Concord Records/Universal Music

Au moment où dans une carrière de musicien on atteint les sommets, souvent c’est que l’on a déjà affûté sa technique, usé des mètres de cordes, voir même frisé à maintes reprises la chute. Cette progression, pour le regretté Chester Bennington, c’est avec Grey Daze qu’il allait la débuter. Il a 18 ans à peine quand la formation grunge de Phoenix, Arizona, balance un premier album ‘Wake Me’, et tout juste 21 quand après une seconde galette, ‘…No Sun Today’, il file rejoindre ce qui deviendra Linkin Park.
L’apprentissage aura été bref, mais il a laissé des traces suffisamment marquantes pour que vingt ans après le chanteur et ses acolytes souhaitent le faire revivre. Un élan qui sera brisé un funeste mois de juillet 2017. Après avoir laissé l’émotion et le deuil s’estomper la famille et les comparses de l’époque vont décider d’exaucer le vœu de Bennington en retravaillant sur des titres des deux albums pour publier une œuvre intégralement revisitée. Et là où à l’orée du siècle la petite équipe s’essayait à gravir de rocailleuses collines, suivant souvent des sentiers tracés par ses pères (Nirvana et Soundgarden en tête), le travail réalisé aujourd’hui par Sean Dowdell (batteur et membre fondateur), Mace Beyers (bassiste) et Cristin Davis (guitariste) va permettre à Bennington de vaincre une dernière montagne. Car c’est bien la voix extraite des enregistrements d’époque du chanteur qui tire l’ensemble vers le haut à chaque instant et fait oublier les derniers efforts un peu mitigés de Linkin Park.

Pourtant encore juvénile cette voix porte en elle déjà mille nuances, velouté (‘Just Like Heroin’), souplesse (‘The Syndrome’), mélancolie (‘What’s in The Eye’) et limpidité (‘In Time’). Surtout elle est déjà le reflet profond des tourments du chanteur et dévoile à chaque instant toute sa rage, toute sa puissance. On est emporté dans un torrent de pensées d’abandon, de faux espoirs, de sentiment d’inadéquation, de trahison, Bennington hurle, angoisse, se cabre, appelle déjà au secours.

Là où le groupe sur les versions originales entourait ces saignées vocales d’un rock au très fort accent grunge, direct, aussi basique qu’impétueux, la relecture totale des instrumentations fait sonner aujourd’hui les titres comme des hymnes contemporains, leur offrant une puissance encore décuplée. D’autant plus que quelques invités de qualité viennent apporter leur patte, comme sur ‘B12’ qui accueille les guitares de Brian Welch et James Shaffer (Korn) et sur ‘Soul Song’ enluminé de la gratte de Chris Traynor (Bush), titre en forme de regret infini, qui dévoile la présence de la voix de Jaime Bennington en duo aux côtés de son père. Bouleversant et ultime.

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Note: 4.5/5