L’Hiver n’en finissait plus, il nous fallait du bois pour nous réchauffer et cette septième édition d’Antigel tombait à point nommé. Entre les différents concerts, performances artistiques diverses et le Grand Central, point de ralliement des noctambules genevois, il y en avait pour tous les goûts. Ici, c’est plutôt le rock qui nous intéresse, entre autres…


Hyperculte et The Notwist. Alhambra. 03.02

Les ‘dissidents’ de l’Orchestre tout puissant Marcel Duchamps et de Massicot font une entrée chamanique sur chants d’oiseaux et didgeridoos invisibles. Commence la cavalcade. Titres courts. Peu de paroles. Sinusoïdales hypnotiques. La voix de la batteuse rappelle par moments Perry Farrell de Jane’s Addiction/Porno for Pyros s’envolant vers le cosmos de la contrebasse. Il y a du Adam and the ants, de l’Ultra Orange. Entre la peste et le choléra, je choisis le feu !
La tête d’affiche ce soir, ce sont les incroyables Notwist, chouchoux indies des 90’s qui se réinventent à chaque disque : punk, pop, électro, jazz. Une schizophrénie que l’on retrouve sur scène. Un ami journaliste me résumait : ‘C’est New Order qui fricote avec Weezer et Nine Inch Nails’. Certainement l’un des morceaux de choix de cette édition.

Grant Lee Philipps. Centre communal de Genthod. 12.02

Quelle joie de retrouver cette bonne trogne de moine franciscain débonnaire ou de Val Kilmer dernière époque ! Et surtout la même voix qu’à la grande époque de Grant Lee Buffalo. J’avais d’ailleurs un petit doute, en solo, juste guitare/voix ?
Et bien, j’avais tort. Celle-ci est suffisamment ample pour masquer l’absence d’autres musiciens. Même si parfois on a envie d’une batterie feutrée et d’une basse toute en rondeur pour étoffer son magnifique répertoire americana. D’ailleurs il saupoudre entre chaque chanson, ravi d’être là, d’anecdotes d’oncle indien et de gangsters des années 20. Il pioche dans ses (nombreux) albums pour le plus grand plaisir d’un public qui lui fait même une standing ovation avant son premier rappel. Malgré une grippe carabinée, il revient inlassablement, se sentant en famille, devant ses potes. On aura droit par exemple et dans le désordre à ‘The hook’, ‘Mighty Joe Young’, ‘Cry cry’, ‘Walking on the green corn’ et un superbe ‘Fuzzy’ attendu comme le Messie. Sympa comme tout, comme l’attestera le verre de fin de concert où il n’avait même pas prévu assez de disques pour tous.

Telegram, Warhaus, The Dandy Warhols. Salle du Lignon. 15.02

Petits protégés des Dandy Warhols sur ce bout de tournée, Telegram envoie le bois psyché glam sans poste restante. Malheureusement pas vraiment eu le temps de tout voir ni les excellents Warhaus, side project des Belges Balthazar, de dignes rejetons de Nick Cave en plus pop et tout aussi théâtraux. A rattraper lors de leur prochaine venue en Suisse, ce qui ne saurait tarder au vue de leur succès européen. Donc pas pu voir car en pleine interview des Dandy Warhols que vous aurez le plaisir de retrouver bientôt dans ces pages.
Pour tout avouer, ce ne fut pas le meilleur concert du groupe de Portland auquel j’ai pu assister. Le chanteur Courtney Taylor-Taylor me le confirmera autour d’un verre à la sortie de scène ; le concert était enregistré pour une radio européenne et il avait un peu le trac. Après 23 ans d’existence, ça rassure d’une certaine manière. Mais l’ambiance était là, plusieurs titres de leur plaisant et ambitieux dernier album ‘Distortland’ et bien entendu leurs hits ‘Bohemian like you’, ‘Styygo’, ‘Godless’ et les ‘pa pa pa pa pa pa pa pa pa’ remplaçant les cuivres.
Pas le concert le plus mémorable d’Antigel mais un sacré groupe pro et abordable. On nous avait rarement proposé ma photographe du soir et moi-même d’aller continuer la discussion après le concert autour de quelques bouteilles d’Aligoté. Merci les gars et Zia pour ce sympathique moment.

