« Pas de batterie, pas d’orgue Hammond, pas d’amplis guitare utilisés pendant l’enregistrement de cet album, voilà DeWolff comme vous ne l’avez jamais entendu. » Comme le clame fièrement le combo hollandais connu pour son power rock façon 70’s, pour sa septième galette enregistrée sur la route, ils ont fait fi de leurs vieilles habitudes, le tout capté sur un ancestral Tascam Porta Two, un mini home-studio quatre pistes à cassettes très en vogue dans les années huitante. Robin Piso, le désormais synthès-man du trio nous a confié les dessous de cette expérience unique.

Comment est née l’idée d’enregistrer sur ce vieux Tascam à cassettes?

C’est Pablo, notre guitariste, qui a eu l’idée de faire « Tascam Tapes » de cette manière. Il nous l’a proposé via un message vocal qui disait « les gars, j’ai un enregistreur à cassettes et nous pourrions faire une sorte de session mobile, pendant notre tournée ». Luka et moi étions sans voix. Une tournée ce n’est déjà pas facile, pourquoi vouloir en plus utiliser notre temps de repos pour faire un album. Mais avant la tournée, on a fait une petite jam enregistrée sur le Tascam, et ça nous a semblé vraiment cool. On s’est dit «oublies, allons-y !»

Le résultat de ce premier enregistrement était donc immédiatement OK pour vous, ou avez-vous dû travailler la méthode pour être vraiment satisfait ?

En fait non, la première jam que nous avons faite quand nous étions en tournée se trouve être la première chanson de l’album (« Northpole Blues »). Au début nous avons eu rapidement une ou deux idées, et nous avons été surpris de voir à quel point l’enregistrement sur cassettes sonnait bien, alors que nous nous attendions à faire un album Low-Fi.

Qu’est-ce qui est différent d’enregistrer ainsi sur la route ?

Lorsque tu enregistres en studio, chaque titre est capté presque exactement de la même manière. Tu n’as donc pas de souvenir précis de l’enregistrement. Là pour chaque chanson je me souviens de l’endroit où nous l’avons enregistrée, de ce qui se trouvait sur le bord de la route, des paysages. Parfois on enregistrait directement après un spectacle, comme les voix de « Awesomeness of Love », d’autres ont été enregistrées dans notre van.

Quand avez-vous été le plus créatif au cours de cette période ?

Je pense que la plupart des idées sont venues dans le van, en route pour notre prochaine date. Nous coupions la sono et nous nous mettions à jammer. Mais aussi entre les balances et les concerts, Pablo prenait sa guitare et commençait à jouer, amenait une idée de mélodie ou de chanson, que nous enregistrions le jour suivant.

Quel est l’endroit le plus étonnant où vous ayez enregistré ?

Je dirais que c’est au bord d’une autoroute. Je ne me sentais pas très bien ce jour-là, mais je me souviens que c’était beau, un paysage français, je n’oublierai jamais.

À un moment donné, avez-vous eu peur de ne pas pouvoir aller au bout de ce projet ?

Nous pensions faire ça à temps perdu, sans forcément vouloir boucler l’album, on se disait qu’on pourrait toujours finir en studio. On voyait ça comme du bonus, peu importe combien de chansons nous allions utiliser, c’était déjà ça de gagné. Mais après avoir posé quelques idées, les avoir enregistrées, on s’est dit, « oh man, ça devient un très bon album ». Ce qui a été le plus difficile, c’était d’avoir une idée précise de ce que nous avions enregistré parce que tout était réparti sur une douzaine de cassettes. A la fin, Luka a dit « on sait même plus combien de chansons on a.» Comme réécouter ce qu’il y a sur les cassettes ne se fait pas rapidement, tu abandonnes, et on a même fini par imaginer que certaines idées étaient trop similaires. Au retour de tournée, tout a été transféré sur ordinateur, pour avoir une vue d’ensemble des chansons déjà terminées et de ce qui n’était que des idées. La bonne surprise a été de voir que la plupart étaient déjà terminées.

Robin, sans ton orgue, t’es-tu senti tout nu ?

Je crois bien que je me suis effectivement senti tout nu… c’était vraiment dur parce que je ne connais pas grand-chose aux synthétiseurs. Après quelques semaines, j’avais l’impression de tourner en rond avec les vieux sons échantillonnés. C’était vraiment difficile de trouver de nouvelles idées. Mais pour moi, ce qui est vraiment important c’est de constater que ce disque, fait avec des instruments complètement différents, sonne comme du pur DeWolff. Cela montre bien que DeWolff ce n’est pas qu’orgue Hammond, batterie et amplificateurs puissants. Il s’agit de nous trois. Ça a vraiment été une découverte importante.

Le rythme est créé avec des boucles, et impose de rester dans un mode couplet/refrain relativement simple. N’est-ce pas frustrant pour le groupe qui aime tant les breaks et autres changements de rythme ?

(Rire) Oui, c’était vraiment difficile pour nous, surtout pour Luca, notre batteur. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était d’appuyer sur un bouton pour lancer les boucles et sa créativité se limitait à choisir celle à utiliser. Mais Je pense que la façon dont nous avons dû nous limiter avec cette configuration, a fait que la grille d’accords des chansons est devenue plus simple, plus efficace.

On remarque que la plupart des chansons sont très courtes, on sent là comme une forme d’énergie un peu punk, directe.

Quand tu vois que tu as une idée de chanson qu’il ne te reste que dix minutes de trajet, alors tu fonce. On a enregistré tout ce que nous avons fait. Parfois ce n’était que deux minutes de musique. L’idée était souvent de travailler plus tard ce qui avait été enregistré, mais le lendemain tu te dit « en fait, c’est plutôt cool, gardons ça court ».

Si je comprends bien, cette façon d’écrire a apporté des idées nouvelles, de la fraîcheur dans votre musique.

Oui, c’était vraiment bien pour nous, sinon nous aurions enregistré un autre « Thrust ». Maintenant, c’est quelque chose de nouveau et de différent, si nous n’avions pas travaillé ainsi je crois bien que l’on se serait un peu ennuyés. Et cela peut donner des couleurs, des idées, pour le prochain album.

Des chansons comme « It Ain’t Easy » ou « Let if Fly » ont une tonalité presque disco. Est-ce le résultat de la manière d’enregistrer qui a provoqué des surprises, ou doit-on y découvrir l’une ou l’autre de vos influences honteuses ?

Comme un plaisir coupable ? Mais oui, on peut avoir du plaisir à écouter du disco, on n’a pas honte de le dire. Plus sérieusement c’est à cause des boucles de batterie qui se trouvaient dans le sampler, qui sont à la base de toutes les chansons. Les samples donnent l’ambiance des chansons.

Ces chansons enregistrées sur le Tascam, comment allez-vous les jouer sur scène ?

Il est certain que nous devons les jouer d’une manière bien différente. Avant la sortie de l’album nous avons beaucoup répété pour essayer de trouver un moyen de les jouer avec nos instruments habituels, c’était vraiment comme découvrir de nouvelles chansons. Certaines chansons sont vraiment cool à jouer, en y ajoutant des parties supplémentaires, des solos, en essayant de trouver plus d’énergie. Mais avouons que cela ressemble pour la deuxième fois à de nouvelles chansons.