant parfois les gags foireux. Mais l’alchimie prend, on rit et on verse une larme ou deux lorsqu’il évoque longuement la naissance du blues et son cortège d’esclaves.
Je dis ‘on’ depuis le début, car j’ai l’impression que même si chacun dans la salle vit le moment individuellement, comme dans une famille, on fait corps, on appartient à la même tribu, au même moment. Son spectacle se clôt avec le tonton à la guitare (Lightnin’ Hopkins style) pour un blues mélancolique mais lumineux.
La suite, on l’espère vite et à base de Beatles et de Stones, logique…

Lors de la deuxième soirée, il fallait arriver sacrément tôt pour mériter sa place au Théâtre Pitoëff où se produit Bertrand Belin et son hypnotique groupe.
J’avais hâte de le revoir, après l’avoir découvert il y a une dizaine d’années en première partie de Jean-Louis Murat, toujours dans le cadre de Voix de Fête, me semble-t-il.
Chanteur, acteur, écrivain et musicien de grande classe, il fait penser à un Josh Homme plus fin, plus français.
C’est du rock un peu cotonneux, nervuré, sensuel, existentialiste. Du rock de nuit.
Par moment on aurait presque l’impression d’une certaine ivresse sur scène, mais qui n’est que jouée, partant parfois sans des délires parlés surréalistes.
Cette impression de vertige là encore, très bashungienne, est accentuée par des lignes de basse et de claviers électros puis rattrapés par des guitares pouvant rappeler de temps à autres Calexico.
L’écrin du Pitoëff est parfait pour cette ambiance maladivement feutrée, soutenue par un lightshow et une scénographie d’une rare élégance.
Voilà ! Pour résumer ce concert, la meilleure image serait un vieux cabaret tard dans la nuit, perdu dans un désert sans âge, sans époque où des gangsters soniques seraient partis en maraude.
Bien entendu je vous conseille l’écoute attentive de sa discographie, un verre de bourbon à la main vers 2h du matin.

A peine le temps d’en prendre un que le freak show poétique d’Arthur H commence !
D’abord seul au piano, sur les magnifiques ‘L’autre côté de la lune’ et ‘La ballade des clandestins’, tout s’accélère vers le cinquième morceau. Après quelques apartés burlesques notamment sur Genève la ville la plus heureuse du monde, Arthur H revêt son habit de lumière, une veste clignotante et nous embarque avec son excellent groupe de bachibouzouks vers les plaisirs et les douceurs d’un cirque ambulant. Il est le Monsieur Loyal, nous ne sommes pas ses spectateurs mais ses fauves apprivoisés dès la première minute.
Certains passages pourraient sembler plus bancals, proches de la farce, mais non, tout est fait avec classe. Il me fait évidemment penser à son père, le grand Jacques avec qui, il y a quelques années, j’ai eu la chance, de déjeuner pendant plus de trois heures en tête à tête.
Ils ont cette majesté des saltimbanques érudits et proches des gens. Même debout dans son caddie pour ‘La caissière du Super’, il assure et le groupe tout autant, nous faisant nous trémousser sur place.
Festival oblige, le set est un poil trop court (une douzaine de chansons quand même) et se clôture par un sublime ‘Cheval de Feu’.
Encore sous le coup de nos émotions, j’allume les cigarettes de mes amies d’un briquet estampillé H. Soleil dans la nuit. ‘Soleil Dedans’…

Le quatrième jour du festival nous cueille tout en douceur et mystère.
Un bus vient nous chercher, une trentaine de convives et nous-mêmes, direction inconnue.
Ce sera le dépôt de bus de Bachet de Pesay où nous en attend un autre. Après nous être déchaussés nous montons cérémonieusement nous installer par terre dans l’antre de la Grande Gynandre. Soit une heure passée en compagnie d’Edmée Fleury, Pascal Rinaldi et Denis Alber. Trois grands artistes de nos contrées qui mettent en musique les textes de la poétesse Pierette Micheloud.
Cela vous semble improbable et pas trop rock. Effectivement. Mais comme c’est bon ! Comme ça change ! C’est beau, surprenant, inventif. Entre chanson française de haut vol, voix gutturales mongoles, aquariums et scie musicale. Mis en scène et interprété avec passion, absolument pas hermétique. Nous sommes soufflés et ne soufflons mot. Pendus à ceux de cette poétesse valaisanne, féministe et humaniste que nous découvrons aujourd’hui. Moi le fan de Ministry, des Beastie Boys ou de Kyuss, je me prends une claque de toute beauté et bien sentie.

Bien plus intéressant que le show crispant de GiedRé quelques heures plus tard.
Je la connaissais pour l’avoir souvent écoutée dans un établissement de bon goût que je fréquente épisodiquement. Et j’aimais ces comptines folk et d’un humour noir absolu qui me faisaient penser au plus punk Didier Super. J’étais impatient de la faire découvrir à notre photographe attitrée. Les quinze premières minutes sont géniales, à la (la photographe) regarder s’offusquer avec malice et l’entendre rire de bon cœur. Malheureusement ça tourne un peu en rond rapidement et ce n’est pas la voix geignarde, enfantine et artificiellement balbutiante de Giedré pendant les interludes, trop nombreux, qui va faire remonter le niveau.
Le côté femme-enfant simplette qui dénonce avec humour, visiblement ce n’est pas mon truc, en tous cas sur scène. Pourtant le public semble adhérer et s’éclater. Tant mieux pour lui. On quitte la salle sur le tube régressif sur les gens qui font tous caca.

Mis à part ce raté dans ma sélection, parmi une cinquantaine de concerts proposés dans les salles, clubs, bars, cette 18e édition de Voix de Fête, quoique raccourcie (on coupe un peu trop dans la culture ces derniers temps) fut à nouveau un véritable plaisir des sens.
On peut remercier Roland Le Blévennec, son fondateur, Priscille et toute l’équipe bienveillante et efficace, d’avoir organisé un festival entre découvertes et retrouvailles.
Merci pour tous ces beaux moments et à l’année prochaine !

www.voixdefete.com


Texte : Frédéric Saenger
Photos : Flavia Viscardi

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