Moderat. Salle du Lignon. 16.02

Le lendemain rebelote, toujours dans une Salle du Lignon pleine à craquer (eh oui, elle redevient tendance) pour les Berlinois de Moderat.
J’aurais adoré m’enflammer pour cet enfant légitime de Modelselektor et d’Apparat, cette pop électro sombre qui rendait pantelantes mes voisines.
Mais j’étais un peu fatigué de l’aftershow des Dandy Warhols…
Il était 22h, j’avais l’impression d’être en club à 3h du mat’. Car c’est un mix entre de la très bonne musique de club et du Depeche Mode. Pour éviter d’avoir trop d’attaques de paupières, ils ont eu la bonne idée de balancer une scéno/lightshow épileptique assez démente. A part Tool, je n’avais qu’exceptionnellement vu quelque chose d’aussi immersif. Cependant, un peu trop calibré et manquant un peu d’âme pour moi, je prenais congé de mes voisines aux anges ailés d’aluminium.

Oy et François and the atlas mountains. Alhambra. 17.02

Belle surprise iconoclaste et sensible en voyant apparaître le duo suisse-allemand Oy, dans cet Alhambra un peu dépeuplé. Ils sauront nous réchauffer avec leurs rythmes afro-électros.
J’ai eu un peu peur que ça ne verse rapidement vers la world music la plus gonflante. Pourtant, je me suis laissé emporter vers la Space Diaspora que clame si bien Joy Frempong la suave et énergique chanteuse/claviériste épaulée par les frappes métronomiques de l’Homme Piñata. Je les aurais bien vus dans une plus petite salle où on aurait pu être debout et danser.
Puis vinrent François and the atlas mountains, coqueluche des Inrocks depuis une dizaine d’années. L’un des groupes les plus surprenants que j’ai pu voir depuis longtemps. De très beaux textes enrobés par d’excellents musiciens mais sincèrement je n’ai pas vraiment compris leur délire afro-breton et soli de guitares 80’s. On aurait dit le groupe Raft et son tube ‘Yakadansé’  (mais oui souvenez vous !). Pas franchement racheté par leur reprise de ‘Didi’ de Khaled…
Toutefois, certains morceaux sont excellents comme ‘Je suis de l’eau’ ou ‘Rentes écloses’. De la chanson française de qualité, un peu jazzy, un peu électro.
Alors que ma charmante accompagnatrice me souffle dans un rire communicatif ‘Leur dieu, c’est Alain Souchon !’, le chanteur se jette à terre genoux en avant et le guitariste décroche sa gratte toute en larsen !! J’ai cru qu’il allait la balancer sur le batteur. De l’énergie punk, non feinte, on sent qu’ils sont fun et qu’ils aimeraient tout lâcher. Un groupe totalement inconséquent, vous dis-je.

Kronos Quartet. Victoria Hall. 18.02

Victoria Hall quasi comble et silence royal. On ne sait jamais quand il faut applaudir le mythique Kronos Quartet. On en a envie, surtout quand ils reprennent du Steve Reich. Moins lors de la sempiternelle scie pour vidéos débiles de conspirationnistes à deux balles qui polluent les internets, l’horripilante B.O. de Requiem for a Dream. Fait bizarre, ces musiciens virtuoses utilisent des bandes enregistrées sur certaines pièces. Dommage. Ou lorsqu’ils envoient des bruits d’avions et d’orages entendus et réentendus.
Cependant, une très fine reprise de ‘Strange Fruits’ de Nina Simone et un éclatement country sur ‘Orange Blossom Specials’ viennent raviver la flamme.
Le ‘groupe’ le plus réservé et classieux de cet Antigel, mais je les attends au tournant pour la prochaine fois s’ils nous livrent leur collaborations avec Bowie ou NIN.


Voilà, c’est fini. Trois semaines bien remplies. On remercie tout le monde.
Notamment l’excellente et sympathique équipe du Grand Central et les programmateurs de ce festival de luxe, mais abordable. A l’année prochaine évidemment!
Et je vous laisse sur les mots touchants de Grant Lee Philipps : ‘Antigel, le liquide qui empêche le cœur de geler en ces temps quelque peu exsangues’. [Frederic Saenger]

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