C’est dans le bureau de Sony Music à Lausanne que votre serviteur a pu s’entretenir avec Nic Maeder et Freddy Scherer pour parler du nouvel album de Gotthard : #13! Une discussion qui tourne autour de musique, mais aussi de vaches. Retranscription de cet entretien aussi cordial qu’instructif.

Comment s’est passé le retour à vos guitares électriques pour la composition de ce nouvel album, après votre tournée Defrosted 2 exclusivement acoustique ?
[Freddy, guitare] Très bien ! On a fait une année de tournée acoustique qui a été très sympa et qui a fait un bon changement pour le groupe. Musicalement, tu présentes les morceaux habillés différemment. Mais après une année et demi, nous avons eu envie de changer d’énergie et de se diriger vers quelque chose de pur rock et je pense que cela s’entend sur notre nouveau disque.

Avec des titres comme ‘Bad News’ ou ‘Every Time I Die’, j’ai trouvé que vous étiez revenu au Gotthard des années 90. C’était une volonté de votre part de revenir à ces racines-là ?

[Nic, chant] On avait vraiment envie de faire un album bien rock, cru et honnête. Nous avons écrit ensemble et mélangé plein d’idée afin d’arriver à ce résultat. Il y a moins de balades sur cet album que sur les autres de Gotthard. Mais ce qui nous a peut-être inspiré, c’est que nous avons loupé une année. D’habitude, tous les deux ans, on fait un album. Nous avons donc vraiment ressenti le besoin de composer à nouveau.

Pourquoi avoir inclus des saveurs orientales à votre single Missteria ? Comment est venue cette idée ? En plus co-écrit avec Francis Rossi (Status quo) c’est très surprenant…voire déstabilisant.
[Nic] Ce côté oriental est vraiment arrivé par pur hasard. Nous avions fini d’enregistrer le morceau et nos choristes qui avaient participé au Defrosted 2 avec nous sont un jour venues nous rendre visite. A la fin de la journée, notre producteur a dit à l’une de nos choristes d’origine égyptienne, d’improviser des trucs, n’importe quoi ! Ce n’était pas du tout prévu.
Nous n’avons jamais un plan lorsque l’on commence à composer. Nous laissons beaucoup aller les choses en se disant que la bonne idée va arriver au bout d’un moment. Nous avions un concert acoustique à Lugano et c’est pour ça que les choristes étaient là. Elles sont venues au studio pour mettre leur voix sur 2-3 morceaux et grâce à cela Missteria est ce qu’il est. Pas de concert à Lugano, pas de mélodies orientales sur ce titre. Ça tient à peu de chose parfois. La création d’un album c’est quelque chose de vivant.

Photo: David Bétrisey

Au chapitre des surprises, il y a le titre ˈRescue Meˈ… vous envoyez dans un même titre de l’acoustique, puis un coté grunge atmosphérique. Il était où Léo quand vous avez composé ce titre ?
(Nic et Freddy éclatent de rire)
[Nic] Ce qui est le plus drôle, c’est que ce morceau c’est son idée ! (rire)
[Freddy] Disons que le morceau c’est son idée. Quant à sa fin, on va dire que nous nous sommes un peu lâchés. (rire)

Vous avez retravaillé avec le producteur Paul Lani, qui était le producteur de Firebirth (2012) le premier album que Nic a enregistré avec Gotthard. Quelle saveur cela avait pour toi de collaborer à nouveau avec lui et, d’une manière générale, doit-on à Paul ce côté plus brut de l’album ?
[Nic] Oui tu as raison, ce côté plus brut ça vient de lui en grande partie. Nous l’avons aussi pris pour cette raison, soyons clairs. Nous avions la même équipe depuis de nombreuses années et il était temps de changer quelque chose. Paul a aussi de bonnes idées. Lorsque nous arrivons avec des démos finies, il a une bonne oreille pour changer deux-trois trucs, sur des refrains ou autre …Il faut savoir que Paul ne va pas du tout partir vers un côté commercial. C’est ce que nous voulions.

Gotthard a toujours le don de sortir de superbes reprises. Avec le titre SOS de ABBA, vous faites très fort, tellement vous vous l’êtes bien approprié, sans le dénaturer. Vous partez d’un piano voix, puis, tout en crescendo vous arrivez dans quelque chose de rock au tempo d’origine du morceau. Steve (Lee) et Léo voulaient déjà le reprendre à l’époque. Quelle est la genèse de cette reprise ?
[Freddy] Oui tu as raison, cette reprise nous en avions déjà eu l’idée en 2003-2004. Cela n’avait pas abouti et nous l’avions finalement oubliée.
[Nic] En fait, moi je n’en avais aucune idée de ça ! La TV alémanique faisait une émission pour Noël. Ils ont demandé à plusieurs chanteurs, dont moi, de reprendre des chansons de ABBA. J’ai un peu hésité, car ABBA ce n’est pas trop mon truc. Puis au final, j’ai décidé de faire une version piano-voix de SOS. Un jour, j’ai montré ça au groupe et ils m’ont dit qu’effectivement, ils avaient déjà pensé à ce morceau à l’époque de Steve. Il faut savoir que nous avons fais deux versions différentes avant d’arriver à celle-là.
[Freddy] Oui une version un peu plus punk et celle-ci. Mais il y a toujours eu cette base un petit peu noire que proposait Nic avec sa ligne de piano. Nous avons ensuite un peu ajusté les guitares pour un rendu plus rock.

