Avec près de 99 % des billets vendus à un total de 55’000 spectateurs, parler d’un succès pour le dixième anniversaire du festival Antigel est un timide euphémisme. Protéiforme et fluide, le concept du festival lui permet d’offrir à chacun un petit bout de programmation qu’il pensera taillé pour lui, et n’aura pu laisser qu’un bout souvenir aux curieux qui se seraient risqués à plus d’un événement.

Car si les déceptions sont inévitables, on reprochera ainsi une légère tendance à l’affectation chez Devendra Banhart alliée à un sens de l’humour artificiel, chacune est équilibrée par des moments suspendus qui nous rappellent l’importance de la culture en tant que poumon d’une société. La fraîcheur incongrue d’un Dan Deacon, traversant d’un air débonnaire toutes les autoroutes à clichés où se prélassent nombre de formations musicales, aura certainement redonné à beaucoup de festivaliers l’enthousiasme naïf de leur adolescence, assoupi peut-être après une longue routine de concerts cools.

Explosions in the Sky, qui  emboîtaient le pas à Dan Deacon le sur la scène de l’Alhambra, est un peu le symptôme de ce bon goût assoupi : prévisible, constant et calibré dans ses élans de puissance, et convaincant seulement dans le retour à l’intimité et à l’acoustique. L’audace sera davantage à chercher dans des performances comme celle de Jeff Mills et Tony Allen, dont la sincérité, par contraste, renverra avec amertume au concert de Devendra Banhart, qui paraît forcé en comparaison. Le mariage réussi de l’afrobeat et de la techno auront éveillé des émotions nouvelles dans les tripes des spectateurs assez attentifs pour suivre les zigzags exigeants de concert hybride. Réveillant de même une soif de rave un peu coupable, celle-ci aura pu être assez assouvie par la Caserne des Vernets.

Le caractère fabuleux du lieu choisi pour installer les afters allié à leur programmation pointue – ceux assez lucides pour se souvenir du set de Tommy Four Seven en garderont longtemps les stigmates – auront immortalisé ces nuits. Mais leur souvenir se trouve terni par une faune amenée aux Vernets moins par son hédonisme et son envie de danser que par l’ennui et l’impossibilité pour les autres lieux de vie nocturne genevois d’offrir à un Antigel spectaculaire une concurrence sérieuse tout au long de sa tenue.

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