Coup de tonnerre, Hena (batterie) quitte le groupe. Pas surprenant de voir que c’est l’excellent Alex Motta qui joue sur #13. Sa prestation est impeccable. Du coup pourquoi avoir pris Flavio Mezzodi (Krokus) au détriment d’Alex au poste de batteur ?
[Nic] Au départ, nous n’avions engagé Alex que pour les démos. On écrivait des choses, puis habitant tout près, dès que nous avions besoin de batterie, il venait et jouait. Ce n’était pas du tout prévu qu’il joue sur l’album. Par la suite, comme il avait fait les démos, il connaissait les morceaux. C’est tout naturellement que nous lui avons proposé de jouer sur l’album. Mais il n’a jamais été question qu’il vienne en tournée.
[Freddy] Tu sais Alex est assez occupé. Il enseigne dans une école de batterie et il joue avec CoreLéoni. Krokus se terminant plus ou moins, leur batteur Flavio nous a approché. Il est jeune, il veut bouger et y aller ! C’est d’ailleurs lui qui a poussé pour faire partie de Gotthard. Avec lui, nous avons joué une demie heure ensemble, et tant humainement que musicalement, ça a fonctionné direct.

Lors de ma rencontre avec Léo durant sa tournée avec CoreLeoni il m’a confié que parfois avec Gotthard vous réfléchissiez trop, un peu au détriment du rock’n’roll. Pensez-vous que CoreLeoni est pour lui une échappatoire à la collégialité nécessaire dans Gotthard, un groupe où il peut faire ce qu’il veut ? De quel œil voyez-vous son projet ?
[Freddy] Faire des nouveaux albums et écrire des morceaux, ça change tout ! Il y a logiquement un plus grand potentiel de conflits éventuels. Si tu rejoues des anciens titres, c’est plus simple. Deuxièmement, CoreLeoni, c’est Leoni. Le numéro un, c’est Léo. Gotthard est un groupe suisse et nous travaillons comme des Suisses. Il y a une certaine démocratie dans le groupe. Alors oui, ça peut fatiguer. Mais ça te fait aussi aller plus loin et avancer. Léo se satisfait aussi des anciens titres de Gotthard. Il se nourrit de cette simplicité avec CoreLeoni et est du coup plus soulagé et serein avec Gotthard.
[Nic] Je le sens même plus heureux depuis qu’il a ce projet.

Je suis Valaisan, donc très content de votre pochette d’album avec des vaches de la Race D’Hérens (Hérens étant une région du Valais). Etant moi-même de cette région, je serais curieux que vous m’expliquiez le déroulement d’un match de Reines ? Qu’est-ce que vous savez à ce sujet ?
(Freddy rigole et semble très content de directement passer la parole à Nic)
[Nic] Bon, ce que je sais c’est que ces vaches font cela naturellement et qu’elles ne se blessent pas vraiment, ce qui est très important ! Je sais qu’ils doivent les séparer sinon elles continuent de se battre. Il y a, je crois, une sélection dans le pâturage pour ensuite amener les bêtes en finale. Puis la vache qui se fait battre par une autre ne va plus jamais essayer de combattre celle qui l’a battue.

Franchement bien Nic, bravo ! (rire). Je voulais vous taquiner un peu. Plus sérieusement, pourquoi cette image sur la pochette ? Un symbole de puissance à vos yeux ?
[Nic et Freddy] C’est exactement ça ! [Freddy] C’est moi qui ai trouvé cette photo. Nous sommes un groupe purement suisse et essayons de le rester. On a vu cette photo de vaches dont l’origine est le Valais ainsi que toute cette puissance que ça dégageait et on s’est dit que c’était exactement ça qu’il nous fallait. Nous étions dans un restaurant, nous buvions un verre. Chacun donnait ses idées, sortait des images et c’est celle-là que nous avons voulue.

Nous sommes à la fin de l’interview, dites-moi ce que vous voulez, ce qui vous passe par la tête sans réfléchir.
[Nic] C’est une question difficile (rire) ! Qu’on trouve rapidement un vaccin contre ce Coronavirus.

Notre chronique de #13

www.gotthard.com

FICHE CD:
#13
Nuclear Blast
4/5